La Voce

EiLE – Français



Comitati d’Appoggio alla Resistenza - per il Comunismo (CARC)

(Comités d’Appui à la Résistance - pour le Communisme)





Projet de

Manifeste programme

du nouveau parti communiste italien








Edizioni Rapporti Sociali

Ottobre 1998

Traduction française éditée par la Commission Préparatoire (CP) du congrès de fondation du (nouveau) Parti communiste italien


 



 

 

Sommaire



 

Présentation

Préambule

 

Chapitre I

La lutte de classe pendant les cent cinquante années du mouvement communiste

et les conditions actuelles

 

Chapitre II

Le rôle du parti communiste

 

Chapitre III

Le mouvement communiste en Italie

 

Chapitre IV

Programme pour la phase socialiste

 

Chapitre V

Les principales objections à notre Manifeste programme



A nos lecteurs













Présentation

 

Voici le projet du Manifeste programme (PMP) du nouveau Parti communiste italien que le Secrétariat National des CARC (Comités d’appui à la résistance — pour le communisme) soumet à tous les membres et collaborateurs des CARC, à toutes les Forces subjectives de la révolution socialiste (FSRS) de notre pays, au plus grand nombre de travailleurs avancés que nous réussirons à mobiliser pour participer à la discussion.

Le Manifeste programme, une fois que le congrès constitutif du parti l’aura approuvé dans sa version définitive, sera la base de l’unité politique et idéologique du futur parti.

Il sera le point d’arrivée de la formation de la conscience de ses nouveaux membres, un aspect du processus à travers lequel ils adhéreront au parti : le Manifeste programme sera le texte de base des cours de formation pour les candidats.

Il sera le point de départ de tout approfondissement ultérieur et de tout enrichissement de la conscience des membres du parti.

Il sera un document essentiel pour mettre le nouveau parti sur la voie juste pour accomplir sa mission historique : “ Sans théorie révolutionnaire, un mouvement révolutionnaire est impossible ”, comme nous l’a enseigné Lénine.

A chaque lecteur du projet que nous présentons ici, le Secrétariat National des CARC demande de :

— confronter l’analyse de la réalité et la ligne qu’il propose avec sa propre expérience ;

— envoyer au Secrétariat National des CARC ses observations (positives et négatives), ses critiques, ses propositions.

Tout le matériel qui arrivera sera examiné avec soin et rendu public en une forme que nous devons encore définir, à moins que le lecteur nous demande de ne pas le faire.

Chaque lecteur qui, en plus d'étudier et d'évaluer individuellement ce PMP, le fera aussi étudier à d’autres camarades, recueillera et enverra leurs observations et propositions, donnera une contribution encore plus importante à l’élaboration du Manifeste programme.

Avec ce projet de Manifeste programme, les CARC font un pas en avant dans la création des conditions pour la constitution du nouveau Parti communiste italien.

La discussion du projet du Manifeste programme est ouverte à tous ceux qui veulent participer à la fondation du nouveau parti. Ce sera le congrès de la constitution du parti qui approuvera son Manifeste programme. A partir de maintenant et ce jusqu’au congrès, le projet se verra enrichi, amélioré, transformé. Il n’est pas exclu que, à un certain point de la discussion, ce premier projet devra être remplacé par un projet plus avancé, ou que d’autres projets seront proposés par d’autres. Ce sont les faits qui montreront la voie à travers laquelle nous arriverons à la version définitive du Manifeste programme du nouveau parti.

Il va de soi que l’élaboration du Manifeste programme avancera du même rythme que la préparation des autres conditions pour la fondation du parti. Le parti n’est pas seulement une unité sur la ligne politique et sur la conception du monde, c’est aussi une unité organisationnelle. Tout cela se verra préparé “ dans le feu de la lutte ”, participant, de la meilleure façon, à la défense des conquêtes et, plus généralement, à la résistance que les masses populaires opposent à l’avancée de la nouvelle crise générale du capitalisme.

La fondation du parti est un élément de cette résistance ; nous nous tromperions si nous la concevions en dehors de celle-ci. Actuellement la fondation du parti est, dans cette résistance, l’expression la plus avancée de l’attaque, qui est justement une partie de la résistance. Celle-ci en effet est unité, combinaison indissoluble de défense et d’attaque ; la défense est aujourd’hui l’élément le plus diffus dans cette combinaison, tandis que l’attaque est l’élément dirigeant, celui vers lequel tout doit tendre pour que la résistance des masses populaires puisse se développer jusqu’à la victoire.

Une fois qu’il aura approuvé son Manifeste programme, le parti adoptera systématiquement, comme méthode pour former et renforcer son unité politique et idéologique, la pratique de ramener au Manifeste programme la solution qu’il donnera à chaque problème particulier que l’activité politique le conduira à affronter, de citer continuellement le Manifeste programme, de vérifier chaque solution et décision à la lumière du Manifeste programme et, de cette façon, de vérifier aussi continuellement le Manifeste programme lui-même. Chaque initiative et chaque mot d’ordre devront aussi être appréciés et vérifiés à la lumière du Manifeste programme.

Nous devrons absolument éviter ce qui est arrivé avec les Thèses de Lyon du premier Parti communiste italien.(1) Celles-ci furent approuvées mais oubliées au cours de la vie du parti, si bien que, en 1944, Togliatti a pu indiquer au parti une ligne politique ( “ le retour du fascisme à la démocratie bourgeoise ” ) en opposition ouverte avec les thèses de son IIIe congrès, en particulier en opposition ouverte avec les thèses 4 et 26 du chapitre IV, sans même expliquer pourquoi il proposait une voie qui s’opposait ouvertement aux thèses officielles fondatrices du parti : c'est-à-dire que celles-ci étaient devenues déjà depuis longtemps lettre morte pour l'ensemble du parti.

Le Secrétariat National des CARC est bien conscient que, dans ce premier PMP, il n’a pas affronté certains thèmes qui devront être définis dans le Manifeste programme du parti, parce qu’ils sont une partie essentielle de son unité politique et idéologique, sur lesquels l’expérience du mouvement communiste international et italien est déjà suffisante pour qu’une ligne de démarcation puisse être nettement tracée. En particulier, ce premier PMP ne traite pas de façon exhaustive la voie vers la révolution socialiste dans notre pays, ainsi que la nature et les caractéristiques du nouveau parti communiste. D’autres lacunes seront certainement identifiées par les camarades qui étudieront ce premier PMP à la lumière de l’expérience dérivée de la lutte des classes, avec la volonté d’accomplir la révolution socialiste. Nous laissons la tâche d’intégrer ce premier PMP aux camarades qui le prendront en main et le transformeront graduellement en un Manifeste programme que le congrès constitutif du nouveau Parti communiste italien approuvera.


Octobre 1998





1. Les Thèses de Lyon furent approuvées par le IIIe congrès (Lyon, janvier 1926) du premier Parti communiste italien. Elles sont l’écrit qui ressemble le plus à un programme que le premier PCI ait élaboré.

La thèse 4 du chapitre IV a établi qu’“ il n’y a pas en Italie de possibilité de révolution autre que la révolution socialiste ”.

La thèse 26 du chapitre IV a indiqué le danger d’une déviation de droite consistant à faire du parti communiste “ l’aile gauche d’une opposition composée de toutes les forces qui conspirent à la destruction du régime fasciste ”.





Préambule

 

Le monde où nous vivons est tout secoué de fortes convulsions.

Parmi les cris de millions d’hommes et de femmes sacrifiés au profit, dans les clameurs des crises qui secouent tantôt un pays tantôt un autre, dans le fracas des guerres, qui, aujourd’hui, se souvient encore des opportunistes et des porte-parole de la bourgeoisie impérialiste, qui il y a moins de dix ans ont, conformément à leurs différents rôles, les uns déploré et les autres glorifié la “ paix ” et “ 1989, année de la révolution démocratique ” ; qui ont affirmé que, dans la “ démocratie ” finalement triomphante, on ne verrait plus de tourmentes ; qui ont proclamé par la bouche du président des groupes impérialistes américains, et avec la bénédiction du Pape le “ nouvel ordre mondial ” et la “ mort du communisme ” ?

De tous ces cris, le seul que la bourgeoisie fait encore résonner, c’est celui de “ mort du communisme ” : c’est la conjuration avec laquelle elle veut éloigner un danger. Elle ose toujours plus rarement promettre aux masses une solution à la crise actuelle et elle en est toujours plus réduite à proclamer que personne ne peut y remédier, et encore moins les communistes. Mais, dans les contradictions du capitalisme, rendues de nouveau aiguës par l’avancée de la seconde crise générale, renaît aux quatre coins du monde le mouvement communiste.

La reconstruction du Parti communiste italien est un aspect particulier et un élément de la renaissance du mouvement communiste en action dans le monde entier.

Dans ce Manifeste programme nous, communistes italiens, affirmons la conception du monde qui nous guide, les méthodes avec lesquelles nous opérons, le bilan que nous faisons des cent cinquante premières années du mouvement communiste et les objectifs que nous poursuivons en estimant qu'ils sont les transformations objectivement nécessaires et la tendance positive de la société actuelle.



*Notes à l'édition française

 

CARC, Comités d'appui à la résistance [des masses populaires à l'avancée de la seconde crise générale du capitalisme] - pour le communisme.

Ce sont des organismes créés en 1992. Ils ont la tâche de créer les quatre conditions nécessaires pour la reconstruction du nouveau parti communiste, c'est-à-dire de :

1. former des camarades capables de reconstruire le parti pour qu'il soit à la hauteur de la tâche que l'avancée de la seconde crise générale du capitalisme et la situation révolutionnaire en développement qui en découle exigent de lui, en tenant pleinement compte de l'expérience de la première vague de la révolution prolétarienne ;

2. développer le travail autour du programme du parti, autour de sa méthode de travail, autour de l'analyse de la phase et de la ligne générale du parti ;

3. lier au travail de reconstruction du parti les travailleurs avancés, particulièrement les ouvriers avancés, les jeunes et les femmes avancées des masses populaires ;

4.  créer les bases financières pour le futur parti.

L'organe de formation et de propagande des CARC adressé aux FSRS, c'est Rapporti Sociali, revue trimestrielle fondée en 1985.

L'organe de propagande des CARC adressé aux travailleurs avancés, c'est Resistenza, feuille mensuelle fondée en 1994.

 

FSRS, Forces Subjectives de la Révolution Socialiste.

Catégorie qui désigne tous les organismes et les individus qui se proposent de mettre leur activité à disposition de la révolution socialiste. Les FSRS représentent ce qui restait dans les années 90, en Italie, du mouvement communiste en tant que mouvement organisé et conscient.

 

Travailleurs avancés.

Catégorie qui désigne les travailleurs qui jouent un rôle en quelque mesure actif, d'agrégation et d'orientation, vis-à-vis des camarades de travail.






Chapitre I

La lutte de classe pendant les cent cinquante années du mouvement communiste et les conditions actuelles

1.1. Le processus de production capitaliste

1.1.1. La naissance et le développement du mode de production capitaliste

1.1.2. La nature du mode de production capitaliste

1.2. Les classes et la lutte de classe

1.3. L’impérialisme, dernière phase du capitalisme

1.4. La première crise générale du capitalisme, la première vague de la révolution prolétarienne et le léninisme

1.5. La reprise du capitalisme, le révisionnisme moderne, la Révolution Culturelle Prolétarienne et le maoïsme

1.6. La deuxième crise générale du capitalisme et la nouvelle vague de la révolution prolétarienne

1.7. L'expérience historique des pays socialistes

1.7.1. En quoi consiste le socialisme

1.7.2. Le socialisme triomphe dans un ou dans plusieurs pays à la fois, et non dans le monde entier en même temps

1.7.3. Les différentes phases que les pays socialistes ont traversées

1.7.4. Les pas accomplis par les pays socialistes vers le communisme, au cours de la première phase de leur existence

1.7.5. Les pas en arrière accomplis par les révisionnistes modernes dans la seconde phase de l'existence des pays socialistes

1.7.6. Comment les révisionnistes modernes ont ils pu prendre le pouvoir

1.7.7. Les enseignements des pays socialistes

1.8. Conclusions


La lutte de classe pendant les cent cinquante années du mouvement communiste et les conditions actuelles

Sur mandat de la Ligue des communistes, premier parti communiste de l’histoire, Marx (1818-1883) et Engels (1820-1895), il y a cent cinquante ans, en 1848, ont exposé pour la première fois, dans le Manifeste du Parti communiste, la conception du monde, la méthode d’action et les objectifs des communistes.(1)

Dans le Manifeste du Parti communiste et dans leurs œuvres successives, ils ont utilisé les instruments les plus raffinés de la pensée, échafaudés jusqu’alors par l’humanité, pour élaborer l’expérience des ouvriers en lutte contre la bourgeoisie. Ils ont montré que les hommes n’ont pas toujours été divisés en classes d’oppresseurs et d’opprimés, que la division en classes est née à un niveau déterminé de développement des forces productives des hommes, que le capitalisme a créé les conditions qui ont rendu nécessaires la disparition de la division en classes et, avec celle-ci, l’extinction de l’Etat. Ils ont montré que par sa nature le capitalisme devait développer les forces productives et par conséquent les rendait toujours plus collectives, et que justement cela rendait impossible la survivance des rapports de production capitalistes, parce qu’ils devenaient un obstacle au développement des forces productives indispensables au capitalisme même : cette contradiction amenait inévitablement la disparition du mode de production capitaliste et de la société bourgeoise. Ils ont aussi montré que la lutte de la classe ouvrière contre la bourgeoisie, que les ouvriers menaient déjà spontanément pour améliorer leurs propres conditions, incarnait la lutte du caractère collectif des forces productives que le mode de production capitaliste générait, contre les rapports de production capitalistes eux-mêmes ; que dans cette lutte la classe ouvrière triompherait inévitablement et substituerait à la société capitaliste la société communiste, la société sans plus de division en classes et sans plus d’exploitation de l’homme par l’homme ; que la transition de la société capitaliste à la société communiste constituerait une phase de l'histoire des hommes, le socialisme, dont la forme politique serait la dictature du prolétariat.(2)

Le communisme est devenu alors, outre le mouvement pratique en action de transformation de la société, l’objectif poursuivi consciemment par le parti communiste, la conception du monde et la méthode de connaissance et d’action du parti communiste : la formation d’avant-garde organisée de la classe ouvrière, la conscience de la classe ouvrière dans la lutte pour le pouvoir, l’instrument de sa direction sur le reste du prolétariat et des masses populaires.(3)

 

1.1. Le processus de production capitaliste

 

1.1.1. La naissance et le développement du mode de production capitaliste

 

La marchandise est apparue au monde quand des hommes ont commencé à produire des biens ou des services non pas pour leur usage personnel, ni pour l’entretien des personnes auquel ils devaient pourvoir à un titre ou un autre, ni pour l’usage personnel de leurs patrons ou seigneurs, mais en hommes libres afin de les échanger librement contre des biens et des services produits par d’autres. La production de marchandises, leur circulation et l’argent qui en découle sont apparus en des temps reculés et dans plusieurs pays, comme aspect marginal des autres modes de production (esclavagiste, féodal, etc.). La circulation des marchandises a été le point de départ de la transformation de l’argent en capital. L’actuel mode de production capitaliste est né en Europe à partir du XIe siècle. A cette époque, dans certaines zones d’Europe, par un concours de circonstances, la production mercantile avait atteint un développement assez vaste. C’est alors que le capitaliste est apparu, comme incarnation du capital commercial : il acquérait des marchandises, non pour son usage personnel, mais pour les vendre et il pratiquait cette activité non pour gagner sa vie, mais pour augmenter la quantité d’argent en sa possession.

Le pas suivant a eu lieu quand le capitaliste, encore commerçant, s’est mis à commander régulièrement la production de marchandises. Par la suite, à partir du XVIe siècle, le capitaliste est devenu industriel : il s’est mis à organiser lui-même la production, engageant à travailler, dans ses propres locaux (manufactures) et avec ses propres moyens de production et ses propres matières premières, des travailleurs qui à leur tour étaient libérés des chaînes de la servitude, mais aussi privés de la possibilité de pourvoir à leur propre vie par un autre moyen que la vente de leur propre force de travail (capacité de travail). A ce point, c’était l’intérêt du capitaliste non seulement de faire travailler le plus longtemps et le plus intensément possible le travailleur, mais encore d’élever le plus possible la productivité du travail de l’ensemble des travailleurs. A la différence des classes dominantes qui l’avait précédée, la bourgeoisie utilisa alors systématiquement le patrimoine culturel et scientifique ainsi que les richesses de la société, concentrés dans les mains des classes dominantes, à augmenter la productivité du travail humain.(4) Par conséquent, à partir du XVIIIe siècle, le capital est passé de la manufacture à la grande industrie mécanisée, a mis en œuvre un processus de vaste socialisation et de division du travail et a toujours plus accentué la dépendance entre les différentes entreprises. Il s’est approprié d’autres secteurs de travail (mines, transports, forêts, agriculture, pêche, services), il en a créé de nouveaux (recherche, communication) et les a rendus interdépendants. Il a relié les uns aux autres différents pays. Il a soumis les Etats anciens et il en a créé de nouveaux les mettant tous au service de sa propre valorisation. Il a envahi et d’une façon ou d’une autre il a soumis tous les pays, non seulement d’Europe, mais encore d’Asie, d’Afrique et des Amériques, les divisant entre pays capitalistes et colonies. Le travail salarié est devenu la forme principale de la production et les autres rapports de travail ont eux aussi d’une façon ou d’une autre pris sa forme.

Les rapports de production capitalistes ont été un puissant stimulant du développement économique. La recherche du profit a poussé la bourgeoisie à développer la production, à perfectionner l’outillage et à améliorer la technologie dans l’industrie, l’agriculture, les transports, les services, dans tous les secteurs, à créer de grandes infrastructures, à transformer l’environnement. Sa recherche sans limites du profit a poussé la bourgeoisie à bouleverser les habitudes et les coutumes séculaires, à ne s’arrêter devant aucun crime, à éliminer des populations entières et des civilisations, à appauvrir, à polluer et à détruire les ressources naturelles et l’environnement.

Les classes dominantes qui l’ont précédée ont toutes exploité les travailleurs pour satisfaire leurs propres besoins de consommation. C’est pourquoi elles avaient leur consommation comme limite de l’exploitation. Au contraire la bourgeoisie, ayant comme objectif non seulement sa consommation mais l’augmentation de son propre capital, a poussé l’exploitation bien au-delà de ce qui est nécessaire à la consommation de la classe dominante. Cela a été la raison de la supériorité économique du capitalisme sur les modes de production esclavagiste et féodal parmi lesquels il s’est développé, et cela a été la base du rôle progressiste tenu par la bourgeoisie dans l’histoire de l’humanité.

Le mode de production capitaliste s’est affirmé définitivement en Europe au XVIe siècle en luttant contre le mode de production féodal, parce qu'il comprenait des rapports de production (forme de propriété, rapports entre les hommes dans le travail et formes de répartition des produits) et des rapports politiques et culturels incompatibles avec le féodalisme. Il s’est imposé sur une grande échelle, d’abord en Angleterre où, par un concours de circonstances, il a pu employer la force de l’Etat pour balayer la résistance féodale, jusqu’à s’emparer aussi des campagnes qui étaient la base du mode de production féodal. Puis ont suivi la France et graduellement les autres pays européens et les colonies de peuplement anglo-saxonnes (l’Amérique du Nord et l’Australie). La succession presque ininterrompue de guerres, qui constitue l’histoire de l’Europe aux XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, la Révolution anglaise (1638-1688), la Guerre d’indépendance américaine (1776-1783), la Révolution française (1789-1815) et enfin la Révolution européenne de 1848 sont les étapes principales de la lutte par laquelle la bourgeoisie élimina essentiellement, en Europe occidentale, le monde féodal et consolida sa propre direction. Pendant que la bourgeoisie conduisait sa lutte contre le féodalisme, contre le Saint Empire Romain Germanique et les monarchies féodales, contre l’absolutisme monarchique, contre l’obscurantisme de l’Eglise romaine et de la Papauté, dans l’environnement de son mode de production, une nouvelle classe, la classe ouvrière, croissait numériquement et acquérait de la maturité culturelle et de la force politique. La bourgeoisie la contraignait à des conditions de travail et de vie pires que celles que l’on avait connues jusqu'alors, mais en même temps elle proclamait et imposait sa propre libération de l'esclavage féodal ; contre celui-ci elle arborait les mots d'ordre universels de “ liberté, égalité et fraternité ”, et contre la résistance des féodaux elle mobilisait la classe ouvrière elle-même. C'est cette nouvelle classe qui est la force dirigeante du processus de transformation de la société capitaliste en société communiste, et le communisme est, en plus de ce processus pratique de transformation, la conception du monde et la méthode de connaissance et d'action avec laquelle cette nouvelle classe conduit sa lutte.(5)

Déjà au XVIIIe siècle, dans le pays capitaliste le plus développé, l'Angleterre, l'antagonisme entre la bourgeoisie et les ouvriers était assez développé, et l'ouvrier était suffisamment différencié aussi bien du capitaliste que de l'artisan, de l’apprenti etdu pauvre en général, pour donner lieu à des rébellions de différentes sortes, individuelles et collectives, et aux premières formes d'organisation de classe. Les ouvriers ont participé activement à la Révolution française mais encore essentiellement à la remorque de la bourgeoisie ; pendant la Révolution européenne de 1848 au contraire, bien que ce fût encore la bourgeoisie qui recueillit les fruits de leur lutte, ils ont déjà accédé au statut de classe indépendante et, en juin 1848 à Paris, ils ont subi une répression de masse féroce qui marqua pour la France la séparation nette entre les deux classes, et aussi la fin de la république bourgeoise qui venait de naître. Dans les premières décennies du XIXe siècle, les ouvriers se sont opposés toujours plus massivement à la bourgeoisie, ils ont acquis la conscience de classe et la capacité de lutte, ils ont entraîné à leur suite dans la lutte le reste des masses populaires, ils sont devenus dans la plupart des pays capitalistes un problème d'ordre public.

L’élaboration de l’expérience de la lutte de la classe ouvrière contre la bourgeoisie a conduit avant tout à une compréhension exhaustive des origines et de la nature du mode de production capitaliste, que jusqu'alors les plus grands théoriciens de la bourgeoisie avaient inutilement cherché à comprendre, et donc des conditions matérielles dans lesquelles la lutte de la classe ouvrière se déroulait et qui la conditionnaient.(6)

 

1.1.2. La nature du mode de production capitaliste

 

La force de travail est l'ensemble des conditions physiques et spirituelles qui se manifestent dans la personnalité d'un homme et que celui-ci met en mouvement pour produire des biens ou des services, des produits de toutes sortes. Le capitalisme naît là où le propriétaire des moyens de production, des biens de consommation ou de l'argent avec lequel on peut les acquérir — ceux-ci étant produits comme marchandises — rencontre sur le marché l'ouvrier “ libre ” qui vend sa force de travail. Dans le capitalisme, la force de travail prend, pour l'ouvrier lui-même, la forme d'une marchandise qui lui appartient et son activité, par conséquent, prend la forme du travail salarié. La valeur de la force de travail, comme la valeur de toute marchandise, est déterminée par le temps de travail socialement nécessaire pour sa production. C'est pourquoi la valeur de la force de travail est la valeur des biens de consommation et des services nécessaires pour maintenir l'individu travailleur dans des conditions de vie et de travail normales dans un pays donné et à une époque donnée et pour qu'il entretienne sa famille : c’est-à-dire pour assurer la reproduction de la marchandise force de travail.(7) L'ouvrier vend pour un temps déterminé sa force de travail et le capitaliste devient propriétaire, pendant ce temps, de cette marchandise et la consomme dans son entreprise, dans son usine. Cette utilisation de la force de travail est le processus de la production capitaliste des marchandises : un processus de production des biens et des services qui est aussi un processus de création de valeur (parce qu'il s'est déroulé dans l'environnement de la production mercantile) et un processus de valorisation du capital ou d'extraction de plus-value (parce qu'il s'est déroulé dans l'environnement du mode de production capitaliste). Le capitaliste prolonge le temps de travail au-delà du temps nécessaire à l'ouvrier pour reproduire dans les marchandises achevées une valeur équivalente à celle qu'il reçoit en compensation pour la force de travail qu'il a vendue ; il extorque donc à l'ouvrier un travail dont il ne paie pas l’équivalent, il s'approprie une valeur ajoutée à celle qu'il avait avancée, la plus-value : il exploite l'ouvrier et valorise (augmente) son capital. A partir de là, son intérêt vital sera soit de prolonger la durée du travail global soit de réduire la durée du temps de travail nécessaire. C'est là l'essentiel du mode de production capitaliste mis en lumière par K. Marx et F. Engels.(8)

Ce processus d'exploitation est la cellule à partir de laquelle s'est développée au cours de quelques siècles toute la société actuelle, la base sur laquelle s’élève tout l’édifice de la société bourgeoise actuelle et la source de la lutte de classe inconciliable entre les ouvriers, privés de tout sauf de leur force de travail et les capitalistes, propriétaires des moyens de production et des biens de consommation.



 

1.2. Les classes et la lutte de classe

 

Les classes n'ont pas toujours existé et n'existeront pas pour l’éternité. L’étude de la préhistoire a montré que dans les sociétés les plus primitives les classes n'existaient pas, et elle a permis de reconstruire à grands traits les passages à travers lesquels elles se sont graduellement formées. La division des hommes primitifs en classes est liée à une phase historique déterminée du développement de leur activité productive. Au sein de la société primitive surgit spontanément la division du travail, comme mesure qui a accru la force productive du travail humain. Cette division impliquait des hommes et des femmes systématiquement occupés par des travaux différents et des rapports déterminés entre eux. Avec la division sociale du travail et les rapports qui, dans ces conditions, l'accompagnaient, se sont développés la propriété privée des moyens de production et le contrôle privé des conditions de celle-ci (en premier lieu de la terre) qui graduellement ont remplacé la propriété commune. En conséquence naquirent les classes. Les rapports entre les classes se sont développés graduellement et sont arrivés au point que quelques classes n'ont plus participé à la production des conditions matérielles de l'existence et ont vécu du produit du travail des autres. C'est seulement la séparation des hommes en classes dominantes et en classes opprimées qui pouvait contraindre les hommes à produire systématiquement et en quantité croissante au-delà de ce qu'ils consommaient eux-mêmes. Donc la division des hommes et des femmes en classes d’opprimés et d'oppresseurs s'est imposée sur le communisme primitif parce que dans une société obsédée par la lutte contre la nature pour arracher le nécessaire à sa propre survie, cette division créait un contexte approprié au développement de forces productives plus grandes et à la naissance de niveaux supérieurs de civilisation. C'est à cause de cela que la société divisée en classes naquit. L'histoire de l’humanité, depuis quelques millénaires jusqu’à aujourd’hui, est l'histoire des sociétés divisées en classes d’opprimés et d'oppresseurs, d’exploités et d'exploiteurs. Les sociétés de communisme primitif d'alors n'ont survécu que comme forme de civilisation inférieure, isolées par rapport au courant principal et graduellement balayées et détruites par celui-ci.

Dans toutes les sociétés divisées en classes d’opprimés et d'oppresseurs, nous relevons ces quelques caractéristiques. Les relations économiques entre les classes, les rapports de production, impliquent fondamentalement trois aspects : la propriété des moyens et le contrôle des conditions nécessaires pour produire (forces productives), les relations entre les hommes dans le processus de travail, la répartition et l'emploi du produit. Les forces productives et les rapports de production constituent une unité de contraires, deux termes différents constitutifs de la société entre lesquels existe un rapport d’unité et de lutte, dans le sens que des forces productives données ont rendu nécessaires des rapports déterminés de production leur correspondant, et ceux-ci à leur tour ont permis le développement de forces productives supérieures qui ont rendu nécessaires de nouveaux rapports de production.(9)

L'ensemble des forces productives et des rapports de production constituent la structure de la société, la base matérielle, économique, de la lutte entre les classes. L'existence et la nature d'une classe, l’unité entre ses membres, ne sont pas déterminées par la conscience de ses membres, mais par la situation et le rôle que ceux-ci tiennent dans le mode de production. La lutte entre les classes dominantes et les classes opprimées est la force motrice du développement des sociétés divisées en classes.

La lutte de classe a fait surgir depuis des temps reculés l'Etat comme instrument de la classe dominante, comme association de ses membres pour régler leurs affaires et pour tenir en respect les autres classes. Lénine a démontré que “ l'Etat surgit dans le lieu, au moment et dans la mesure où les contradictions de classe ne peuvent objectivement se concilier ”. L'Etat est devenu un instrument de pouvoir de la classe économiquement plus puissante ; avec l'Etat celle-ci a acquis de nouveaux moyens pour soumettre et exploiter les classes opprimées. Le rôle essentiel de l'Etat consiste dans le fait que la classe exploiteuse confisque, comme étant son monopole et son droit exclusif, l'usage de la violence qu'elle interdit aux autres classes. Dans une société divisée en classes d’exploités et d'exploiteurs dont le conflit est inconciliable, il est incompatible avec la constitution économique de la société que le monopole de la violence soit exercé par une classe différente de celle qui est économiquement dominante. L'usage de la violence de la part des exploités ne peut que donner lieu à la guerre civile et la victoire des exploités consiste précisément à mettre fin à l'exploitation et à la classe qui possédait aussi bien le “ droit ” d'exploiter que le monopole de la violence. En dehors de la guerre civile, les exploiteurs ont le monopole de la violence et les exploités essaient de réduire l'exploitation et la violence de la répression au moyen de règles et de lois que les exploiteurs essaient toujours soit d'utiliser pour intensifier l'exploitation soit de les circonvenir.(10)

Dans la société bourgeoise, le monopole de la violence se traduit en un ensemble d'instruments professionnels de répression basés sur la division du travail : forces armées, police, magistrature, prisons, codes et lois. A côté de ce rôle, la bourgeoisie a développé au plus haut degré pour son Etat un autre rôle et une prétention : être le centre qui promeut l'expression de la volonté commune de la société et la met en acte, qui organise et dirige les affaires sociales avec le corps des fonctionnaires publics professionnels. En conséquence, la bourgeoisie cherche à faire fonctionner son Etat comme organisme général de la société, comme son délégué et représentant. Ce dernier rôle se heurte à l'antagonisme des classes que la société bourgeoise porte par nature en elle.(11) Cette prétention de la bourgeoisie impérialiste atteint sa réalisation maximale dans le capitalisme monopoliste d'Etat : son Etat devient le centre des affaires et des intrigues de la bourgeoisie impérialiste et de ses luttes intestines qui se développent mais derrière le masque de la prise en charge et de la régulation des affaires de toute la société et de toutes les classes et de l'observation des lois publiquement promulguées.(12) Dans la société socialiste, avec la dictature de la classe ouvrière, ce rôle, qui pour la bourgeoisie impérialiste était une prétention économiquement irréalisable, deviendra au contraire une réalité par rapport à l'immense majorité de la société : les ouvriers et les autres travailleurs. Puis, graduellement, avec la disparition de la bourgeoisie et l'extinction de la division en classes et des rapports et des conceptions qui en sont dérivés, s’éteindra l'Etat comme monopole de la violence et de la répression. En revanche se développera un système d'organismes de libre association de tous les travailleurs, chargés de gérer les affaires de toute la société.

Les rapports entre les classes et leurs luttes ne se limitent donc pas au domaine de la vie économique. Dans le rapport entre ceux qui disposent des moyens et des conditions de la production et ceux qui les font fonctionner, se trouve la clé de la structure du pouvoir politique, la raison de son existence et de son rôle. C'est pour cela que la lutte entre les classes antagonistes devient lutte pour le pouvoir politique. La division en classes pénètre aussi tout le reste de la vie de la société de classes et implique tout le système des rapports sociaux. Elle se manifeste donc sur le terrain de la superstructure, dans la politique, dans l’idéologie et, en général, dans toute la vie spirituelle.

L’expérience de la production et de la lutte entre les classes, c’est-à-dire l’expérience pratique de tous les membres de la société, est en définitive la source première des sensations, des sentiments et des idées avec lesquels les hommes se représentent leur vie et avec lesquels ils conduisent les luttes que celle-ci implique. La transformation de la société est régulée par des lois objectives, précisément dans le sens que l’expérience pratique produit chez les hommes et les femmes des sensations, des sentiments et des idées avec lesquels ces hommes et ces femmes résolvent les contradictions objectives qui déterminent le développement de la société, et poursuivent les objectifs que l’expérience pratique elle-même pose. De cette façon les hommes et les femmes mettent en œuvre les lois objectives du développement de la société.

Le remplacement du capitalisme par le communisme est une loi objective de la vie sociale. Qui met en pratique cette loi ? Qui transforme la réalité en conformité à cette loi ? La classe ouvrière avec son parti communiste, ses organisations de masse, ses luttes, sa direction sur le reste du prolétariat et des masses populaires. Son expérience concrète pousse la classe ouvrière à assumer ce rôle jusqu'à ce qu’elle le remplisse. Le remplacement du capitalisme par le communisme est donc un événement inévitable dans le sens précis que le capitalisme, jusqu’à sa disparition, poussera et contraindra la classe ouvrière à assumer ce rôle. Chaque fois qu'elle y manquera et donc qu'elle renoncera à sa mission historique, le capitalisme créera les conditions pour que dans le sein de la classe ouvrière et dans le sein de la société surgissent de nouvelles troupes de communistes qui ramèneront la classe ouvrière à la lutte pour le pouvoir et pour le communisme. C'est dans ce sens qu'une loi sociale est une loi objective. Non dans le sens caricatural que parfois quelques-uns de nos adversaires et quelques-uns de nos dangereux amis donnent à notre affirmation, c’est-à-dire non dans le sens qu'une loi objective se réaliserait sans l'intervention des masses et des hommes en général.

En conséquence, l’étude de l’expérience pratique permet aussi de comprendre l'origine, la signification réelle et le rôle des sensations, des sentiments et des idées existants ; tandis que, en général, il est vain de tenter d'expliquer la réalité existante en cherchant son origine dans les sentiments, dans les idées, dans les aspirations et dans la volonté des individus, des groupes et des classes sociales.

A l’époque du capitalisme, dans la société se sont formées deux grandes classes ennemies qui s'affrontent : la bourgeoisie et la classe ouvrière.(13) Au début la lutte entre ces deux classes a pris la forme d'une lutte économique. C’était la lutte d'une partie ou d'un groupe d'ouvriers contre un seul capitaliste, tantôt dans une usine tantôt dans une autre. Cette lutte ne visait pas encore les bases du système d'exploitation. Son but conscient et déclaré n’était pas d’éliminer l'exploitation, mais de l’atténuer, d’améliorer la situation matérielle et les conditions du travail. Cette première forme de lutte a tenu un rôle important, parce qu'elle a organisé et éduqué les ouvriers ; mais en même temps elle a mis en lumière son caractère limité. L'intervention de l'Etat pour défendre les capitalistes dans la lutte économique a fait comprendre aux ouvriers que leur lutte devait prendre un caractère politique, qu'ils devaient arracher, à l'Etat ennemi, des lois et des mesures en leur faveur (réformes). Plus tard, avec le marxisme, les ouvriers ont atteint une conscience plus ample de leur propre situation sociale. Leur lutte est devenue plus consciente, jusqu’à prendre un caractère supérieur, la forme de lutte pour abattre l'Etat de la bourgeoisie, construire leur Etat et, grâce au pouvoir conquis, éliminer l'exploitation et les bases historiques de celle-ci : la division de la société en classes. La lutte économique, la lutte politique pour conquérir les réformes et la lutte révolutionnaire pour le socialisme sont aujourd'hui trois secteurs différents de lutte objectivement liés entre eux. Le parti communiste doit diriger le mouvement dans les trois secteurs de façon à porter la lutte révolutionnaire à la victoire. De toutes les classes en conflit avec la bourgeoisie, même de celles qui sont écrasées et opprimées par la bourgeoisie, seule la classe ouvrière peut prendre la direction de la lutte commune contre la bourgeoisie et la porter à la victoire définitive. En effet elle est, par son rôle dans cette même société capitaliste, la classe la plus consciente et la plus organisée entre toutes les classes populaires. Mais pas seulement : elle est aussi la classe porteuse d'un mode de production nouveau, supérieur, le mode de production communiste. En effet la classe ouvrière ne peut améliorer durablement et à grande échelle sa propre condition dans la société qu'en abolissant en général la propriété privée des moyens de production, en instaurant des rapports de production correspondants pleinement au caractère collectif déjà atteint par les forces productives et mettant ainsi fin à l'exploitation de l'homme par l'homme et à toute division en classes.(14) La naissance des classes a été le résultat du développement spontané de la société. En revanche, la disparition des classes ne peut être que le résultat de la lutte consciente de la classe ouvrière, qui conduit à l'instauration de sa domination politique et au socialisme, étape de transition nécessaire sur la voie de la disparition de toutes les différences de classe. Mais la conscience de la classe ouvrière est en définitive générée par la contradiction fondamentale de la société bourgeoise. C'est pour cela que la lutte pour le communisme se poursuit inexorablement et renaît après chacune des défaites qui accompagnent son développement, pourvu que les défaites accompagnent le développement de toute nouvelle grande conquête des hommes.



1.3. L’impérialisme, dernière phase du capitalisme

 

Dans les décennies suivant la Révolution européenne de 1848 ont été créées les conditions matérielles qui ont rendu nécessaire la société communiste et en partie ont été créées aussi les conditions spirituelles nécessaires à mettre en marche la transition de la société capitaliste à la société communiste, c’est-à-dire à l'instauration d'une société socialiste.

Au cours du XIXe siècle, contrainte d'abord par une série cyclique de crises économiques (1815, 1825, 1836, 1847, 1857, 1867), puis par la Grande Dépression (1873-1895), pour empêcher la chute du taux de profit, la bourgeoisie — européenne et américaine — a développé les forces productives de la société sur une grande échelle et a étendu son rayon d'action à tous les continents. Ceci a signifié une forte augmentation du caractère collectif de l’activité économique. La concurrence entre de nombreux capitalistes a laissé la place aux monopoles d'une poignée de grands groupes capitalistes. Le capital bancaire et le capital productif se sont fondus dans le capital financier qui, sous diverses formes (dépôts, assurances, prêts, hypothèques, sociétés par action, obligations, etc.), a aussi pris le contrôle de l’épargne et des propriétés des autres classes. La bourgeoisie — européenne et américaine — a étendu au monde entier son réseau commercial, a colonisé et soumis à une exploitation implacable les peuples des pays non encore capitalistes (la majorité de la population mondiale) et a divisé le monde en pays capitalistes et pays arriérés et exploités. Elle a cherché des domaines d'investissement et des sources de rente aux quatre coins du monde. Elle créa ainsi un organisme productif unitaire qui, directement ou indirectement, plus ou moins complètement, englobait une grande partie de la population mondiale.(15)

Vers la fin du XIXe siècle, l’évolution des sociétés bourgeoises est arrivée à un tel point qu'elle a entraîné dans l'histoire de l’humanité un tournant : la division de la société en classes et leur antagonisme ont cessé d’être la condition favorable au développement des forces productives des hommes et sont devenus un frein. En conséquence, les conditions objectives étaient mûres pour une organisation sociale supérieure, le communisme, basée sur la propriété commune et sur la gestion collective des forces productives de la société par les travailleurs associés.

Le cours objectif avait aussi fait surgir dans la classe ouvrière, en opposition à l’idéologie et aux habitudes propres à la condition servile à laquelle elle était soumise, les sentiments, la conscience, les habitudes, les attitudes et les capacités organisatrices nécessaires à la nouvelle société. La société avait suivi le parcours que, quelques décennies auparavant, Marx et Engels avaient mis en lumière.

Le monde était entré dans la phase impérialiste du capitalisme, la phase de la décadence du capitalisme et de la révolution prolétarienne, dans laquelle nous nous trouvons toujours. Ceci impliquait une série de changements importants dans le domaine économique, politique et culturel, par rapport à la phase d'ascension du capitalisme.

Pour conserver la propriété individuelle capitaliste des forces productives, la bourgeoisie d'alors a dû tenir compte du caractère déjà collectif de celles-ci. Elle a dû sans arrêt mettre en œuvre des formes de gestion collective des forces productives, tout en restant sur le terrain de la propriété individuelle capitaliste de celles-ci, ces formes que Marx avait appelées Formes antithétiques de l’unité sociale (FAUS) : sociétés par action, associations de capitalistes, cartels internationaux de secteur, banques centrales, banques internationales, systèmes monétaires fiduciaires, politiques économiques d'Etat, organismes économiques publics, contrats collectifs de travail, systèmes d'assurance générale, règlements publics des rapports économiques, organismes supranationaux, jusqu'au capitalisme monopoliste d'Etat et au système monétaire fiduciaire mondial.(16) Les FAUS ont tenu un rôle toujours plus important dans la structure économique de la société qui restait cependant dans sa masse composée d'une myriade de capitalistes individuels, de producteurs individuels (petits-bourgeois), de vendeurs et d'acheteurs de marchandises et de force de travail en concurrence entre eux. Elle restait donc ingouvernable. Plan du capital, cartel capitaliste unique mondial, gouvernement mondial de l’économie capitaliste, etc. sont restés et restent des illusions et des imbroglios.(17) Une direction stable et sur une grande échelle de l’économie capitaliste par l'Etat ou par des consortiums bancaires a été souvent promise et proclamée, mais elle s'est toujours révélée précaire et velléitaire. Les FAUS sont restées inévitablement des superstructures fragiles, précaires et d’efficacité limitée. Celles-ci sont toutefois un indice de la nécessité du communisme, elles ont montré que le communisme est possible et ont créé quelques instruments matériels et quelques prémices pour le communisme. Lénine en particulier a fait remarquer que le capitalisme monopoliste d'Etat constituait la préparation matérielle la plus complète pour le socialisme, bien qu'entre celui-ci et le socialisme serait nécessaire le saut constitué par la révolution socialiste, c’est-à-dire que le pouvoir et la direction de la société passeraient de la bourgeoisie impérialiste à la classe ouvrière.

La bourgeoisie a dû en somme créer sans arrêt des associations de capitalistes qui ont constitué une médiation entre la propriété individuelle capitaliste des forces productives et leur caractère collectif et qui ont été en quelque sorte et provisoirement aptes à dépasser les effets les plus dévastateurs créés par la permanence des rapports de production capitalistes malgré le caractère déjà collectif des forces productives.

Simultanément la lutte contre l’avancée du communisme et la conservation de l’ordre existant sont devenues les tâches qui ne sauraient être négligées par la bourgeoisie. Cependant cela l’amenait inévitablement à la fois à la défense et à la récupération des vieilleries du passé qui survivaient en quelque sorte à la révolution bourgeoise (les institutions féodales, les églises, les pratiques obscurantistes, les sociétés secrètes, etc.) et à d’autres activités en opposition à la valorisation du capital. Récupération qui devient source de nouvelles contradictions et de nouvelles crises : rapports de dépendance personnelle, organisations criminelles, remplacement de la concurrence économique par la violence et la corruption, supériorité du pouvoir discrétionnaire des gouvernements, des administrations publiques et de leurs représentants sur les lois, corruption qui en résulte et entente des fonctionnaires publics et des hommes politiques avec les grands capitalistes, élimination des concurrents, guerre entre groupes capitalistes dont les rapports ne peuvent plus être régulés par des lois et des institutions qui leur soient communes, etc.

Dans la société, dans une certaine mesure, les Forces subjectives motrices de la révolution socialiste se sont aussi déjà formées. La Ligue des communistes (1847-1852) avait créé les conditions de la naissance du marxisme. La Ire Internationale, l’Association internationale des travailleurs (1864-1876) avaient obtenu la victoire dans la lutte du marxisme sur les conceptions anarchiques et petites-bourgeoises du socialisme et avaient diffusé le marxisme parmi les travailleurs avancés et les communistes du monde entier. La première révolution prolétarienne, la Commune de Paris (1871), bien que sauvagement réprimée par la bourgeoisie, avait montré pour la première fois la classe ouvrière au pouvoir, avait fourni de grands enseignements sur la nécessité du parti communiste de la classe ouvrière et avait fait connaître le socialisme aux opprimés du monde entier. Dans les partis socialistes et sociaux-démocrates de la IIe Internationale (1889-1914), le prolétariat des principaux pays capitalistes, en particulier européens, avait dans une certaine mesure acquis en masse la conscience que les conquêtes de ses luttes revendicatives ne pouvaient devenir durables qu’avec la transformation socialiste de la société et avait acquis une large hégémonie sur les autres classes populaires. Il était devenu la force politique qui incarnait et personnifiait l’exigence objective du passage au communisme et avait créé des institutions aptes à former et à exprimer la volonté de la nouvelle classe : son propre parti politique, les syndicats, les autres organisations de masse.

La bourgeoisie est devenue par force conservatrice et réactionnaire. L’époque de la démocratie bourgeoise et du rôle progressiste de la bourgeoisie était définitivement révolue. L’extension au prolétariat, aux masses des pays impérialistes et aux peuples des colonies des droits de la démocratie bourgeoise, de la reconnaissance formelle de l’égalité, du même droit à déterminer la direction de l’Etat et à gouverner, se heurtait en effet à la nécessité, inscrite dans les rapports économiques, de maintenir la dictature de la bourgeoisie impérialiste sur eux. Dans chaque pays bourgeois, quant aux rapports économiques, l’Etat doit avant tout défendre et promouvoir les intérêts de la bourgeoisie : en effet si les capitalistes ne font pas de bons profits, toute l’activité économique du pays tombe en ruine et cela bouleverse aussi la vie de toutes les autres classes. Dans chaque société capitaliste, la dictature politique de la bourgeoisie est économiquement nécessaire, bien que les formes qu’elle prend changent selon les circonstances concrètes. Tant que le prolétariat était faible, la bourgeoisie était révolutionnaire, elle avait lutté pour la démocratie, pour la liberté, pour la souveraineté populaire contre le féodalisme, l’absolutisme monarchique et l’obscurantisme clérical ; à partir du moment où le prolétariat est devenu fort et en état de faire valoir effectivement les droits jusque-là seulement proclamés, la bourgeoisie est devenue par la force des choses le centre de rassemblement de toutes les forces réactionnaires et son Etat s’est transformé en contre-révolution préventive organisée.

Etant donné la survivance de la propriété capitaliste des forces productives, la collaboration de la masse des prolétaires dans l’organisme unitaire de la production sociale ne peut se réaliser dans la forme de la participation universelle consciente à la gestion des affaires sociales. Dans le capitalisme, le prolétaire est juridiquement libre, il n’est lié ni à la terre ni à aucun patron : il peut aller chercher du travail dans l’entreprise de l’un ou l’autre capitaliste. Et pourtant il ne peut être libre par rapport à la bourgeoisie dans son ensemble. Privé de moyens de production, il est obligé de chercher à vendre sa force de travail et à subir pour cette raison le joug de l’exploitation. La bourgeoisie a besoin de la liberté du vendeur et de l’acheteur de marchandises, mais elle doit aussi empêcher que les prolétaires s’allient et réduisent leur exploitation soit en faisant augmenter leur salaire au-dessus de la valeur de leur force de travail soit en réduisant la différence entre le temps effectif de travail et le temps de travail nécessaire pour produire une valeur égale à celle de la force de travail. Par conséquent, elle doit faire obstacle à la croissance de la conscience et de l’organisation de la masse des prolétaires et, vu l’impossibilité de l’empêcher dans l’absolu, elle doit dévier, périodiquement arrêter net et refouler les organisations et la conscience des prolétaires.

En entrant dans l’époque impérialiste, la bourgeoisie dans le champ culturel, repousse au second plan la recherche et la diffusion de la compréhension du monde physique et des processus sociaux, et met au premier plan la culture d’évasion et l’élaboration et la diffusion des théories qui cachent les rapports sociaux effectifs, qui défendent l’ordre existant et qui en proclament l’éternité. Les théories religieuses et leurs églises, contre lesquelles auparavant la bourgeoisie s’était battue, la bourgeoisie les a récupérées et imposées de nouveau aux masses pour conserver leur collaboration et arrêter leur développement politique : un exemple de cela en Italie c'est la réforme Gentile de l’école.(17bis) La bourgeoisie a pris sous sa protection la religion comme instrument nécessaire de domination sur les classes et les peuples opprimés. Les institutions et les autorités religieuses, que la révolution bourgeoise n’avaient pas encore éliminées, du pape au dalaï-lama, sont remises à neuf et gratifiées du rôle de défenseur de l’ordre constitué et de guide des masses : en Italie la Papauté a été érigée en Etat indépendant, muni de richesses et d’immunité (l'Etat du Vatican). La bourgeoisie athée impose l’instruction religieuse à l’école et a institué les religions en religions d’Etat.

Même les rapports entre les membres et les groupes de la classe dominante ont subi un changement qualitatif : les rapports démocratiques et régulés par les lois et les normes publiquement acceptées sont peu à peu remplacés par la domination d’une poignée de représentants du capital financier sur l’ensemble de la bourgeoisie et par des rapports antagonistes entre les représentants des fractions du capital global de la société. La militarisation de l’activité de l’Etat, la manipulation de l’information et de l’opinion publique, la subordination des institutions politiques et sociales soit à la corruption du capital financier soit au contrôle et à l’infiltration des organes répressifs, les complots de la diplomatie secrète et des services secrets, la formation de bandes armées qui se soustraient aux règlements et aux lois officiels, sont devenus des pratiques courantes de la bourgeoisie impérialiste dans chaque pays. Les organisations secrètes restantes (franc-maçonnerie, Mafia, ordres de chevalerie, etc.) se sont transformées en sociétés financières et criminelles. 

Depuis que le capitalisme est entré dans sa phase impérialiste la transition au communisme est devenue un parcours objectivement nécessaire, inscrit pour ainsi dire dans le caractère objectif pris par les forces productives de la société. Ceci non dans le sens que la transformation sera rapide et facile, mais dans le sens qu’elle est devenue l’unique parcours possible du progrès et que, tant que ceci n’a pas été engagé et achevé, l’humanité aura vécu “ le travail d’accouchement ” inachevé, comme les événements qui se sont succédé jusqu’à aujourd’hui l’ont confirmé. Une fois réalisées les conditions matérielles qui rendent nécessaire la société communiste, le facteur déterminant est constitué par les conditions subjectives : c’est-à-dire celles qui rendent la classe ouvrière capable de diriger les masses populaires afin d’abattre le pouvoir de la classe dominante et de commencer la transition du capitalisme au communisme.

A cette époque-là, le mouvement communiste a marqué objectivement un tournant : comment affronter la nouvelle situation ? Un combat au niveau mondial entre deux lignes antagonistes s’y engagea. “ La lutte entre les deux tendances principales du mouvement ouvrier, le socialisme révolutionnaire et le socialisme opportuniste, remplit toute la période qui va de 1889 à 1914. ”(18)

Dans chaque parti socialiste existait une gauche, mais c’est seulement dans le Parti ouvrier social-démocrate de la Russie (POSDR) qu’elle avait atteint une compréhension suffisante du fait que l’époque du développement progressiste de la bourgeoisie, de la démocratie bourgeoise, “ du développement plus ou moins pacifique du capitalisme ”, était terminée.(19) Donc dans le mouvement communiste au niveau mondial prévalut la droite, constituée par l’aristocratie ouvrière et par des intellectuels provenant d’autres classes. Le socialisme opportuniste s’appuyait théoriquement sur le révisionnisme de E. Bernstein (1850-1932). Celui-ci soutenait qu’une transformation graduelle et pacifique de la société capitaliste en société socialiste était possible parce que le capitalisme s’était de fait engagé sur une voie différente de celle indiquée par Marx, c’est-à-dire qu’il s’était engagé sur une voie d’atténuation des antagonismes de classes, d’extension illimitée des droits démocratiques aux masses et de gouvernement rationnel du mouvement économique de la société par l’Etat démocratique. La reddition des partis sociaux-démocrates à la bourgeoisie en 1914 signa la fin peu glorieuse de la IIe Internationale et la fin de toute prétention scientifique du révisionnisme de Bernstein. Le mouvement communiste renaquit plus fort ailleurs.



1.4. La première crise générale du capitalisme, la première vague de la révolution prolétarienne et le léninisme

 

Au début du XXe siècle, le mode de production capitaliste se heurta pour la première fois à sa limite intrinsèque, que Marx avait indiquée : la surproduction absolue de capital.(20) Le capital accumulé était désormais tellement grand que, dans les conditions existantes, l’emploi dans la production de tout le capital accumulé aurait comporté la diminution de la masse du profit et, d’autre part, bien qu’elle fut grande, la masse de plus-value extorquée aux travailleurs n’était pas suffisante pour valoriser le capital en son entier. Seulement une partie du capital accumulé pouvait être employé comme capital productif. De là la lutte entre les groupes capitalistes parce que chacun veut valoriser son capital. D’autre part, la surproduction du capital signifiait la surproduction de toutes les choses dans lesquelles le capital se matérialise : surproduction des moyens de production, surabondance des matières premières, surproduction des biens de consommation, surabondance de la force de travail (chômage, surplus de personnel), surabondance d’argent. En conséquence, toute la vie de toutes les classes est bouleversée.

A ce moment-là a explosé la première crise générale du capitalisme (1910-1945), qui, partant de l’économie, s’est transformée nécessairement en crise politique et culturelle, en situation révolutionnaire de longue durée, en guerre impérialiste et en révolution prolétarienne. Celle-ci prit fin seulement grâce aux destructions des forces productives et aux bouleversements des lois, des institutions et de la culture qui ont atteint leur point culminant avec la Seconde Guerre mondiale.

Au début de la première crise générale, le monde était déjà tout divisé entre les groupes impérialistes et leurs Etats. La bourgeoisie impérialiste a défendu férocement, dans chaque pays et au niveau international, les organisations existantes (le système colonial, le système monétaire mondial, les organisations juridiques et législatives, etc.) comme forme de son pouvoir. Mais par contre le capital avait désormais occupé tous les espaces d’expansion qui lui étaient possibles dans le milieu institutionnel et juridique donné et ne pouvait plus s'étendre sans le subvertir. Chaque groupe impérialiste pouvait donc agrandir ses affaires et augmenter ses profits seulement en occupant l’espace d’un autre groupe impérialiste. Les difficultés rencontrées par l’accumulation de capital bouleversaient l’entier processus de production et de reproduction des conditions matérielles de l’existence de la société tout entière, toute la structure économique de la société et la superstructure politique et culturelle. Les rapports entre la bourgeoisie impérialiste et les masses populaires déployèrent tout leur antagonisme. La classe dominante ne pouvait plus régir les rapports entre les groupes qui la composaient ni tenir en respect les masses avec les anciens systèmes, ni les masses ne pouvaient accepter la désagrégation et les souffrances que la crise générale leur amenait.

C’est alors que commença une situation révolutionnaire de longue durée : le monde devait changer, les intérêts acquis et consolidés devaient être éliminés, le réseau de relations commerciales et financières devait être dissous, un nouvel ordre devait être instauré.(21) Aucun individu, groupe, parti, aucune classe particulière n’était en état de faire sortir la société de la crise dans laquelle le développement objectif du capitalisme l’avait conduite : seule une mobilisation générale des larges masses pouvait éliminer les rapports, les habitudes et les pratiques bien ancrés et en établir de nouveaux. Contraintes par la situation objective, les grandes masses se seraient mobilisées pour instaurer une nouvelle société. La mobilisation des masses était un événement objectif, comme en montagne l’écoulement des eaux vers la vallée pendant un orage ; c’était un événement dont les causes motrices ne résidaient pas dans l’initiative et dans la conscience des individus et des partis.

L’enjeu et l’objet de la lutte politique entre les classes, entre les partis et les individus étaient de savoir si la mobilisation des masses serait dirigée par quelque groupe de la bourgeoisie impérialiste et aboutirait à l’instauration d’un nouvel ordre mondial encore capitaliste par la destruction d’une partie du capital accumulé et des forces productives qui l’incarnaient (mobilisation réactionnaire des masses) ou si elle serait dirigée par la classe ouvrière par l’intermédiaire de son parti communiste et aboutirait à l’instauration de la société socialiste qui aurait enlevé immédiatement, au moins à la partie la plus importante des forces productives existantes, le caractère de capital (mobilisation révolutionnaire des masses). La mobilisation des masses n’est pas générée par le groupe, parti ou classe qui la dirige, mais il n’y a pas de mobilisation des masses qui n’ait de direction : dès le début, à l’intérieur de celles-ci, il y a lutte pour la direction entre les deux classes, les deux voies et les deux lignes et la mobilisation des masses réalise son objectif seulement sous la direction d’une des deux classes antagonistes.(22)

Dans le mouvement communiste, la compréhension la plus profonde de la transformation que l’humanité accomplissait et des forces qui se combattaient en elle fut exprimée par Lénine (1870-1924). Le léninisme est devenue la deuxième étape supérieure de la pensée communiste, le marxisme de l’époque pendant laquelle la bourgeoisie commençait à décliner et les premières révolutions prolétariennes victorieuses se développaient.

D’abord a prévalu la mobilisation réactionnaire : la bourgeoisie impérialiste avait déjà partout en main le pouvoir et l’action des révisionnistes à l’intérieur de la IIe Internationale avait avec succès fait obstacle à la gauche dans l’accumulation des forces révolutionnaires par la classe ouvrière. La bourgeoisie précipita tous les peuples dans une période de bouleversements, de destructions, de souffrances et de massacres de dimensions jusqu’alors inouïes qui ont duré plus de trente ans. L’Europe et l’Asie ont été mises à feu et à sang, les deux Amériques, l’Afrique et l’Océanie ont été pressurées pour contribuer à la guerre. Dans chaque pays ont émergé des groupes bourgeois, qui, au nom de la sauvegarde des intérêts généraux de leur propre classe, ont pris la direction en soumettant à leurs propres intérêts ceux des autres groupes et se sont mis à la tête de la mobilisation réactionnaire des masses.

La mobilisation réactionnaire des masses a assumé, et ne pouvait qu’assumer la forme de la guerre entre Etats et la forme de la guerre civile : la bourgeoisie impérialiste n’avait pas d’autre moyen pour “ décider ” quels intérêts particuliers devaient être sacrifiés à la sauvegarde de la classe et lesquels devaient s’imposer comme nouveaux intérêts généraux de toute la classe, ni pour réprimer la révolution. Dans chaque pays impérialiste, pour s’opposer à l’instabilité du régime politique qui dérivait de la crise, l’Etat de la bourgeoisie impérialiste devait employer ses moyens pour ouvrir dans le monde de nouveaux espaces à l’expansion des affaires des groupes capitalistes du pays. Les conflits économiques entre les groupes impérialistes et entre la bourgeoisie et les masses populaires étaient devenus antagonistes et se transformèrent en conflits entre Etats impérialistes et en conflits politiques à l’intérieur de chaque pays. Le cours de la société capitaliste avait mis à l’ordre du jour l’alternative guerre ou révolution. La bourgeoisie impérialiste mobilisa donc les grandes masses, comme cela ne s’était jamais vu auparavant, contre d’autres masses, étrangères ou du même pays et la guerre assuma le caractère de guerre d’extermination de masse.

Les premières années de la crise générale ont été consacrées à la préparation politique, militaire, économique et psychologique de la guerre. Puis la bourgeoisie lança les masses dans la Première Guerre mondiale. Mais déjà, au cours de la Première Guerre mondiale, la classe ouvrière réussit dans une série de pays à transformer la mobilisation réactionnaire en mobilisation révolutionnaire : les masses, que la bourgeoisie impérialiste avait mobilisées et jetées hors du cours traditionnel de leur vie pour qu’elles donnent leur sang et leurs forces pour faire prévaloir ses propres intérêts, se sont retournées contre ceux qui les dirigeaient et ont changé de camp.

Seul parmi tous les partis de la IIe Internationale, le Parti ouvrier social-démocrate de Russie, guidé par Lénine, se révéla prêt à affronter la situation et réussit à transformer la guerre impérialiste en révolution victorieuse, dans le premier “ assaut du ciel ” de la classe ouvrière et des masses exploitées. En 1917, la classe ouvrière donna le signal de départ de la conquête du pouvoir politique en Russie qui se conclut en 1921 avec la victoire sur les armées blanches et contre la première agression impérialiste et avec la fondation de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) en 1924. Bien que d’autres révolutions prolétariennes explosent en Europe (Allemagne, Autriche, Hongrie, Finlande, Pays Baltes, etc.) et sont vaincues, dans d’autres pays (Italie, Roumanie, Pologne, France, etc.) le ferment révolutionnaire ne réussit pas non plus à se transformer en début de conquête du pouvoir. Mais à partir de la victoire de la Révolution d’Octobre a commencé la première vague de la révolution prolétarienne qui a bouleversé le monde et a ouvert une nouvelle époque pour toute l’humanité.

A partir de cette époque-là, la mobilisation réactionnaire a toujours eu deux lignes directrices : la guerre entre les groupes impérialistes et la répression de la révolution, et elle s’est affaiblie à chaque fois que les deux lignes directrices entraient en conflit et que les groupes impérialistes s’entre-déchiraient à propos de celle qui devait être prioritaire.

La mobilisation réactionnaire des masses se concrétisa par la création de régimes terroristes de masse comme le fascisme, le nazisme et le franquisme, par l’invasion japonaise de la Chine et d’autres pays asiatiques (1936-1945), par le déchaînement de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).

La mobilisation révolutionnaire s’est renforcée grâce à la victoire obtenue en Russie. La classe ouvrière, au moyen de ses partis communistes créés dans le cadre de l’Internationale Communiste (1919-1943), dans plusieurs pays coloniaux et semi-coloniaux, a pris la direction des luttes anti-impérialistes de libération nationale qui culminèrent avec la fondation de la République populaire coréenne et avec la conquête du pouvoir en Chine (1949) et la fondation de la République populaire chinoise (RPC) ; elle a conduit avec force dans de nombreux pays la lutte contre le fascisme, le nazisme et le franquisme ; elle a défendu avec succès ses propres institutions politiques instaurées en Union soviétique contre les assauts répétés des puissances impérialistes coalisées (1918-1921 et 1941-1945), contre les sabotages, contre les blocus économiques, contre l’agression acharnée de la bourgeoisie impérialiste qui n’a reculé devant aucun délit ; elle a réussi à décourager les projets agressifs des groupes impérialistes anglo-américains qui méditaient une deuxième agression et à empêcher leur convergence avec les groupes impérialistes allemands ; avec la grande victoire contre l’agression des nazis et de leurs alliés (1945), elle a réussi à créer de nouveaux pays socialistes en Europe orientale et centrale : les démocraties populaires de Pologne, d’Allemagne, de Tchécoslovaquie, de Hongrie, de Roumanie, de Bulgarie, d’Albanie et de Yougoslavie ; elle a entamé la transition au communisme de plus d’un tiers de la population mondiale ; elle a développé les forces révolutionnaires dans le monde entier ; elle a acquis une grande expérience dans le domaine vierge de la transition du capitalisme au communisme, synthétisée dans l’œuvre de Lénine, de Staline (1879 1953) et de Mao Tsé-toung (1893 1976).



Pendant la première crise générale du capitalisme, la classe ouvrière n’était cependant pas encore suffisamment consciente et organisée pour vaincre la bourgeoisie même dans les pays où elle était plus forte, dans les pays impérialistes. Dans ces pays, la classe ouvrière ne s’était pas encore donné une direction propre, ni suffisamment consciente des tâches stratégiques ni, par conséquent, suffisamment capable de repérer et de réaliser systématiquement les tâches tactiques relatives à l’accumulation des forces de la révolution et à la conquête du pouvoir.

Les partis socialistes existant dans ces pays au début de la crise générale avaient accepté des prises de position contre la guerre que la bourgeoisie préparait (comme le Manifeste du congrès international de Bâle, 1912), mais les déclarations révolutionnaires cachaient une ligne politique, une tactique et une organisation réformistes, imprégnées d’illusions dans le caractère encore démocratique de la bourgeoisie. Ces partis ont donc été absolument incapables d’assumer la direction de la mobilisation des masses et, en 1914, ils ont été submergés par l’opportunisme et par le social-chauvinisme.

Les partis communistes constitués dans les pays impérialistes dans le cadre de l’Internationale Communiste ont fait partout un bond en avant par rapport aux partis socialistes, mais ils n’ont pas réussi à être à la hauteur de la situation. Les courants de droite, imprégnés des illusions sur le caractère encore démocratique de la bourgeoisie et de méfiance dans la capacité révolutionnaire de la classe ouvrière et des masses populaires, sont restés forts. La gauche n’a pas compris la nature de la crise générale en cours ni les caractéristiques de la situation révolutionnaire de longue durée et elle n’a pas réussi par conséquent à développer une ligne juste pour l’accumulation des forces révolutionnaires. Elle a généralement considéré le fascisme, le nazisme, les guerres et en général la mobilisation réactionnaire des masses comme des exceptions et des urgences, tandis que, en réalité, la révolution procède en suscitant contre elle une contre-révolution puissante et c’est seulement en la soumettant que les forces révolutionnaires deviennent capables de fonder la nouvelle société. C’est en vain que Staline formula pendant cette période la loi selon laquelle la lutte des classes devient plus intense au fur et à mesure que la classe ouvrière avance vers la victoire.(23)

En conséquence, la droite eut beau jeu à imposer une ligne réformiste, dans laquelle le parti communiste faisait fonction d’aile gauche d’un bloc politique dirigé par des groupes bourgeois et la classe ouvrière renonçait à prendre le pouvoir pour elle-même. Les partis communistes des pays impérialistes ont donné en général cette interprétation de droite à la ligne du Front populaire antifasciste, lancé par l’Internationale Communiste à son VIIe congrès (juillet-août 1935). Dans quelques pays, les masses populaires, guidées par leurs partis communistes respectifs, ont conduit de grandes luttes et ont déployé un grand héroïsme dans la lutte contre le fascisme, le nazisme et le franquisme et la réaction en général, luttes qui ont accumulé un grand patrimoine d’expériences et qui constituent le point le plus haut atteint jusqu’à maintenant par la classe ouvrière de ces pays dans sa lutte pour le pouvoir. La bourgeoisie a réussi à empêcher que la première vague de la révolution prolétarienne ne gagne aussi dans les plus importants pays impérialistes, mais elle a dû payer le prix fort avec les réformes que les masses populaires ont réussi à arracher.

Dans les pays coloniaux et néo-coloniaux, la ligne de la révolution de nouvelle démocratie, avec laquelle la classe ouvrière par l’intermédiaire de son parti communiste assumait la direction de la révolution démocrate-bourgeoise, fut adoptée et appliquée seulement par quelques partis communistes, en particulier par le Parti communiste chinois et le Parti du travail coréen, avec un grand succès. Dans les autres pays coloniaux et semi-coloniaux a prévalu la ligne de laisser la direction de la révolution démocrate-bourgeoise aux mains de la bourgeoisie nationale qui l’a conduite à la faillite. Bien qu’elles aient échoué, les révolutions démocrates-bourgeoises ont cependant apporté la disparition du vieux système colonial et la transformation des colonies en semi-colonies ou en pays relativement indépendants.(24)











1.5. La reprise du capitalisme, le révisionnisme moderne, la Révolution Culturelle Prolétarienne et le maoïsme

 

La fin de la Seconde Guerre mondiale marqua également la fin de la première crise générale du capitalisme. Durant cette première crise générale, le mouvement communiste obtint de grands succès. Ces succès mêmes et le tournant que connaissait le capitalisme lui imposaient de nouvelles et de plus importantes tâches, que ce soit pour l'avancement de la transition du capitalisme au communisme dans les pays socialistes, comme pour ce qui avait trait au développement de la révolution socialiste dans les pays impérialistes et de la révolution de nouvelle démocratie dans les pays coloniaux et semi coloniaux.

Les pays socialistes avaient défendu leur propre existence et avaient formé un vaste camp socialiste qui allait de l'Europe centrale à l'Asie du Sud-Est et qui comprenait un tiers de la population mondiale : à ce point, ils devaient trouver une ligne pour poursuivre, dans ce nouveau contexte, la transition vers le communisme. La grande influence que le mouvement communiste exerçait dans les pays impérialistes et dans les pays coloniaux et semi-coloniaux imposait dans ces pays le devoir de faire avancer la lutte vers la victoire. Le mouvement communiste devait accomplir un saut de qualité. En conséquence, un affrontement au niveau mondial s'ouvrit à nouveau, entre deux lignes antagonistes, au sein du mouvement communiste international.

D'une part, la gauche soutenait la poursuite de la lutte contre l'impérialisme sur les trois fronts (pays socialistes, pays impérialistes, colonies et semi colonies). Elle n'avait pourtant  pas compris que la première crise générale du capitalisme était terminée et que s'ouvrait pour ce dernier, qui demeurait encore le système économique dominant dans le monde, une période relativement longue de reprise de l'accumulation et d'expansion de l'activité économique. Elle n'avait donc pas une ligne générale adaptée à la situation et, d'une manière générale, pêchait par dogmatisme.

De l'autre, la droite soutenait la ligne de l'entente et de la collaboration avec la bourgeoisie impérialiste. Elle avait sa base théorique dans le révisionnisme moderne. En opposition avec la loi de l'exaspération de la lutte de classe, le révisionnisme moderne soutenait que la force conquise par la classe ouvrière atténuait les antagonismes de classe, rendait possible une transformation graduelle et pacifique de la société, amenait la bourgeoisie à être plus conciliante et la rendait encline à faire des concessions et des réformes. Selon la droite, le système capitaliste ne générait plus de crises et de guerres, comme la tempête, la grêle. C'était la “ nouvelle ” théorie qu'avancèrent Khrouchtchev, Togliatti et les autres révisionnistes modernes.

Dans les pays socialistes, la droite tentait d'atténuer les antagonismes de classe, soutenait qu'il n'y avait plus ni de division en classes ni de lutte entre les classes, parce que désormais la victoire du socialisme était complète et définitive. Dans les rapports internationaux, sa position était de soutenir l'intégration économique, politique et culturelle des pays socialistes avec le monde impérialiste, substituant par là la compétition économique, politique et culturelle des pays socialistes avec les pays impérialistes, à la coexistence pacifique entre pays à régime social différent et au soutien à la révolution prolétarienne. Au sein des pays impérialistes, la droite proposait la voie parlementaire et réformiste au socialisme : des réformes de structure et un élargissement des conquêtes sur le terrain économique, politique et culturel auraient, selon elle, transformé la société capitaliste en société socialiste. Dans les pays semi coloniaux et coloniaux, la droite était opposée à la poursuite des guerres anti-impérialistes de libération nationale et soutenait la direction de la bourgeoisie bureaucratique et compradore qui avait pour objectif d'arracher graduellement des concessions aux impérialistes.

Dans ces conditions, le révisionnisme moderne prévalut à l'échelle mondiale, comme au début du siècle, le révisionnisme prôné par Bernstein avait prévalu dans le mouvement communiste. Son succès était favorisé non seulement par la faiblesse de la gauche et par la nouveauté des tâches qui découlait pour les communistes de la phase ayant commencé avec la fin de la première crise générale du capitalisme, mais également par la circonstance objective de la fin, avec la Seconde Guerre mondiale, de la première crise générale du capitalisme.

Les bouleversements politiques et économiques, ainsi que les destructions survenues pendant la première crise générale et en particulier à cause des deux guerres mondiales, ouvrirent en fait à la bourgeoisie l'espace pour une reprise de l'accumulation de capital, avec la nouvelle expansion qui découlait du processus de production et de reproduction des conditions matérielles d'existence. Dans ces conditions, les oppositions économiques entre groupes impérialistes et entre bourgeoisie impérialiste et masses populaires cessèrent d'êtres antagonistes et cela démentait en apparence la loi de l'exaspération de la lutte de classe.

Lors des trente années (1945 1975) qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, le mode de production capitaliste put se répandre à nouveau, dans tous les endroits où la bourgeoisie avait maintenu son pouvoir.

Dans cette nouvelle situation, le prolétariat et les masses travailleuses des pays impérialistes, forts de l'expérience révolutionnaire acquise pendant la période précédente, réussirent à arracher une série d'améliorations des conditions économiques, de travail, politiques et culturelles : amélioration des conditions matérielles d'existence, politiques de plein emploi et de garantie de l'emploi, droit de s'organiser sur le lieu de travail, droit d'intervention dans l'organisation du travail, réduction des discriminations basées sur la race, le sexe et l'âge, scolarisation de masse, mesures de prévoyance en ce qui concerne l'invalidité et la vieillesse, systèmes d'assistance sanitaire, constructions d'habitations à loyers modérés, etc. Dans tous les pays impérialistes débuta de fait au cours de ces années, la construction d'un capitalisme à visage humain, c'est-à-dire une société dans laquelle, bien que toujours dans le cadre des rapports de production capitalistes et du travail salarié (donc de la capacité de travail comme marchandise et du travailleur comme vendeur de celle ci), chaque membre des classes opprimées avait à sa disposition dans tous les cas, les moyens nécessaires pour mener une existence normale et pour assurer le soutien et l'éducation des personnes à sa charge ; dans laquelle chaque membre des classes opprimées avait dans la vie productive de la société un rôle d'une certaine manière adapté à ses caractéristiques, connaissait une certaine réduction de la pénibilité du travail, était assuré contre la misère en cas de maladie, d'invalidité et de vieillesse.

Sur ce terrain, dans tous les pays impérialistes, les révisionnistes modernes et les réformistes s'affirmèrent. Dans tous ces pays, ils assumèrent la direction du mouvement ouvrier en tant que théoriciens, propagandistes et promoteurs de l'amélioration dans le cadre de la société bourgeoise. Ils proclamèrent que le développement de la société bourgeoise aurait continué, de conquêtes en conquêtes, de réformes en réformes, jusqu'à transformer la société bourgeoise en société socialiste. Les bannières, les slogans et les principes qu'ils employèrent furent différents selon les pays, en fonction des conditions politiques et culturelles concrètes héritées de l'histoire, mais leur rôle dans le mouvement politique et économique de la société fut le même.

Grâce à la nouvelle période de développement du capitalisme, dans la plus grande partie des pays dépendants des groupes et des Etats impérialistes, la direction du mouvement des masses fut accaparée par les défenseurs et les promoteurs de la collaboration avec les impérialistes, les porte voix de la bourgeoisie bureaucratique et compradore. La majorité de ces pays devinrent des semi-colonies : ils constituèrent des Etats autonomes dépendants d'un ou de plusieurs groupes impérialistes (colonialisme collectif) ; quelques résidus féodaux furent dans une certaine mesure limités, mais en détruisant toutefois les conditions de reproduction de très nombreux paysans qui affluèrent dans les villes en y trouvant des conditions de pauvreté extrême ; d'autres résidus féodaux furent assumés par l'impérialisme et utilisés pour soutenir le colonialisme ; le capitalisme bureaucratique et comprador se renforça.

Dans les pays socialistes, les tenants de la voie capitaliste et les promoteurs de la restauration du capitalisme tirèrent eux aussi une grande force de la nouvelle période de développement du capitalisme. Ils trouvèrent chez les révisionnistes modernes dirigés par Khrouchtchev, Brejnev et Deng Xiaoping leurs représentants au sein des organismes des Etats des pays socialistes, des organisations de masse et des partis communistes. Ils empêchèrent que soient prises les mesures économiques, politiques et culturelles nécessaires aux fins de faire progresser la transformation de la société vers le communisme ; ils mirent leurs pays à l'école du capitalisme en singeant ses institutions et tissèrent d'étroits liens économiques (commerciaux, technologiques et financiers), politiques et culturels avec les capitalistes, finissant par transformer les pays socialistes en pays économiquement et culturellement dépendants et politiquement faibles.

En conclusion, les trente années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale constituèrent, dans l'ensemble, une période de reprise pour la bourgeoisie. Toutefois, les forces révolutionnaires obtinrent quelques succès de grande portée (Cuba, Indochine) et, surtout, elles s'enrichirent de l'expérience de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (1966 1976). Contre courant par rapport à la majorité du mouvement communiste mondial, le Parti communiste chinois conduisit une longue lutte contre le révisionnisme moderne au niveau international et tenta de faire progresser la transition vers le communisme dans la République populaire chinoise. Même si la lutte du PCC n'a pu dans l'immédiat inverser le cours du mouvement communiste mondial, ni empêcher le PCC lui même de tomber aux mains des révisionnistes, elle a légué aux communistes du monde entier le maoïsme comme troisième étape supérieure de la pensée communiste, après le marxisme et le léninisme : il fait le bilan de l'expérience de la première vague de la révolution prolétarienne et de l'expérience de la lutte des classes dans les pays socialistes.(25)

Le succès du révisionnisme moderne a fait régresser le mouvement communiste par rapport aux résultats obtenus à la fin de la première crise générale du capitalisme. Mais le succès des révisionnistes modernes est forcément provisoire : par sa nature même, le révisionnisme est un frein au développement du mouvement communiste, un contre-courant par rapport à la direction principale et, dans le pire des cas, il ramène au capitalisme, duquel le mouvement communiste renaît par la force des choses. Le développement pratique des évènements provoqués par son succès provisoire a enseigné à tous les communistes que le révisionnisme, s'il a fait le jeu de la bourgeoisie impérialiste et provoqué le désastre de la fin des années 80, comparable en gravité à celui des partis sociaux démocrates en 1914, a jeté les bases pour une nouvelle et meilleure reprise du mouvement communiste.

 

1.6. La deuxième crise générale du capitalisme et la nouvelle vague de la révolution prolétarienne

 

Au cours des trente années (1945-1975) qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, la bourgeoisie impérialiste a à nouveau épuisé les marges d'accumulation qu'elle s'était créée avec les bouleversements et les destructions des deux guerres mondiales. A partir des années 70, le monde capitaliste est entré dans une nouvelle crise générale de surproduction absolue de capital. L'accumulation de capital ne pouvait plus se poursuivre dans le cadre des organisations internes et internationales existantes. En conséquence, le processus de production et de reproduction des conditions matérielles d'existence de toute la société s'en est trouvé bouleversé, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre et ce de manière de plus en plus importante et généralisée.

Apparemment les capitalistes sont tantôt aux prises avec l'inflation et la stagnation, tantôt avec la variation violente des changes, ici avec l'augmentation des déficits publics, là avec la difficulté de trouver des marchés pour écouler les marchandises produites, à un moment donné avec la crise et le boom des Bourses et à un autre avec le problème des déficits extérieurs et le chômage de masse. Eux et leurs porte-parole ne peuvent comprendre la cause véritable des problèmes qui les assaillent. Mais la surproduction de capital produit ses effets même si les capitalistes ne la reconnaissent pas et si les intellectuels qui sont leur reflet (même si certains se proclament marxistes et même marxistes léninistes et marxistes-léninistes maoïstes) n'en n'ont aucunement conscience. Les affrontements économiques entre groupes impérialistes deviennent à nouveau antagonistes : le gâteau à se partager n'augmente pas assez pour valoriser tout le capital accumulé et chaque groupe ne peut grandir qu'en en éliminant un autre.

Dans tous les pays impérialistes, les affrontements économiques entre la bourgeoisie impérialiste et les masses populaires sont en train de devenir à nouveau antagonistes. Dans tous les pays impérialistes, la bourgeoisie est en train d'éliminer une après l'autre les conquêtes que les masses laborieuses avaient arrachées, soit en les abrogeant (échelle mobile, sécurité de l'emploi, etc.), soit en laissant dépérir les institutions dans lesquelles elles s'exerçaient (école de masse, instituts de prévoyance, systèmes de santé, industries publiques, constructions publiques, services publics, etc.). Le capitalisme à visage humain a fait son temps. Dans tous les pays impérialistes, la bourgeoisie est en train d'abolir ces règlements, normes, pratiques et institutions qui, au cours de la période d'expansion, ont tempéré ou neutralisé les effets les plus déstabilisants ou traumatisants du mouvement des capitaux et les pics extrêmes des cycles économiques. A présent, dans le cadre de la crise, chaque fraction du capital trouve que ces institutions sont un obstacle inacceptable à sa liberté de mouvement, en vue de conquérir son espace vital. La dérégulation, la privatisation des entreprises économiques d'Etat et plus généralement publiques, etc. sont à l'ordre du jour dans tous les pays impérialistes. Le mot d'ordre de la bourgeoisie est dans chaque pays, “ flexibilité ”, c'est-à-dire liberté pour les capitalistes d'exploiter sans limites les travailleurs.

Cela rend instable dans chaque pays impérialiste le régime politique et rend chaque pays moins gouvernable avec l'organisation qui avait fonctionné jusque-là. Les tentatives de changer pacifiquement cette organisation par une autre, ce qui en Italie se résume par la réforme de la Constitution, échouent régulièrement. En réalité il ne s'agit pas de changer les règles, mais de décider quels capitaux il convient de sacrifier pour que d'autres puissent êtres valorisés et aucun capitaliste n'est disposé à se sacrifier. Entre capitalistes, seule la guerre peut trancher. En fait, dans les relations entre groupes bourgeois, le mot d'ordre n'est plus l'accord et la répartition, mais est essentiellement la lutte, l'élimination et le recours aux armes. Sont ainsi à l'ordre du jour dans chaque pays impérialiste : des tentatives de réduire l'expression politique des divergences justement parce qu'elles s'accroissent, le recours toujours plus important des classes dirigeantes à des procédures criminelles et à des milices illégales et privées, la création de barrières électorales, l'élargissement des compétences des gouvernements et des appareils administratifs aux dépens des assemblées élues, la restriction des autonomies locales, la limitation par voie légale du droit de grève et de protestation en général, etc. Chaque Etat impérialiste, dans le but de faire obstacle à la montée de l'instabilité de son régime politique, doit toujours plus avoir recours à des mesures qui renforcent celle d'autres Etats : de l'abolition en 1971 de la convertibilité du dollar en or et du système monétaire de Bretton Woods, à la politique de taux d'intérêts élevés et d'expansion de la dette publique suivie par le gouvernement fédéral des Etats-Unis dans les années 80, aux mesures protectionnistes et d'incitation des exportations commerciales adoptées toujours plus fréquemment par tous les Etats, à la guerre qui s'annonce entre les systèmes monétaires du dollar et de l'euro. Le terme de “ Mondialisation ” est devenu le drapeau qui couvre et justifie les agressions de brigands, des Etats et des groupes impérialistes dans le monde entier, la nouvelle “ politique de la canonnière ”.

La crise de surproduction absolue de capital a donné naissance à la deuxième crise générale du capitalisme : une crise économique qui provoque une crise politique et culturelle. Une crise mondiale, une crise de longue durée. La plus grande partie des pays semi-coloniaux est devenue en premier lieu un marché où les groupes impérialistes ont écoulé les marchandises que la surproduction du capital rendait excédentaires ; en second lieu un terrain où les mêmes groupes ont employé comme capital de prêt les capitaux qui ne pouvaient être utilisés dans les pays impérialistes comme capital productif qu'au prix d'un taux de profit décroissant, voire même avec une réduction de la masse du profit ; enfin, un terrain que les groupes impérialistes doivent envahir directement pour en faire un nouveau champ d'accumulation de capital. Les groupes impérialistes pillent les ressources humaines et environnementales des pays semi coloniaux, les dévastent et lorsqu'ils ont terminé leur ouvrage, les abandonnent et s'en vont dans d'autres pays. Les pays coloniaux se voient réduits au rang de colonies, mais de colonies collectives de tous les groupes impérialistes, ce qui fait qu'aucun d'entre eux n'assume de responsabilité pour la conservation sur le long terme des sources de profit et de rendement. L'émigration désordonnée de masses de travailleurs et une succession interminable de guerres sont les conséquences inévitables de cette nouvelle colonisation.

Dans la plus grande partie des pays socialistes, les régimes instaurés par les révisionnistes modernes ont d'abord été pris dans la crise économique en cours dans les pays impérialistes dont ils s'étaient précédemment rendus dépendants, commercialement, financièrement et sur le plan technologique, puis se sont écroulés, révélant ainsi leur fragilité politique. La bourgeoisie a dû prendre acte qu'il était impossible de restaurer graduellement et pacifiquement le capitalisme et a précipité ces pays dans un tourbillon de misère et de guerre, en les préparant ainsi à la restauration violente à n'importe quel prix. Le système impérialiste les a avalés, mais n'arrive pas à les digérer. Au contraire, ils ont même accéléré le processus de la crise générale dans les pays impérialistes.

Tout cela crée une nouvelle situation de guerre et de révolution, semblable à celle qui exista dans la première moitié du XXe siècle. Le monde doit changer et changera inévitablement : les organisations actuelles des pays impérialistes et les relations internationales actuelles font obstacle à la poursuite de l'accumulation de capital et seront donc inévitablement bouleversées. Ce seront les larges masses, en prenant l'un ou l'autre chemin, qui “ décideront ” si le monde changera encore sous la direction de la bourgeoisie, en créant une organisation différente dans une société encore capitaliste ou s'il changera sous la direction de la classe ouvrière et dans le cadre du mouvement communiste, en créant une société socialiste. Tout autre solution est exclue par les conditions objectives existantes : les efforts des partisans d'autres solutions feront en pratique le jeu de l'une de ces deux solutions qui sont les seules possibles. Telle est la nouvelle situation révolutionnaire de longue durée qui est en train de se développer et dans laquelle s'exercera le travail des communistes.

La bourgeoisie impérialiste peut surmonter l'actuelle crise de surproduction de capital et se donner ainsi une autre période de reprise, soit grâce à l'intégration des ex pays socialistes dans le monde impérialiste, soit grâce à une nouvelle colonisation et un plus grand degré de capitalisation de l'économie des pays semi coloniaux ou semi féodaux, soit grâce à une destruction de capital de dimension proportionnée, dans les pays impérialistes mêmes, soit, grâce à une combinaison des trois solutions précédentes. Chacune de ces solutions mène toutefois, avant tout, à une période de guerre et de bouleversements, dont chacun sera bien évidemment présenté aux masses, de la manière la plus flatteuse qui soit : guerre pour la paix, guerre pour la justice, guerre pour la défense de leurs propres droits et de leurs besoins vitaux, dernière guerre. Mais l'issue de cette période et la direction que prendra la mobilisation des masses qui se développera dans tous les cas, et que la bourgeoisie impérialiste elle même devra promouvoir de toute façon, seront décidées par la lutte entre les forces subjectives de la révolution socialiste et les forces subjectives de la bourgeoisie impérialiste. En définitive, le dilemme est, ou la révolution précède la guerre ou la guerre engendre la révolution.(26)

La classe ouvrière peut en effet surmonter victorieusement l'actuelle situation révolutionnaire, en prenant la direction de la mobilisation des masses populaires et en les menant à l'assaut contre la bourgeoisie impérialiste, jusqu'à la conquête du pouvoir et à mettre en marche la transition du capitalisme au communisme, sur une plus grande échelle que ce qu'elle a fait pendant la première crise générale. C'est la voie de la reprise du mouvement communiste, déjà en cours dans le monde, dont les points les plus avancés sont les guerres populaires révolutionnaires en cours dans certains pays.

 

1.7. L'expérience historique des pays socialistes

 

Il y a plus d'un siècle, la classe ouvrière constitua le premier Etat socialiste, la Commune de Paris (mars mai 1871). La Commune dura seulement peu de mois et fut constamment en guerre pour sa propre survie, contre les forces coalisées de la réaction française et de l'Etat allemand. Elle a toutefois constitué, avec son expérience pratique ainsi que par le carnage, épouvantable pour cette époque, que la bourgeoisie effectua pour tenter d'en effacer même le souvenir, une source d'enseignements précieux, dans laquelle, tout le mouvement communiste qui l'a suivie, a puisé.

En conséquence, comme l'a dit Marx, “ Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré éternellement, comme le héraut glorieux d'une nouvelle vie ”.(27)

C'est toutefois pendant la première vague de la révolution prolétarienne que la classe ouvrière a formé les premiers pays socialistes.(28)



 1.7.1. En quoi consiste le socialisme ?

 

Avant d'être une théorie, avant d'exister dans la conscience des communistes, le communisme a commencé à exister comme mouvement pratique, comme processus à travers lequel les rapports sociaux de production et les autres relations sociales se transforment, pour s'adapter au caractère collectif que les forces productives ont assumé pendant la période capitaliste.

Le communisme est donc le mouvement de la société mondiale qui se transforme de manière à mettre à la base de sa vie économique, la propriété commune et la gestion à la fois collective et consciente de ses forces productives par l'ensemble des travailleurs associés. La réalisation de cet objectif implique également la transformation non seulement des rapports de production, mais également de toutes les relations sociales et donc de l'homme lui même, la création d'un “ homme nouveau ”, dans ses sentiments, sa conscience, sa manière de se conduire lui même et de gérer ses relations.

Selon l'usage introduit par Marx, nous appelons socialisme, la première phase du communisme, la phase de transition du capitalisme au communisme.(29)

La transition du capitalisme au communisme est un mouvement objectivement nécessaire et inévitable. Le caractère collectif des forces productives affirme inévitablement, d'une certaine manière, ses droits, dès la société impérialiste, avant même que dans la société socialiste. Dans la société impérialiste, ces droits s'expriment négativement, en tant que tentatives de soumission de tout le mouvement économique de la société bourgeoise, donc de tous les capitalistes, aux “ associations de capitalistes ” (Etat, organismes économiques publics, monopoles, sociétés financières, etc.) que certains capitalistes tentent de faire exister, se heurtant à l'impossibilité de supprimer la division du capital en fractions opposées, à l'intérieur de chaque pays et au niveau mondial ; en tant que soumission hiérarchique et administrative en plus qu'économique, du reste de la population à ces associations de capitalistes ; en tant que répression et étouffement des manifestations les plus contradictoires et destructrices des rapports bourgeois ; en tant que tentative d'instaurer la direction et le contrôle des capitalistes sur les consciences et sur les comportements des masses prolétariennes. En conclusion, en tant que tentatives de réprimer les manifestations les plus destructrices des rapports de production capitalistes qui, de par leur nature, ne permettent ni ordre ni direction.

Les Formes antithétiques de l'unité sociale et en particulier le capitalisme monopoliste d'Etat sont en fait la préparation des prémices matérielles, la préparation matérielle du socialisme la plus complète que l'on puisse imaginer dans le capitalisme, l'antichambre du socialisme.(30) Mais le saut de la société capitaliste la plus préparée pour le socialisme au socialisme est réalisé par la révolution socialiste, par l'élimination de l'Etat de la bourgeoisie et par l'instauration de l'Etat de la classe ouvrière. Le socialisme, c'est la transformation des rapports de production et des autres rapports sociaux, mise en acte et dirigée par la classe ouvrière qui y trouve la réalisation de sa propre émancipation. Confondre les sociétés socialistes avec des sociétés à capitalisme monopoliste d'Etat signifie effacer la distinction entre les classes, faire de la confusion de classe sur le terrain théorique et cela mène à la vaine tentative de comprendre un mode de production supérieur avec les catégories de celui qui y est inférieur.

Toutefois, la transition du capitalisme au socialisme est un processus complexe et de longue durée que la conquête du pouvoir ne fait qu'entamer. Il s'agit en effet pour les travailleurs de se transformer en masse, de manière à devenir capables de se diriger eux mêmes et de trouver les formes associatives et organisationnelles aptes à mettre en œuvre leur direction sur leur propre processus de travail et sur eux mêmes. De fait, la transition du capitalisme au communisme dans la société socialiste se manifeste dans la création de la direction de tout le mouvement économique de la société par la communauté des travailleurs. La substance de la transition du capitalisme au communisme qui se réalise dans la société socialiste consiste justement en la formation de l'association des travailleurs du monde entier qui prend possession des forces productives déjà sociales et qui a instauré entre ses membres des rapports sociaux qu'elle dirige elle-même.

Dans la société bourgeoise, certaines ébauches de la formation de cette association ont déjà vu le jour : le parti communiste et les organisations de masse. Celles ci ne concernent toutefois qu'une partie infime des travailleurs et présentent encore bien des limites quant à l'égalité réelle des membres qui la composent. Elles sont renforcées par les luttes révolutionnaires à travers lesquelles le prolétariat arrive à la conquête du pouvoir. La constitution définitive de cette association, son articulation dans des organismes et des institutions, la création et la consolidation des rapports sociaux qui lui sont appropriés et la réunion en elle de toute la population constituent le résultat de la période historique du socialisme : c'est en cela que consiste principalement la transition du capitalisme au communisme. Quand cette association aura la capacité de diriger tout le mouvement économique et spirituel de la société, sa formation sera achevée. Alors nous n'aurons plus besoin ni d'Etat ni de parti communiste et les dirigeants seront de simples délégués qui auront des fonctions bien précises, remplaçables à tout moment, étant donné que des milliers d'autres individus seront capables d'accomplir cette tâche, aussi bien qu'eux.

Dans la société socialiste, le caractère collectif des forces productives s'exprime donc positivement comme impulsion de la transformation de la société actuelle ; de la suppression de la propriété privée individuelle et de groupe de toutes les forces productives (y compris de la force de travail) ; de l'élimination de la division en classes ; de la réduction des différences entre les villes et les campagnes et de celles entre les pays arriérés et les pays avancés ; de la réduction de la différence entre travail manuel et travail intellectuel ; de la diffusion de masse d'un haut niveau culturel ; de la diffusion des activités d'organisation, de projet et de direction. Impulsion également de l'instauration d'une communauté mondiale dans laquelle la poussée au développement de la productivité du travail humain vient de la réduction de la fatigue et de la durée du travail obligatoire et du développement des activités créatrices libres ainsi que des relations sociales de chaque individu, jusqu'à ce que le travail ait cessé d'être une condamnation et devienne l'expression principale de la créativité de chaque homme, le besoin principal de son existence sociale.(31)

L'expérience de l'époque de l'impérialisme et des révolutions prolétariennes a confirmé ce que l'analyse marxiste du mode de production capitaliste avait déjà indiqué : le passage de l'humanité du capitalisme au communisme se réalise et ne peut se réaliser que grâce à une progression par vagues successives, dont le moteur est la lutte des classes. A chaque nouvelle vague, de nouveaux peuples passent au socialisme et la transformation des sociétés socialistes en communistes progresse. A la vague succède le reflux : les transformations sont assimilées, se répandent, se concrétisent, se vérifient, se corrigent, se consolident, sont écartées, bloquées ou changées. Des avancées et des reculs sont inévitables, pendant que l'humanité s'ouvre le chemin du communisme. Dans les périodes d'avancée, la bourgeoisie et ses porte parole luttent avec une détermination sauvage, pour la briser et la saboter ; à chaque reflux, ils se précipitent pour proclamer que le communisme est impossible, qu'il est mort. Mais en fait, le capitalisme ne résout aucun des problèmes qui ont poussé les classes et les peuples opprimés vers le communisme et, par conséquent, ceux ci recommenceront leurs tentatives jusqu'au succès. Le prolétariat et ses porte parole apprennent également dans chaque reflux, accumulent les forces matérielles et spirituelles grâce auxquelles ils préparent la nouvelle période d'avancée qui inévitablement suit chaque période de reflux.



 1.7.2. Le socialisme triomphe dans un ou dans plusieurs pays à la fois, et non dans le monde entier en même temps

 

Les pays socialistes ont concerné une part limitée, bien que considérable de l'humanité, environ un tiers. Le mouvement communiste est de par sa nature mondial. L'unité économique du monde, créée par le capitalisme, se reflète dans le caractère international de la situation révolutionnaire qui permet à la classe ouvrière de prendre le pouvoir et dans le caractère mondial qu'aura le communisme. Mais le déséquilibre dans le développement matériel et spirituel des divers pays et des diverses parties de l'économie mondiale sous le capitalisme se reflète dans le fait que la classe ouvrière a conquis et probablement conquerra dans le futur aussi le pouvoir à des moments différents selon les pays ; donc la transition du capitalisme au communisme commencera à des moments différents et avancera à des rythmes différents et sous des formes différentes selon les pays.

Le parcours lui même de la transition sera nécessairement divers, parce qu'il reflétera aussi bien la diversité des points de départ que la diversité des caractères nationaux qui sont loin d'avoir disparu, bien que le capitalisme ait fortement atténué l'isolement des nations et des pays.

 

1.7.3. Les différentes phases que les pays socialistes ont traversées

 

La vie des pays socialistes, créés lors de la première vague de la révolution prolétarienne, couvre une période relativement brève, de 1917 à nos jours. Au cours de leur vie, les pays socialistes ont traversé trois phases.

La première commence avec la conquête du pouvoir par la classe ouvrière et est caractérisée par les transformations qui éloignent les pays socialistes du capitalisme et les font se diriger vers le communisme. C'est la phase de la “ construction du socialisme ”. Cette dernière a duré presque quarante ans pour l'Union soviétique (1917-1956), environ dix ans (1945-1956) pour les démocraties populaires d'Europe orientale et centrale, moins de trente ans pour la République populaire chinoise (1950-1976).

La seconde phase commence quand les révisionnistes modernes conquièrent la direction du parti communiste et inversent le cheminement de la transformation. C'est la phase caractérisée par la tentative de restauration graduelle et pacifique du capitalisme : on n'accomplit plus de pas vers le communisme, les germes de ce dernier sont étouffés, on donne libre cours aux rapports capitalistes encore existants et on essaie de ramener à la vie ceux qui ont disparu. On refait à rebours le chemin accompli lors de la première phase, jusqu'à la pathétique proposition de NEP faite par Gorbatchev à la fin des années 80! C'est la phase de la “ tentative de restauration pacifique et graduelle du capitalisme ”.(32) Cette phase a commencé pour l'URSS et les démocraties populaires d'Europe orientale et centrale, approximativement en 1956 et a duré jusqu'à la fin des années 80 ; pour la République populaire chinoise, elle a débuté en 1976 et est encore en cours.

La troisième phase est celle de la “ tentative de restauration du capitalisme à tout prix ”. C'est la phase de restauration sur une grande échelle de la propriété privée des moyens de production et de l'intégration à tout prix au sein du système impérialiste mondial. C'est la phase d'un nouvel affrontement violent entre les deux classes et les deux voies : restauration du capitalisme ou reprise de la transition vers le communisme ? Cette phase s'est ouverte pour l'URSS et les démocraties populaires d'Europe orientale et centrale, vers 1989 et est encore en cours.



1.7.4. Les pas accomplis par les pays socialistes vers le communisme, au cours de la première phase de leur existence

 

Le socialisme, c'est la transformation des rapports de production, du reste des rapports sociaux et des conceptions qui en découlent, pour les adapter au caractère collectif des forces productives et le renforcement du caractère collectif des forces productives pour lesquelles ce caractère est encore secondaire.(33) Donc, les progrès accomplis par la classe ouvrière au cours de la première phase de la vie des pays socialistes doivent être observés dans les rapports de production (propriété des forces productives, rapports entre les travailleurs dans le processus du travail, répartition du produit), dans le reste des rapports sociaux (politique, droit, culture, etc.) et dans les conceptions, dans la conscience des hommes et des femmes.

 

1. L'Etat et le pouvoir politique

Rôle dirigeant du parti de la classe ouvrière et création d'un système de dictature du prolétariat.

Mobilisation des masses en vue d'assumer les tâches de l'administration publique.

Internationalisme prolétarien et soutien à la révolution prolétarienne dans le monde entier.

Coexistence pacifique entre pays à régimes sociaux différents (contre l'agression des Etats et des groupes impérialistes).



2. La transformation dans les rapports de production

— Propriété des moyens et des conditions de la production

Élimination de la propriété privée des plus importantes structures de production, élimination des rapports marchands entre les principales unités de production : attribution des tâches de production et des ressources par le plan, répartition planifiée des produits.

Transformation des activités individuelles (paysans, artisans, etc.) en activités coopératives.

Obligation à tout le monde d'accomplir un travail socialement utile.

Atténuation de la propriété privée de la capacité de travail, en particulier de la capacité de travail qualifié.

Développement sur une grande échelle du travail volontaire pour faire face à des nécessités sociales (samedis communistes).

— Rapports entre les hommes dans le travail

Mesures en vue d'éliminer la distinction entre travail manuel et travail intellectuel (de direction, d'organisation, de planification, d'administration, de comptabilité, etc.).

Répartition au sein de toute la population, du travail nécessaire et du travail intellectuel (dans le domaine culturel, des loisirs, politique, etc.).

Mesures d'intégration du travail simple (abstrait) et du travail complexe (concret).

Rapprochement des villes et des campagnes : urbanisation des campagnes.

— Répartition du produit

Élimination des revenus qui ne proviennent pas du travail (profits, rentes, intérêts, droits d'auteur, etc.).

Rétribution selon la quantité et la qualité du travail accompli.

Augmentation de la disponibilité libre ou quasiment libre des biens de consommation de première nécessité.

Fourniture de certains services, selon la nécessité (instruction, santé, etc.).

Attribution à la fonction et non à l'individu des privilèges qui ne peuvent pas encore être éliminés.

 

3. La transformation dans les rapports de superstructure

Constitution des organisations de masse et attribution à celles ci de l'organisation et de la gestion de certaines activités de l'administration publique (réduction du rôle des fonctionnaires publics professionnels).

Promotion de l'accès généralisé à l'instruction, à tous niveaux et à tout âge.

Élimination des religions d'Etat, des privilèges des églises et liberté généralisée pour tous les cultes et religions, liberté de ne pas professer de culte et de professer et faire de la propagande en faveur de l'athéisme.

Lutte contre les sectes et les sociétés secrètes.

Diffusion et approfondissement des autonomies locales dans tous les domaines (politique, culturel, économique, instruction, judiciaire, ordre public, militaire, etc.) : les soviets en Union Soviétique et les communes en RPC.

Reconnaissance de la maternité et des soins aux enfants, comme fonctions sociales.

Emancipation des femmes vis-à-vis des hommes.

Emancipation des enfants et des jeunes vis-à-vis des parents.

Lutte contre les discriminations nationales et raciales.







Les intellectuels du secteur culturel au service des travailleurs et diffusion des activités culturelles parmi les travailleurs.

Contrôle de masse sur les dirigeants et sur les membres du parti communiste.

Épuration périodique des dirigeants.

 

1.7.5. Les pas en arrière accomplis par les révisionnistes modernes dans la seconde phase de l'existence des pays socialistes



Les pas en arrière accomplis dans la seconde phase des pays socialistes sont reconnaissables avec le même critère utilisé pour reconnaître ceux qui sont accomplis lors de la première phase.

1. L'Etat et le pouvoir politique

Abolition des mesures qui protégeaient la nature de classe du parti (“ parti du peuple tout entier ”) et du système politique (“ Etat du peuple tout entier ”).

Fin des campagnes de mobilisation des masses dont la finalité était d'assumer de nouvelles et de plus vastes tâches sur le plan économique, politique et culturel.

Intégration économique, politique et culturelle des pays socialistes dans le monde impérialiste : substitution de la coexistence pacifique entre pays à régimes sociaux différents et du soutien à la révolution prolétarienne, par la compétition économique, politique et culturelle entre pays socialistes et pays impérialistes.

2. La transformation dans les rapports de production

— Propriété des moyens et des conditions de la production

Introduction de l'autonomie financière des entreprises.

Atténuation de l'autorité du plan.

Introduction de rapports directs entre les entreprises pour l'échange ou la vente de biens et de services.

Élargissement de la propriété individuelle (dans les campagnes, dans le commerce de détail, dans les prestations de travail entre privés).

Abolition de l'obligation générale d'accomplir un travail socialement utile.

Atténuation du rôle social du travail volontaire.

— Rapports entre les hommes dans le travail

Atténuation ou élimination des mesures d'intégration et de rapprochement du travail manuel et du travail intellectuel (de direction, d'organisation, de planification, d'administration, de comptabilité, etc.).

Atténuation ou élimination des mesures qui mettaient en œuvre la participation de toute la population au travail nécessaire et qui promouvaient la participation des travailleurs au travail intellectuel (dans le domaine culturel, récréatif, politique, etc.) : exaltation du professionnalisme.

Élargissement de la division entre travail simple (abstrait) et travail complexe (concret).

Affaiblissement des mesures destinées à rapprocher la ville et la campagne.

Développement inégal entre différentes zones et donc création ou intensification de contradictions au sein des masses.

— Répartition du produit

Légitimation des revenus qui ne proviennent pas du travail (profits, rentes, intérêts, droits d'auteur, etc.).

Utilisation des augmentations de rétribution pour étouffer les contradictions entre les masses et les autorités.

Rôle principal donné aux stimulants économiques individuels pour augmenter la productivité du travail.

Diminution de la disponibilité gratuite ou quasiment gratuite des biens de consommation de première nécessité.

Réduction de la fourniture de services selon la nécessité (instruction, santé, etc.), introduction de deux catégories de services (publics et privés) et détérioration des services publics.

Légalisation et légitimation morale de l'enrichissement individuel.

 3. La transformation dans les rapports de superstructure

Transformation des organisations de masse en organes de contrôle.

Décadence des autonomies locales.

Affaiblissement de la lutte en faveur de l'émancipation des femmes vis-à-vis des hommes.

Réévaluation du rôle de la famille vis-à-vis des enfants et des jeunes.

Concession de privilèges aux églises et au clergé en échange de leur collaboration et de leur loyauté envers le pouvoir politique.

Augmentation du rôle des fonctionnaires professionnels dans l'accomplissement des fonctions sociales.

Autonomie des intellectuels vis-à-vis des travailleurs.

Abolition du contrôle de masse sur les dirigeants et sur les membres du parti communiste.

Abolition de l'épuration périodique des dirigeants.

 

1.7.6. Comment les révisionnistes modernes ont ils pu prendre le pouvoir ?

 

La possibilité d'un retour en arrière est inscrite dans la nature des pays socialistes. Nier cette possibilité équivaut à nier que la lutte de classe continue après que la classe ouvrière ait conquis le pouvoir.

En général, les pays socialistes, dans la première phase de leur existence, ont fait de grands pas dans la transformation de la propriété des moyens de production, c'est-à-dire dans le premier des trois aspects des rapports de production. “ La transformation socialiste de la propriété est accomplie pour l'essentiel, chez nous ”, disait Mao dans les années 60. Mais la propriété individuelle subsistait encore en petite quantité et la propriété de groupe était encore présente sur une vaste échelle (kolkhozes, communes, coopératives). En outre, on n'avait résolu que dans une petite mesure le problème de l'élimination de la propriété privée de sa propre force de travail, en particulier de la force de travail la plus qualifiée : celle des techniciens, des intellectuels, des scientifiques, etc.

Tout cela concerne le premier aspect des rapports de production.

Dans les pays socialistes, au terme de la première phase, la masse des travailleurs était encore loin de pouvoir se diriger directement, elle était encore loin de cette condition, pour le dire avec Lénine, où “ même une cuisinière peut diriger les affaires de l'Etat ”, même s'ils avaient fait des pas en avant dans cette direction et même si les bases matérielles pour réaliser cette condition ont été, sur le plan historique, pleinement posées par le capitalisme lui même.(34) Tant que les masses sont éloignées de cette condition, celui qui dirige n'est pas un simple délégué qui accomplit une fonction donnée, que l'on peut remplacer à tout moment par quelqu'un d'autre tout aussi capable. Il dispose d'un pouvoir personnel que la grande majorité des autres individus n'est pas en mesure d'exercer et qui est, toutefois, socialement nécessaire : l'on ne peut le supprimer d'un trait.

Cela concerne le second aspect des rapports de production et les rapports de superstructure.

Les pays socialistes au terme de la première phase étaient encore loin de pouvoir réaliser une répartition des produits, basée sur le principe “ à chacun selon ses besoins ”, même s'ils avaient accompli des pas en avant dans cette direction et si les bases matérielles pour réaliser cette condition ont été, sur le plan historique, pleinement posées par le capitalisme lui même.(35) Tant que cette condition n'est pas réalisée, celui qui dirige dispose pour accomplir ses tâches de conditions de vie et de travail dont la grande majorité des individus ne dispose pas. La répartition “ à chacun selon son travail ” crée de par elle même de grandes disparités entre les individus, tend à rétablir des rapports d'exploitation et ouvre, en outre, mille possibilités à des violations du principe “ à chacun selon la quantité et la qualité du travail accompli ”.

Cela concerne le troisième aspect des rapports de production et les rapports de superstructure.(36)

Dans les pays socialistes, dans la première phase de leur vie, de grands pas en avant avaient été faits pour mettre la culture, l'art et la science au service des travailleurs, de manière à ce que le patrimoine culturel, artistique et scientifique soit utile aux travailleurs pour leur faciliter la compréhension et la solution des problèmes de leur vie spirituelle et matérielle. Toutefois, la culture, l'art et la science constituaient encore dans une large mesure des secteurs dans lesquels prédominait la conception bourgeoise. Les intellectuels, les artistes et les scientifiques se considéraient comme des personnes spéciales et vivaient, sous de nombreux aspects, une vie à part et privilégiée. La masse de la population bénéficiait de manière encore limitée du patrimoine culturel, artistique et scientifique de la société.

Il en résulte donc clairement que, dans les pays socialistes, existait encore une lutte entre la bourgeoisie et la classe ouvrière et que, dans ceux ci, la bourgeoisie est constituée pour l'essentiel de cette partie des dirigeants de la nouvelle société qui s'opposent à la transformation et qui suivent la voie du capitalisme. Leur présence alimente des tendances et des rêves de restauration. Les tendances et les rêves de restauration mènent inévitablement à des tentatives de restauration. Ceci est une donnée objective qui sera présente durant toute la période socialiste, dans tous les pays socialistes.

Qu'est ce qui transforme cette possibilité en réalité ? Les erreurs de la gauche. Ce sont les erreurs qui en s'accumulant et en n'étant pas corrigées devinrent systématiques, jusqu'à constituer une ligne de restauration du capitalisme et d'étouffement des germes de communisme et permettre que la direction soit prise par les promoteurs et les partisans de la restauration.

L'erreur est inscrite dans toute nouvelle expérience. L'étude approfondie de l'expérience des pays socialistes et la collaboration fraternelle avec les communistes des premiers pays socialistes fourniront aux communistes la possibilité d'éviter de commettre les erreurs déjà commises dans les premiers pays socialistes et plus généralement de commettre moins d'erreurs.

La lutte entre les deux lignes, la conscience de la lutte de classe, la pratique de la critique et de l'autocritique et en général les enseignements pour ce qui concerne la lutte de classe au sein de la société socialiste, résumés dans le maoïsme, permettront aux futurs pays socialistes d'aller plus loin.

Le motif principal de l'écroulement des régimes révisionnistes à la fin des années 80 est la crise générale du monde capitaliste. Elle ne permettait plus de continuer la lente et graduelle érosion du socialisme. La bourgeoisie qui gouvernait les pays socialistes n'était plus en mesure de faire face aux dettes contractées auprès des banques et des institutions financières internationales, elle n'était plus en mesure de mobiliser les masses des pays socialistes pour faire face aux conséquences d'une annulation des dettes avec l'étranger et se trouvait réduite à brader les marchandises et les ressources des pays socialistes sur le marché impérialiste, en précipitant ainsi la crise économique interne qui se transforma en crise politique. La bourgeoisie des pays impérialistes avait besoin de nouveaux terrains d'investissement, de nouvelles rentes et de nouveaux marchés ; en outre, elle faisait face avec de plus en plus de difficultés à l'influence perturbatrice que les pays socialistes avaient dans ses relations avec les masses et avec les semi colonies et dans les relations entre les groupes impérialistes mêmes. La bourgeoisie a donc dû jouer le tout pour le tout : une partie douloureuse pour les masses, mais très risquée aussi pour la bourgeoisie. Elle a jeté le masque et la lutte entre les deux classes et les deux voies est, à présent, à nouveau déclarée dans tous les pays socialistes.

 





1.7.7. Les enseignements des pays socialistes

 

Au cours de leur brève existence, les pays socialistes

— ont démontré que, pour instaurer le socialisme, la classe ouvrière doit posséder un parti communiste et ont fourni de très importants enseignements sur la nature de ce parti ;

— ont enseigné que, pour instaurer le socialisme, la classe ouvrière doit prendre la direction du reste du prolétariat et des masses populaires (front) ;

— ont démontré que, pour instaurer le socialisme, la classe ouvrière doit construire ses propres forces armées, qu'elle doit détruire le vieil Etat et la vieille administration publique de la bourgeoisie, qu'elle doit instaurer sa propre dictature ;

— ont démontré que la classe ouvrière doit maintenir sa propre dictature pour une durée indéterminée ;

— ont démontré que la classe ouvrière doit mobiliser les masses, les organiser et les former en vue d'assumer des tâches de plus en plus importantes dans l'administration publique, dans l'économie et dans la superstructure ;

— ont fourni une démonstration sur une grande échelle que le communisme est possible : dans la première phase de leur existence, ils ont donné une réponse affirmative pratique et sur une grande échelle, à la question à laquelle Marx et Engels n'avaient donné, par la force des choses, qu'une réponse théorique ;(37)

— ont montré de quelles grandioses réalisations sont capables les masses populaires guidées par la classe ouvrière ;

— ont fourni une masse énorme d'expériences concrètes sur comment organiser la vie et transformer les rapports sociaux dans tous les domaines de l'activité économique, culturelle, artistique, scientifique, etc.;

— ont démontré qu'une fois constitués, les pays socialistes ne peuvent être vaincus par quelque agression extérieure que ce soit (la République hongroise des conseils de 1918 fut étouffée dans ses premiers mois) ;

— ont démontré que la lutte de classe continue même après la conquête du pouvoir et même après avoir, pour l'essentiel, transformé les rapports de propriété des moyens de production (travail mort) ;

— ont démontré que la culture et en général les activités ayant trait à la superstructure sont le terrain où la résistance de la bourgeoisie est la plus tenace et la plus dure à vaincre ;

— ont démontré que, dans les pays socialistes, la bourgeoisie d'où peuvent provenir des tentatives de restauration est constituée pour l'essentiel par des dirigeants du parti, de l'Etat, de l'administration publique, des organisations de masse ;

— ont démontré que l'involution (retour en arrière) est un processus possible, mais difficile et lent et d'autant plus difficile que la transformation vers le communisme est plus avancée et que les masses ont été activement protagonistes du processus de transformation.

 

L'histoire de la troisième phase des pays socialistes confirme que la restauration du capitalisme n'est pas possible, sinon comme processus de bouleversement et de décadence complète de la société qui prendra un certain temps. Il est impossible de ramener pacifiquement les hommes et les femmes formés par le socialisme à une vie dans un système inférieur : il est nécessaire de les déformer, les estropier et les violenter dans une mesure que jusqu'à présent nous ne réussissons pas à imaginer. Dix ans après la “ révolution démocratique ”, les pays socialistes restent encore le maillon faible de l'impérialisme, les pays où la bourgeoisie est le plus en danger.

De même que la Commune de Paris fut le guide des communistes pour accomplir leur tâche, dans la première vague de la révolution prolétarienne, l'expérience de l'Union Soviétique, de la République populaire chinoise, des autres pays socialistes et de la Révolution Culturelle Prolétarienne, seront le guide des communistes dans l'accomplissement de leur tâche, dans la seconde vague de la révolution prolétarienne.

 

1.8. Conclusions

 

L'expérience de la lutte de classe que nous avons résumée nous apprend que le communisme est devenu économiquement nécessaire, en plus d'être possible, et donc qu'il est économiquement possible et nécessaire que la classe ouvrière prenne le pouvoir ; que le mouvement politique de la société bourgeoise, pour des causes économiques que la bourgeoisie ne peut éliminer, est tel que périodiquement se font jour de longues périodes de crise et d'instabilité politique (situations révolutionnaires de longue durée) ; que pour le début de la transition, il est nécessaire que la classe ouvrière résolve les problèmes politiques et culturels de sa transformation en classe dirigeante, en substance, qu'elle se dote d'un “ vrai ” parti communiste, pour mettre à profit ces situations révolutionnaires en vue d'accumuler des forces jusqu'à être capable de prendre le pouvoir.

Vis-à-vis des communistes, qui accomplirent leur tâche dans la première vague de la révolution prolétarienne, qu'avons nous de nouveau ?

1. Nous avons en notre faveur l'expérience de la première crise générale et de la première vague de la révolution prolétarienne et l'expérience des premiers pays socialistes. Ces expériences sont synthétisées par le maoïsme, phase supérieure de la pensée communiste, après le marxisme et le léninisme.

2. La faillite du révisionnisme moderne comme politique prolétarienne est aujourd'hui manifeste pour le monde entier : toutes ses prétentions de vérité et de caractère scientifique ont été démasquées par la pratique.

Dans les pays socialistes, les révisionnistes modernes ont pendant longtemps cherché à restaurer pacifiquement le capitalisme en rongeant et corrompant, graduellement, les institutions et les structures de la société socialiste, en en rendant impossible le fonctionnement, en faisant pourrir et devenir irréversibles les contradictions, refaisant de la place dans les domaines économique, politique et culturel, à tous les éléments et à toutes les pratiques arriérées, hérités de la vieille société bourgeoise ou féodale. Le projet de restauration pacifique du capitalisme a cependant échoué grâce à la résistance des masses. Les révisionnistes modernes ont seulement réussi à précipiter les pays socialistes dans le chaos et à amener la situation à un tel point qu'un nouvel affrontement ouvert est devenu inévitable. Ils ont fini par sauter en l'air, leur place a été prise par les partisans déclarés de la restauration, décidés à la réaliser au prix de n'importe quelle violence et coercition, au prix de n'importe quel sacrifice et souffrance pour les masses. La délimitation du front entre les partisans de la reprise de l'avancée vers le communisme et les partisans de la restauration du capitalisme, les nouveaux “ gardes blancs ” et le déploiement des forces respectives constituent le processus en cours dans les escarmouches de la période actuelle.

Dans les pays impérialistes, les révisionnistes modernes ont pu émerger et s'affirmer grâce à la phase d'expansion et de développement économiques de trente ans qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Ils ont été les organisateurs et les gestionnaires des institutions et des pratiques dans lesquelles le projet de construire un capitalisme à visage humain s'est concrétisé et ils ont été les prédicateurs de l'illusion qu'il puisse durer et se développer indéfiniment. Depuis qu'il y a eu le virage et que la bourgeoisie a commencé à démanteler les unes après les autres les institutions et les pratiques du capitalisme à visage humain, le terrain sur lequel les révisionnistes modernes s'appuyaient s'est effondré et leur déclin a commencé sans plus pouvoir s'arrêter. Le réformisme a perdu la base réelle (les conquêtes économiques, politiques et culturelles) qui lui donnait sa force, il est devenu et devient, chaque jour davantage, réformisme sans réformes, velléité, aventurisme, discours creux dont les masses s'éloignent. La force des groupes et des partis réformistes et de leurs vieilles organisations de masse (syndicats, etc.) provient proportionnellement toujours moins du soutien des masses et toujours plus des faveurs de la bourgeoisie. Mais la bourgeoisie ne peut que faire toujours moins de confiance aux réformistes pour gouverner les masses et, en conséquence, leur octroie toujours moins ses faveurs, bien qu'ils demeurent sa ressource ultime pour diviser les masses de manière suffisante à pouvoir les réprimer avec succès : ils ouvrent en effet la voie à la mobilisation réactionnaire des masses.

Dans les pays semi coloniaux, la conciliation avec l'impérialisme a maintenu la plus grande partie de ceux ci dans un état d'arriération économique et culturelle ainsi que de dépendance et de fragilité politique. Ils sont appelés “ pays en voie de développement ” dans le langage des impérialistes, mais pour la plupart d'entre eux la croissance économique et culturelle est restée un mirage. Le développement de la crise générale arrache jour après jour, inexorablement, le masque des “ miracles économiques ” et met à nu l'exploitation, la misère, la faim et les crimes que la bourgeoisie impérialiste dissimulait sous ce couvert. La domination de l'impérialisme et des groupes indigènes féodaux et capitalistes bureaucrates ou compradores a détruit les conditions, même si primitives, de survie de larges masses, elle a jeté la plus grande partie de la population mondiale (qui habite dans ces pays) dans une situation de mise sur la touche et de sous alimentation chronique qui la pousse toujours plus à émigrer dans les pays impérialistes. Dans la quasi-totalité des pays semi coloniaux cependant, le prolétariat et les forces révolutionnaires ont grandi. L'avidité et la rapacité des banquiers impérialistes et de leurs serviteurs locaux font de la révolution de nouvelle démocratie, la seule voie pour survivre, pour les vastes masses.

3. La contradiction entre le caractère collectif des forces productives et les rapports de production capitalistes est devenue plus ouverte et plus aiguë. Le processus productif des sociétés actuelles est devenu, encore plus profondément et de manière plus diffuse, l'œuvre collective d'un organisme mondial ; chaque partie de celui ci ne peut fonctionner que si les autres fonctionnent aussi et grâce au fonctionnement de toutes les autres. Au cours des cinquante ans qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les circuits des systèmes autonomes, individuels ou locaux, de production, ont été encore plus réduits. Sur le plan économique, le monde est devenu, d'une manière plus précise, un organisme unique, même si toujours plus lacéré par des contradictions, justement à cause du caractère capitaliste des rapports entre les parties qui le composent. L'unité du monde créée par le capitalisme devient plus profonde, mais, justement à cause de cela, les formes bourgeoises de cette unité deviennent toujours plus une source de mal être, de subornation, de rébellion, de guerres et de révolution. Les capitalistes et leurs partisans prétendent en effet baser encore le fonctionnement d'un organisme de ce genre sur la possession individuelle des forces productives et sur le vol du temps de travail d'autrui, comme à l'époque où le fonctionnement et le résultat des forces productives dépendaient principalement des ressources et de l'énergie de l'individu ou du groupe qui en disposait.(38)

Il est impossible d'éliminer cette contradiction si l'on n'élimine pas le capitalisme : les contrastes qui lacèrent les diverses sociétés impérialistes et la société mondiale (y compris en particulier, la destruction de l'environnement qui, au cours des cinquante dernières années, est devenue une contradiction universelle) proviennent en définitive de ce contraste fondamental, même si elles en proviennent à travers une série de passages intermédiaires qui parfois donnent aux manifestations concrètes des apparences complètement différentes. La réalité est que ceux qui ont l'argent et donc qui peuvent avoir une initiative économique veulent et doivent en gagner rapidement et beaucoup, le maximum ; quant aux masses, elles doivent leur donner leurs énergies, se détruisant ainsi elles mêmes ainsi que leurs conditions de vie.

4. La bourgeoisie n'a aucunement la capacité de mettre fin à la crise actuelle ; elle peut seulement bouleverser à nouveau le monde, par une longue période de guerres et de révolutions, d'une ampleur que nous n'imaginons pas encore, au jour d'aujourd'hui. Les structures qui dirigent le processus productif des sociétés actuelles (le capitalisme monopoliste d'Etat, le capital financier, les monopoles) sont des superstructures, des excroissances du capitalisme vieux style, faites de capitalistes producteurs, de commerçants et de banquiers, de spéculateurs et de profiteurs, de producteurs et de vendeurs de marchandises, qui constituent encore le gros des sociétés bourgeoises.(39) Ces structures reposent sur la large base de la production marchande capitaliste et de la propriété individuelle capitaliste des forces productives. Chaque association de capitalistes et chaque accord entre capitalistes sont donc temporaires, tendant au profit des capitaux individuels et minés à l'intérieur par la contradiction entre les factions individuelles de capital. La capacité proclamée des Etats et des associations nationales et internationales de capitalistes de planifier le mouvement économique de la société, de le diriger selon un plan préalablement établi, de contrôler et diriger le mouvement économique, politique et culturel de la société, c'est-à-dire la prétention d'être entrés dans un nouveau mode de production, le néo capitalisme qui aurait surmonté les points faibles du vieux capitalisme, se révèle sous nos yeux être une illusion de certains, un mensonge d'autres, un cauchemar halluciné d'autres encore. Le plan du capital n'a existé que comme vantardise d'intellectuels au service du capital et que comme spéculation des “ operaïstes ”(40) et de leurs maîtres de “ l'Ecole de Francfort ”.(41)

5. La classe ouvrière est plus nombreuse et plus diffuse dans le monde et la prolétarisation s'est accrue. De nombreuses masses ont eu une expérience récente, pratique et directe, du socialisme.

 

La nouvelle crise générale a généré et génère une nouvelle situation révolutionnaire de longue durée. Les masses populaires sont poussées par la condition objective à se mobiliser et même la classe dirigeante devra favoriser leur mobilisation, pour faire face à ses propres problèmes. Elle tentera de maintenir son pouvoir de direction sur les masses en développant leur mobilisation réactionnaire. Elle n'a pas d'autres choix. La tâche des communistes, au cours des prochaines années, est de faire prévaloir la direction de la classe ouvrière dans la mobilisation des masses, en transformant ainsi cette mobilisation en mobilisation révolutionnaire, en lutte pour le socialisme.

Comment pouvons nous atteindre cet objectif ?

Les masses populaires se mobilisent pour résister à la deuxième crise du capitalisme. La perturbation matérielle et spirituelle en cours aujourd'hui parmi les masses est le moyen par lequel elles essaient de faire face aux situations auxquelles elles sont confrontées, du fait de la crise.

La résistance des masses à l'avancée de la crise comprend aussi bien la défense des conquêtes arrachées (aspect défensif) que la lutte contre le régime qui les élimine (aspect offensif).(42)

C'est là la tâche que les masses doivent accomplir et sur ce terrain s'affrontent deux classes antagonistes, la bourgeoisie impérialiste pour conserver son pouvoir et sa direction sur les masses populaires et la classe ouvrière pour les conquérir. Cela définit la ligne générale du parti communiste pour les prochaines années :

S'unir étroitement et sans réserves à la résistance que les masses opposent et opposeront à l'avancée de la crise générale du capitalisme, comprendre et appliquer les lois selon lesquelles cette résistance se développe, l'appuyer, la promouvoir, l'organiser et faire prévaloir en son sein la direction de la classe ouvrière, jusqu'à la transformer en lutte pour le socialisme, en adoptant, comme méthode principale de travail et de direction, la ligne de masse.

L'application conséquente de cette ligne générale amènera le parti communiste à définir sur la base du bilan de l'expérience, les lignes particulières à appliquer dans chaque pays et, phase par phase, les formes de lutte et les formes d'organisation les plus adaptées (la voie à la révolution prolétarienne dans son propre pays).

 







1. K. Marx (1818-1883) et F. Engels (1820-1895) ont recueilli et élaboré l’expérience des luttes de la classe ouvrière, utilisant à cette fin les instruments les plus raffinés de la pensée, accumulés du début de l’humanité jusqu’à leur époque :

1. la philosophie dialectique de G. W. F. Hegel (1770-1831) ;

2. l’économie politique d’A. Smith (1723-1790) et de D. Ricardo (1778 1823) ;

3. le matérialisme des philosophes français des Lumières (XVIIIe siècle).


2. Les Etats qui gouvernent les pays capitalistes sont des organes de direction de la bourgeoisie impérialiste : cette classe a le monopole du pouvoir et il est économiquement impossible que les pays impérialistes soient gouvernés par d’autres classes, quelles que soient les formes (démocratique ou autoritaire, monarchique ou républicaine) avec lesquelles la classe dominante règle les rapports entre les groupes qui la composent et les rapports avec les autres classes de la population. C’est pourquoi tous les Etats des pays capitalistes sont des dictatures de la bourgeoisie. Aucun gouvernement ne peut fonctionner dans ces pays s’il n’a pas le soutien de la fraction la plus importante de la bourgeoisie. De la même manière, dans les pays socialistes, le pouvoir sera le monopole de la classe ouvrière, même si, par leur nature, la très grande majorité de la population jouira de fait de libertés et de pouvoirs dans une mesure et d’un type tels que les travailleurs n'en ont jamais eus dans aucun pays bourgeois. En conséquence, l’Etat des pays socialistes sera l’Etat de la dictature de la classe ouvrière (dictature du prolétariat).

Références : K. Marx, Pour la critique du programme de Gotha (1875) ;

V.I. Lénine, L’Etat et la révolution (1917), dans Œuvres, vol. 25.


3. “ Le communisme pour nous n’est pas un état de choses qui doit être instauré, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état de choses présent. Les conditions de ce mouvement résultent du présupposé qui existe actuellement. ”

K. Marx-F. Engels, L’idéologie allemande (1845-1846), chap. I (Feuerbach), partie 2, dans Œuvres complètes, vol. 5.


4. Productivité du travail humain.

La quantité de biens ou services produits par un travailleur dans l’unité de temps est la productivité de son travail. Quand le travail devient collectif, comme dans les usines modernes, il est en général impossible de distinguer la contribution à la production de chaque travailleur particulier. Dans ce cas, la productivité du travail est donnée par la quantité de biens ou services produits par un nombre donné de travailleurs dans l’unité de temps.


5. La première société ouvrière anglaise a été fondée par le cordonnier Thomas Hardy (1752-1832). Celle-ci non seulement fit de l’agitation politique mais promut également de nombreuses révoltes entre la population industrielle de Londres et des Midlands. L’Etat a supprimé la société ouvrière en 1799 dans le cadre de mesures répressives générales, mais les mouvements se sont étendus dans l’illégalité et avec des luttes sanglantes jusqu’en 1824-1825, quand l’Etat a atténué les dispositions qui interdisaient aux ouvriers de s’organiser. En 1811, autour de Nottingham et dans les districts voisins, des groupes d’ouvriers ont commencé à détruire les nouvelles machines (luddisme). Le mouvement s’est étendu après 1814 à tous les districts industriels anglais et a été réprimé par l’Etat par des mesures terroristes.

Aux environs de l’année 1830, les ouvriers anglais ont participé activement, à côté de la bourgeoisie, aux luttes pour la réforme du Parlement avançant leurs propres demandes (cartisme) et, en 1847, ils ont arraché la loi qui limitait à dix heures la durée légale de la journée de travail.


6. A l’époque de son ascension, la bourgeoisie a produit une théorie des rapports économiques scientifique autant que l’horizon des intérêts bourgeois le lui permettait, l’économie politique classique. Les plus grands représentants furent Adam Smith (1723-1790), David Ricardo (1778-1823), Thomas Robert Malthus (1766-1834). Quand la bourgeoisie entra dans la phase de son déclin et dut lutter non seulement contre les forces féodales survivantes, mais contre la classe ouvrière montante, sa production dans le champ des sciences sociales se dessécha et se réduit à l’exaltation de la société existante et au camouflage des rapports sociaux réels : économie politique vulgaire, économie politique marginaliste, etc.


7. “ En quoi le prolétaire se distingue-t-il de l’esclave ?

L’esclave est vendu une fois pour toutes ; le prolétaire doit se vendre chaque jour et même chaque heure. L’esclave isolé est propriété de son maître et il a, du fait même de l'intérêt de son maître, une existence assurée, si misérable qu'elle puisse être. Le prolétaire isolé est propriété, pour ainsi dire, de toute la classe bourgeoise ; on ne lui achète son travail que quand on en a besoin, il n’a donc pas d’existence assurée. Cette existence n'est assurée seulement qu'à la classe ouvrière tout entière, en tant que classe. L’esclave est en dehors de la concurrence ; le prolétaire est en plein dans la concurrence et en subit toutes les oscillations. L’esclave est considéré comme une chose, non pas comme un membre de la société civile ; le prolétaire est reconnu en tant que personne, en tant que membre de la société civile. L’esclave peut donc avoir une existence meilleure que le prolétaire, mais le prolétaire appartient à une étape supérieure du développement de la société et il se trouve lui-même à un niveau plus élevé que l’esclave. L’esclave se libère en supprimant seulement, de tous les rapports de la propriété privée, le rapport de l’esclavage, grâce à quoi il devient seulement un prolétaire. Le prolétaire, lui, ne peut se libérer qu'en supprimant la propriété privée elle-même. ”

F. Engels, Principes du communisme (1847), dans Œuvres complètes, vol. 6.


8. La nature et les lois du mode de production capitaliste ont été exposées par K. Marx dans son œuvre majeure Le capital. Le premier volume a été publié en 1864, le deuxième et le troisième ont été publiés après sa mort par F. Engels respectivement en 1885 et en 1894. Dans cette œuvre, Marx a aussi décrit la naissance et le développement du mode de production capitaliste et de la société bourgeoise jusqu’à la moitié du XIXe siècle.



9. Les forces productives de la société comprennent :

- la capacité humaine de travail (force de travail) ;

- la terre, l'eau, les animaux, les végétaux, les minéraux et les autres ressources naturelles employées dans la production ;

- l’expérience et la connaissance employées dans le processus du travail (le professionnalisme) ;

- les ustensiles, les machines, les installations et les infrastructures que les travailleurs utilisent dans le processus productif.



10. L’Etat.

L’essence de l’Etat est le monopole de la violence que la classe économiquement dominante a confisqué pour elle-même. L’Etat est fondamentalement constitué par l’ensemble des organes chargés de l’exercer (police, forces armées, magistrature, prisons, etc.).

L’exposition la plus systématique de la théorie marxiste de l’Etat est dans l’opuscule de V.I. Lénine, L’Etat et la révolution (1917), dans Œuvres, vol. 25. Les conceptions de l’Etat que les opportunistes et les révisionnistes ont avancé après Lénine, jusqu’à l’“ Etat de tout le peuple ” proposé par Khrouchtchev en 1961 au XXIIe congrès du PCUS, ne présentent pas de nouveauté théorique par rapport à celles démasquées par Lénine.

L’origine de l’Etat est décrite dans l’œuvre de F. Engels, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat (1884).


11. Economiquement irréalisables sont les transformations qui sont incompatibles avec la nature du mode de production dominant.

Référence : V.I. Lénine, Une caricature du marxisme et à propos de “ l’économisme impérialiste  ” (1916), dans Œuvres, vol. 23.

 

12. Le capitalisme monopoliste d’Etat est la combinaison des monopoles et du capital financier (il n’est donc pas la combinaison en général de l’ensemble de la classe bourgeoise — chose qui existait déjà —, mais des monopolistes et des rois de la finance) avec l’Etat. Le capitalisme monopoliste d'Etat apparaît à l’époque impérialiste et a eu une croissance particulièrement rapide avec la Première Guerre mondiale. Dans les sociétés à capitalisme monopoliste d’Etat, celui-ci et l’administration publique tiennent directement un rôle déterminant dans la vie économique pour imposer les intérêts de la petite oligarchie des capitalistes monopolistes et des rois de la finance à tout le reste de la société, même au restant de la bourgeoisie (fin de la démocratie bourgeoise). Le capitalisme monopoliste d’Etat est le résultat maximum des efforts de la bourgeoisie de réglementer le mouvement économique de la société tout en restant dans le cadre de la propriété privée et de la libre initiative individuelle des capitalistes.



13. Aux premiers siècles de l’existence du mode de production capitaliste, le prolétariat n’était composé pratiquement que de travailleurs manuels dans l’industrie, parce que seule la production industrielle était absorbée par le mode de production capitaliste. De là l’habitude que l’on a par inertie de considérer comme ouvriers seulement les travailleurs manuels de l’industrie. Graduellement le mode de production capitaliste s’est cependant étendu aussi aux autres secteurs productifs, a créé de nouveaux secteurs et a approfondi la division du travail à l’intérieur des entreprises : par conséquent, les travailleurs des autres secteurs et les travailleurs non manuels sont aussi entrés dans le prolétariat. Jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, la classe ouvrière et le prolétariat ont été toutefois grosso modo encore la même chose. “ Par prolétariat s’entend la classe des ouvriers salariés modernes qui, ne possédant aucun moyen de production, sont contraints de vendre leur force de travail pour vivre ” (Engels). Dans la phase impérialiste de la société bourgeoise, la prolétarisation de la société s’est étendue, d’autres travailleurs ont été réduits à l’état de prolétaires (c’est-à-dire des travailleurs qui pour vivre doivent vendre leur force de travail) même s’ils ne travaillent pas aux ordres du capitaliste pour valoriser son capital. De cette façon sont apparues de nouvelles classes prolétaires, différentes de la classe ouvrière.

Actuellement la classe ouvrière n’est qu’une composante du prolétariat. A la suite du développement de la prolétarisation de la société, aujourd’hui le prolétariat comprend donc aussi d’autres classes, en plus de la classe ouvrière : les employés des administrations publiques et des organismes à but non lucratif, les employés d’entreprises non capitalistes (artisans, entreprises familiales, coopératives, etc.), et les employés embauchés au service personnel des riches.

Pour une meilleure compréhension de cet argument, nous vous renvoyons au chapitre 3.2. de ce Manifeste programme.


14. Caractère collectif des forces productives.

Pour accroître la productivité du travail humain, la bourgeoisie a dû développer des forces productives collectives, c’est-à-dire de telle qualité que la quantité et la qualité des richesses produites dépendent toujours moins des capacités, des qualités et des caractéristiques de l’individu particulier mais, et dans une mesure toujours plus grande, de l’ensemble organisé des individus, le collectif, des conditions dans lesquelles le collectif travaille et de la combinaison de cela et d’autres éléments. Parallèlement le travailleur particulier a été réduit à l’impuissance : il peut se procurer de quoi vivre seulement s’il est inséré dans un collectif de production.



15. Au début du mode de production capitaliste, les banques donnaient de l’argent sous forme de prêts aux capitalistes et ces prêts constituaient tout ou partie de leur capital productif. Le capital productif est le capital qui augmente en parcourant et reparcourant le processus Argent Marchandises (moyens de production, matières premières, force de travail)-Travail-Nouvelles Marchandises-Plus d’Argent (A-M-T-NM-PA). A l’époque impérialiste, la combinaison entre le capital bancaire et le capital productif est devenue si étroite qu’est né une nouvelle sorte de capital, le capital financier (sociétés par actions, consortiums, etc.) sur lequel a grandi le château de la Bourse, de la spéculation financière et du parasitisme impérialiste qui étouffe l’économie réelle et donne lieu aux crises financières.

Référence : V.I. Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), dans Œuvres, vol. 22.




16. Formes antithétiques de l’unité sociale (FAUS).

Les FAUS sont des institutions et des procédures avec lesquelles la bourgeoisie cherche à faire front au caractère collectif désormais assumé par les forces productives, restant cependant sur le terrain de la propriété et de l’initiative individuelles des capitalistes et par conséquent en contradiction avec les rapports de production capitalistes. Ils sont des médiations entre le caractère collectif des forces productives et les rapports de production capitalistes qui survivent encore. Les banques centrales, l’argent fiduciaire, la négociation collective des rapports de travail salarié, la politique économique de l’Etat, les systèmes de prévoyance, etc. sont autant de FAUS.

Références : K. Marx, Principes d'une critique de l’économie politique (Grundrisse). Le chapitre de l’argent (1857-1858), dans Œuvres complètes, vol. 29.

Les Formes antithétiques de l’unité sociale, dans Rapporti Sociali n° 4 (1989) ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 0 (1989).


17. Plan du capital.

A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, plusieurs théoriciens et hommes politiques, bourgeois et révisionnistes, ont soutenu que désormais la bourgeoisie avait atteint la capacité de gouverner le mouvement économique de la société selon son propre plan. Quelques-uns ont soutenu que c’étaient les banques qui les gouvernaient, d’autres que c’était l’Etat. Toutes ces prétentions, se sont révélées être ou des illusions ou des imbroglios.

Référence : Don Quichotte et les moulins à vent. A propos du mot d’ordre “ lutte contre le plan de la bourgeoisie pour sortir de la crise ”, dans Rapporti Sociali n° 0 (1985) ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 0 (1989) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 1 (1992).


17bis. Giovanni Gentile (1875-1944), philosophe idéaliste renommé, fut ministre de l'Education dans le premier gouvernement Mussolini (1922-1924) et grande autorité du régime fasciste dans l'organisation de l'activité culturelle et des intellectuels. Il fut exécuté par les Partisans. Quand il était ministre, il a introduit une réforme du système scolaire italien, qui est restée jusqu'à la fin des années 60. Un des principes qui inspiraient la réforme était la nette distinction entre le système scolaire destiné à former les travailleurs à la discipline et aux connaissances nécessaires pour les travailleurs salariés, et le système scolaire destiné à former la classe dirigeante. Dans le premier l'enseignement de la religion catholique, jugé instrument indispensable pour éduquer à l'obéissance et à la soumission, avait un rôle central.


18. V.I. Lénine, L’opportunisme et la faillite de la IIe Internationale (1916), dans Œuvres, vol. 22.


19. J.V. Staline, Principes du léninisme (1924), chap. VIII, dans Œuvres de Staline, vol. 5.



20. Crise générale de surproduction absolue de capital.

Références : K. Marx, Le capital, livre 3, chap. XV.

La crise de surproduction absolue de capital est traitée dans divers articles de la revue Rapporti Sociali :

n° 0 (1985), La crise actuelle : crise de surproduction de capital ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 0 (1989) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 1 (1992).

n° 1 (1987), Krach boursier et capital financier ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 1 (1989).

n° 5/6 (1990), Encore sur la crise absolue de surproduction du capital ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 7/8 (1993) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 1 (1992).

n° 8 (1990), Marx et la crise de surproduction du capital.

n° 9/10 (1991), Sur la situation révolutionnaire en développement.

n° 12/13 (1992), La deuxième crise générale de surproduction absolue de capital.

n° 16 (1994-1995), La situation actuelle et nos tâches.

n° 17/18 (1996), Pour le débat sur la cause et la nature de la crise actuelle.

Tous ces articles sont réunis dans l'anthologie La seconde crise générale du capitalisme (en français), éd. Correspondances Révolutionnaires - Librairie Le Point du Jour (Paris).


21. La théorie de la situation révolutionnaire de longue durée est un des apports du maoïsme à la pensée communiste.

Référence : Sur la situation révolutionnaire en développement, dans Rapporti Sociali n° 9/10 (1991) ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 7/8 (1993) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 1 (1992).


22. Le mouvement de résistance des masses populaires à l’avancée de la crise de la société bourgeoise et les tâches des Forces subjectives de la révolution socialiste, dans Rapporti Sociali n° 12/13 (1992).



23. “ Le progrès révolutionnaire n’a pas marché avec ses tragi-comiques conquêtes immédiates, mais, au contraire, en faisant surgir une contre-révolution rigoureuse, puissante, en faisant surgir un adversaire : c’est seulement en combattant celui-ci que le parti de l’insurrection a atteint la maturité d’un vrai parti révolutionnaire. ”

K. Marx, Les luttes de classes en France de 1848 à 1850, (1850), dans Œuvres complètes, vol. 10.






24. Révolution de nouvelle démocratie.

Après que le capitalisme est entré dans sa phase impérialiste, la bourgeoisie est devenue incapable de diriger la révolution démocrate-bourgeoise qui se déroulait ou devait se dérouler dans les pays encore féodaux ou semi-féodaux. Cette révolution devait être dirigée par la classe ouvrière par l’intermédiaire de son parti communiste. Cette révolution est donc appelée révolution de nouvelle démocratie pour la distinguer de l’ancienne révolution démocrate-bourgeoise dirigée par la bourgeoisie. La théorie de la révolution de nouvelle démocratie est un des apports du maoïsme à la pensée communiste.

Référence : Mao Tsé-toung, Sur la nouvelle démocratie, dans Œuvres de Mao Tsé-toung,

Edizioni Rapporti Sociali, vol. 7.



25. CARC, Sur le maoïsme, troisième étape de la pensée communiste (1993).

L'expérience de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne est exposée dans les volumes 23, 24, 25 des Œuvres de Mao Tsé-toung.



26. Le mouvement de résistance des masses populaires à l'avancée de la crise de la société bourgeoise et les tâches des Forces subjectives de la révolution socialiste, dans Rapporti Sociali n° 12/13 (1992).

 


27. “ Paris ouvrier, avec sa Commune sera célébré éternellement, comme le héraut glorieux d'une nouvelle société. Ses martyrs ont pour urne le vaste cœur de la classe ouvrière. L'histoire a déjà cloué ses exterminateurs à ce pilori éternel, que toutes les prières de leurs prêtres ne réussiront pas à racheter ”.

K. Marx, La guerre civile en France (1871).


28. Sur la lutte des classes dans les pays socialistes, voir Œuvres de Mao Tsé-toung, vol. 23,24,25.

Sur l'expérience des pays socialistes, voir dans la revue Rapporti Sociali :

n° 5/6 (1990), L'effondrement du révisionnisme moderne et Pour le bilan de l'expérience des pays socialistes ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 3/4 (1991) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 1 (1992).

n° 7 (1990), Encore sur l'expérience des pays socialistes ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 3/4 (1991) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 1 (1992).

n° 8 (1990), La restauration du mode de production capitaliste en Union Soviétique ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 3/4 (1991).

n° 11 (1991), Sur l'expérience historique des pays socialistes ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 3/4 (1991) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 3 (1993).


29. K. Marx, Pour la critique du programme de Gotha (1875).


30. V.I. Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), dans Œuvres, vol 22.


31. K. Marx, Pour la critique du programme de Gotha (1875).


32. Nouvelle Politique Economique (NEP).

Politique économique pratiquée par l'Etat soviétique entre 1921 et 1929 qui consistait à laisser se développer l'économie marchande et l'économie capitaliste, dans les limites fixées par l'Etat soviétique, c'est-à-dire, laisser agir librement les travailleurs autonomes (en fait les paysans) et les capitalistes, entre les marges fixées par l'Etat prolétarien.

Références :

V.I. Lénine, L'impôt en nature (1921), dans Œuvres, vol. 32.

J.V. Staline, Une année d'un grand tournant (1929), dans Œuvres de Staline, vol. 12.


33. Rapports de production.

Les rapports de production comprennent trois aspects :

la propriété des moyens et des conditions de la production, des forces productives ;

les rapports entre les hommes dans le travail (dans le processus du travail) : travail manuel et travail intellectuel, travail d'exécution et travail de direction, ville et campagne, etc.;

la répartition du produit.

Références : V.I. Lénine, La grande initiative (1919), dans Œuvres, vol. 29.

Mao Tsé-toung, Notes de lecture du “ Manuel d'économie politique ” (1960), dans Œuvres de Mao Tsé-toung, vol. 18.


34. V.I. Lénine, L'Etat et la révolution (1917), dans Œuvres, vol 25.


35. “ Dans une phase plus élevée de la société communiste, après qu'a disparu la subordination d'asservissement des individus à la division du travail et donc également l'opposition entre travail intellectuel et travail manuel ; après que le travail est devenu non seulement un moyen de subsistance, mais également le besoin de la vie ; après qu'avec le développement complet des individus, les forces productives ont grandi elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective se réalisent pleinement, alors seulement, l'étroit horizon juridique bourgeois, pourra être dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux : “ De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ”.

K. Marx, Pour la critique du programme de Gotha (1875).


36. Chang Chun chiao, La dictature complète sur la bourgeoisie, dans Œuvres de Mao Tsé-toung, vol. 25.


37. “ Certains sont venus objecter que si on abolissait la propriété privée, toute activité cesserait et que ce serait le règne de la fainéantise universelle.

Si cela était, il y a beau temps que la société bourgeoise aurait succombé à la fainéantise, car ceux qui y travaillent ne profitent pas et ceux qui y profitent ne travaillent pas. Toute cette critique se ramène à une tautologie : là où il n'y a plus de capital, il n'y a plus de travail salarié ”.

K. Marx F. Engels, Manifeste du Parti communiste (1848), dans Œuvres complètes, vol. 6.

Voir le point 6 du chapitre V de ce Projet de Manifeste programme.


38. Le plan du capital.

Référence : Don Quichotte et les moulins à vent   A propos du mot d'ordre “ lutte contre le plan de la bourgeoisie, pour sortir de la crise ” dans Rapporti Sociali n° 0 (1985) ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 0 (1989) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 1 (1992).


39. L'impérialisme est une superstructure du capitalisme.

“ Il n'y a jamais eu d'impérialisme pur, sans base capitaliste, il n'y en a jamais eu, il n'y en a nulle part et il n'y en aura jamais. C'est généraliser de façon erronée tout ce qu'on a dit des consortiums, des cartels, des trusts, du capitalisme financier, quand on a représenté ce dernier comme une formation ne reposant sur aucun des fondements de l'ancien capitalisme. ... Si Marx disait de la manufacture qu'elle était une superstructure de la petite production de masse, l'impérialisme et le capitalisme financier sont des superstructures de l'ancien capitalisme.

Défendre le point de vue qu'il y a un impérialisme intégral sans ancien capitalisme, c'est prendre ses désirs pour des réalités ; ... L'impérialisme est une superstructure du capitalisme. Quand il s'écroule, le sommet s'effondre et les fondations sont mises à nu ”.

V.I. Lénine, Rapport sur le programme du parti (1919), dans Œuvres, vol. 29.


40. “ Operaïstes ”.

Courant culturel et politique né en Italie au début des années 60, du XXe siècle, qui a fait sienne la conception de l'Ecole de Francfort, en a fait la propagande et a tenté de la mettre en œuvre sur le terrain politique. Ses représentants mettaient au centre de leur démarche, le contenu du travail, la technique de production et les formes d'organisation du travail, au lieu des rapports de production pris dans leur ensemble. Un trait typique des ouvriéristes fut la thèse selon laquelle les conquêtes que les masses populaires ont arrachées à la bourgeoisie impérialiste, grâce au mouvement communiste, seraient en réalité d'astucieuses réformes conçues et mises en œuvre par la bourgeoisie, aux fins d' “ intégrer ” la classe ouvrière dans le système capitaliste et de créer ainsi un nouvel espace pour l'expansion du mode de production capitaliste. En fait, les ouvriéristes niaient la thèse marxiste selon laquelle le capital tend à augmenter la misère, l'oppression, l'asservissement, l'abrutissement et l'exploitation des masses populaires, tendance qui se traduit d'autant plus dans la réalité que la lutte de classe du prolétariat contre lui est faible. Les conceptions des ouvriéristes ont eu une large influence sur les groupes dirigeants de Potere Operaio, Lotta Continua et Autonomia Operaia. Les principaux représentants de l'ouvriérisme furent Renato Panzieri (avec la revue Quaderni rossi), Mario Tronti, Asor Rosa, Toni Negri.


41. École de Francfort.

Conception du monde élaborée par des intellectuels organisés par l'Institut des Sciences Sociales de Francfort, institution fondée dans les années 20, du XXe siècle, grâce à des fonds mis à disposition par certains groupes impérialistes allemands, dans le but de s'opposer à l'influence idéologique de l'Internationale Communiste. Les thèses principales de l'Ecole de Francfort sont les suivantes.

Les rapports de production capitalistes sont incorporés dans les forces productives : dans l'outillage, dans l'organisation du travail, dans les structures de production. Donc il n'existe pas de contradiction entre les forces productives collectives générées par le capitalisme et les rapports de production capitalistes, contradiction qui selon le marxisme, au contraire, est la contradiction fondamentale du capitalisme, qui en provoquera inévitablement la fin.

La bourgeoisie impérialiste est en mesure de gouverner les contradictions de la société bourgeoise et d'intégrer dans celle ci la classe ouvrière. Donc le capitalisme élabore son plan (le plan du capital) sur la base duquel il dirige toute la société.

Le capitalisme est un mode de production destructeur et pervertisseur ; son remplacement par le communisme est souhaitable et moralement nécessaire, mais ce n'est pas un processus historique objectif et inévitable qui fait grandir nécessairement dans la société les forces qui le mettent en œuvre.

Les promoteurs de la lutte pour substituer le communisme au capitalisme sont les intellectuels critiques et en général tous ceux qui sont en mesure de comprendre le caractère négatif du capitalisme (les critiques du capitalisme).

Les plus célèbres représentants de l'Ecole de Francfort ont été T.W. Adorno, M. Horkheimer, H. Marcuse, J. Pollock. Elle a eu une grande influence dans le monde universitaire européen et américain, dans la période du “ capitalisme à visage humain ” (1945-1975) et, avec le révisionnisme moderne, elle a contribué à rendre la vie difficile au mouvement communiste, au cours de la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Comme le révisionnisme moderne, l'Ecole de Francfort nie que le capitalisme produise inévitablement des crises et des guerres, nie le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière, nie que le bilan du mouvement communiste est pour l'essentiel positif. L'Ecole de Francfort a toujours prétendu être marxiste et ses représentants ont prétendu être des continuateurs critiques du marxisme.


42. Le mouvement de résistance des masses populaires à l'avancée de la crise de la société bourgeoise et les tâches des Forces subjectives de la révolution socialiste, dans Rapporti Sociali n° 12/13 (1992).


Chapitre II

Le rôle du parti communiste

2.1. Les leçons de l'histoire de la révolution prolétarienne

2.2. L'Etat de la bourgeoisie impérialiste et le parti communiste

2.3. Le parti national et la révolution mondiale


Le rôle du parti communiste

 

2.1. Les leçons de l'histoire de la révolution prolétarienne

 

Une situation révolutionnaire de longue durée se trouve devant nous et le communisme est notre futur. Le début de la transition du capitalisme au communisme, le premier pas dans le socialisme, c'est la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière, à l'issue d'un mouvement révolutionnaire : la révolution socialiste et la dictature du prolétariat sont inévitables.

Dans la société moderne créée par le capital, seules deux classes ont un rôle qui leur permet de prendre en mains les principales activités économiques et de les faire fonctionner : donc seules deux classes sont en mesure de gérer le processus de production et de reproduction des conditions matérielles d'existence :

— la bourgeoisie dans le cadre du rapport de capital sur la base de la propriété capitaliste des forces productives et des rapports marchands ;

— la classe ouvrière sur la base de la possession collective des forces productives par les travailleurs associés et d'une gestion unitaire et planifiée des principales activités économiques.

Par conséquent, dans la société moderne seuls sont économiquement possibles le pouvoir de la bourgeoisie impérialiste et celui de la classe ouvrière. Seules ces deux classes peuvent détenir le pouvoir politique. Dans la société moderne, sauf circonstances exceptionnelles et de brève durée, quelque forme d'Etat et de gouvernement que ce soit, quelque régime politique que ce soit ne peuvent se fonder que sur l'une de ces deux classes. Dans la société moderne, l'Etat est soit le monopole de la bourgeoisie impérialiste (donc dictature de la bourgeoisie), soit le monopole de la classe ouvrière (donc dictature de la classe ouvrière). Cela est également valable quelles que soient les formes d'organisation que se donne la classe dirigeante et les institutions à travers lesquelles elle élabore sa ligne de conduite, prend ses décisions et les met en pratique ; quelles que soient les formes que revêtent ses rapports avec les autres classes. Ces formes dépendent des situations concrètes. Bien entendu, celles de la bourgeoisie impérialiste, classe exploiteuse et réactionnaire, opposée à la très grande majorité de la population, sont profondément différentes de celles de la classe ouvrière, classe qui pour son émancipation doit lutter pour le communisme, pour mettre fin à la division en classes, pour l'extinction de l'Etat et pour l'auto-gouvernement des masses populaires organisées, c'est-à-dire pour un pouvoir public construit par les masses elles mêmes.

L'expérience des pays socialistes a démontré que le prolétariat doit maintenir sa propre dictature pour une durée indéterminée. L'affaiblissement de la dictature du prolétariat au nom de “ l'Etat du peuple tout entier ” a été l'une des lignes dont la bourgeoisie a profité pour saboter les pays socialistes jusqu'à leur chute. L'Etat de la dictature du prolétariat est la répression de la vieille bourgeoisie et de ses tentatives de restauration à l'intérieur et de l'extérieur ; c'est la lutte pour la mobilisation, l'organisation et la transformation massive des ouvriers en classe dirigeante ; c'est la lutte contre l'organisation en nouvelles classes dominantes des couches dirigeantes et privilégiées qui survivent pendant longtemps encore même sous le socialisme et qui pour des raisons objectives ne seront éliminées que graduellement. C'est la lutte pour la mobilisation et l'organisation de toutes les masses populaires afin qu'elles assument toujours plus la direction de leur propre vie et qu'elles deviennent protagonistes de la société socialiste ; c'est la lutte pour la transformation par étapes de toutes les formes de propriété privée des forces productives en propriété collective de l'ensemble des travailleurs ; c'est la lutte contre toutes les inégalités sociales, contre les privilèges matériels et culturels, contre les vieux rapports sociaux et les conceptions qui reflètent les vieux rapports de classe ; c'est le soutien aux forces révolutionnaires prolétariennes du monde entier ; c'est la lutte pour l'adaptation des rapports de production, du reste des rapports sociaux et des conceptions, au caractère collectif des forces productives et pour le développement de cette caractéristique pour les forces productives qui ne sont pas encore collectives. La dictature du prolétariat ne disparaîtra qu'avec la disparition de la division en classes et de l'Etat lui-même. Alors même le parti communiste disparaîtra.

La classe ouvrière est constituée par tous les travailleurs des unités de production capitalistes. Elle s'est formée du point de vue subjectif d'abord dans les luttes revendicatives, économiques et politiques, dans lesquelles elle s'est opposée à la bourgeoisie, puis dans la lutte pour le pouvoir. Elle complétera sa formation comme classe dirigeante dans l'exercice même du pouvoir.

L'expérience de toutes les révolutions prolétariennes (commencées en 1871 avec la Commune de Paris) nous enseigne qu'aucun mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière ne peut aller très loin, ni ne peut donc remporter la victoire, s'il n'est pas dirigé par un parti communiste. La classe ouvrière se constitue comme classe dirigeante en créant le parti communiste.

Le parti communiste :

— est la partie d'avant garde et organisée de la classe ouvrière, incarne la conscience de la classe ouvrière en lutte pour la conquête du pouvoir et est l'instrument avec lequel elle dirige le reste du prolétariat et des masses populaires ;

— est le parti de la classe ouvrière, dans le sens qu'il lutte pour instaurer le pouvoir de la classe ouvrière et pour le communisme ;

— est le détachement d'avant garde de la classe ouvrière dans le sens qu'il est la conscience de la classe ouvrière en lutte pour le pouvoir, il est l'interprète conscient d'un processus en grande partie spontané, connaît les lois de la révolution, faute de quoi il ne serait pas en mesure de diriger la lutte de la classe ouvrière ;

— est une partie de la classe ouvrière, dans le sens que dans le parti, il y a les meilleurs éléments de la classe ouvrière, les plus dévoués à la cause du communisme, les plus combatifs, les plus riches en expérience de luttes et en initiatives, les plus influents et disciplinés : dans le parti, il peut y avoir et en général il y a également des membres d'autres classes qui ont pris parti pour la cause du communisme, mais les ouvriers en sont la composante indispensable ;

— c'est le détachement organisé, dans le sens qu'il est un ensemble discipliné d'organisations qui sont toutes reliées à un centre dont elles suivent les directives avec une discipline absolue, à qui elles sont liées selon les principes du centralisme démocratique ;

— c'est la plus haute forme d'organisation de la classe ouvrière dans le sens qu'il organise et dirige toutes ses autres organisations et qu'il est l'instrument de sa direction sur le reste du prolétariat et des masses populaires, promoteur et dirigeant des organisations des masses les plus diverses qu'il recueille et guide vers l'objectif commun ;

— est l'instrument de la dictature de la classe ouvrière : d'abord pour instaurer la dictature de la classe ouvrière, puis pour la consolider et l'amplifier et faire en sorte qu'elle assure la transition vers le communisme.

Parmi ces caractéristiques du parti communiste, vu les traditions de notre pays, l'expérience du premier Parti communiste italien et la situation dans laquelle se forme le nouveau parti, nous devons mettre en avant le fait que le parti est la conscience de la classe ouvrière en lutte pour le pouvoir, l'interprète conscient d'un processus spontané.

Pour mener la révolution à la victoire, le parti communiste doit avoir assimilé le matérialisme dialectique comme conception du monde et comme méthode de pensée et d'action exprimé dans le marxisme léninisme maoïsme et savoir l'appliquer à l'examen réel de la situation concrète de la révolution socialiste dans notre pays, pour être en mesure d'élaborer la ligne générale, les lignes particulières et les mesures à adopter dans son activité. Le parti doit avoir une bonne compréhension du mouvement économique et politique de la société, des tendances objectives en action, des différentes classes qui la composent, des forces motrices de la transformation de la société, des résultats possibles dans les différentes étapes qui composent la transformation en cours. Le mouvement révolutionnaire, pour vaincre, doit être dirigé par un parti communiste qui applique de manière créatrice le bilan de l'expérience passée (le marxisme léninisme maoïsme) à l'expérience concrète du mouvement révolutionnaire de notre pays.

L'histoire du mouvement communiste de notre pays est riche en épisodes de luttes, dans lesquels les masses populaires et les militants ont fait preuve d'héroïsme et d'initiative révolutionnaire, mais n'ont pas remporté la victoire à cause de l'absence d'une direction basée sur une juste théorie de la révolution socialiste dans notre pays. C'est donc aujourd'hui une question de responsabilité, pour nous communistes, de nous occuper de tirer cette théorie de l'expérience. Si le parti a une ligne correcte, il conquerra tout ce qu'il n'a pas encore et surmontera toutes les difficultés. C'est seulement si le parti a une théorie révolutionnaire qu'il peut diriger un mouvement révolutionnaire qui est inévitablement en grande partie spontané, vu les conditions dans lesquelles l'actuelle classe dominante confine les masses populaires. Ce n'est qu'avec une juste direction du parti que le mouvement révolutionnaire pourra donc se développer et arriver à la victoire.

La révolution socialiste est faite par la classe ouvrière, par le prolétariat et par les masses populaires : le parti communiste est la direction, l'Etat major de cette lutte. C'est un parti de cadres qui dirige une lutte de masse, qui fait donc partie des masses et est profondément lié à celles ci afin d'être capable d'en comprendre les tendances et de développer celles qui sont positives.

Le parti conduit son œuvre d'agitation et de propagande ainsi que son travail d'organisation parmi les masses sur la base de sa ligne politique et oriente le mouvement des masses de manière à développer les forces de la révolution, les renforcer et les rassembler sous la direction de la classe ouvrière. Son objectif n'est pas de rechercher des approbations, ni de faire accepter ses propres conceptions aux masses, mais de diriger le mouvement des masses dans la lutte contre la bourgeoisie impérialiste pour l'instauration de la dictature de la classe ouvrière. Dans les luttes revendicatives des masses populaires, du prolétariat et de la classe ouvrière, le parti a constamment pour objectif de rassembler et accumuler les forces révolutionnaires. En défendant les conquêtes des masses, le parti prépare les conditions pour l'attaque.

Le parti fait de l'agitation parmi les masses, mais il se distingue nettement des aventuriers, des intrigants et des individus qui utilisent l'agitation des masses comme marchandise d'échange pour leur ascension dans les hiérarchies du régime : ils “ agitent les masses ” sans avoir la moindre idée où aller, sans se préoccuper d'assimiler l'expérience du passé, sans se poser le problème d'identifier et de résoudre les insuffisances qui ont fait que le prolétariat dans notre pays, pendant la période 1914 1945, n'a pas réussi à conquérir le pouvoir.

Aujourd'hui, ces agitateurs et profiteurs des luttes des masses se rejoignent avec ces vieux opportunistes qui, face à l'écroulement des révisionnistes modernes, se proposent comme “ conservateurs du communisme ” et dont le rôle réel est de paralyser dans le bourbier d'une politique stérile de résultats révolutionnaires, mais drapée de phraséologie communiste, les énergies que l'écroulement des organisations révisionnistes libère.

Le parti communiste se met à l'école des masses, il apprend à diriger la lutte que les masses mènent contre la bourgeoisie impérialiste dans le contexte de la seconde crise générale du capitalisme.

Le parti se met à l'école des masses, non comme les subjectivistes et les économistes dans le sens de se confondre avec elles ou “ d'agiter les masses ”, mais dans le sens d'apprendre à la lumière

— de l'expérience du premier “ assaut au ciel ” : la Révolution d'Octobre, la construction du socialisme, l'Internationale Communiste, la lutte contre le fascisme et la Résistance, les révolutions anti impérialistes, la Révolution Culturelle Prolétarienne ;

— de l'expérience négative des régimes des révisionnistes modernes : pour progresser, nous devons apprendre également en étudiant les erreurs que la bourgeoisie et ses porte parole au contraire cherchent à utiliser contre nous ;

— de l'expérience du mouvement de masse et révolutionnaire dans notre pays, de la lutte de la classe ouvrière et de la résistance que les masses populaires opposent à la progression de la crise générale du capitalisme.

 

Le parti va dégager de cette expérience une conception du monde, une théorie de la révolution, un programme, une ligne politique et une ligne organisationnelle sur la base desquelles il tisse au sein de la classe ouvrière, du prolétariat, des masses populaires et de la société tout entière, les rapports d'organisation, de direction et d'influence qui en dérivent. Pour un communiste, aujourd'hui, le nœud principal du problème, ce n'est pas dans quelle mesure les masses “ sont en agitation ”, parce que, vu la situation révolutionnaire qui se développe, les masses présentent et présenteront toujours plus un terrain favorable à l'action des communistes, mais dans quelle mesure le parti a appris à assumer les tâches qui le rendront capable de diriger le mouvement des masses jusqu'à la victoire de la révolution socialiste.(1)

Le rôle spécifique de l'initiative du parti dans chaque situation donnée consiste à réunir et à mobiliser les forces motrices d'une des solutions possibles en opposition aux autres. Mais c'est le mouvement économique de la société qui dans son déroulement engendre dans chaque situation concrète aussi bien les objectifs possibles de l'activité politique des communistes que les forces avec lesquelles poursuivre lesdits objectifs. Se procurer les conditions matérielles d'existence est la principale occupation et la force motrice de l'activité de l'immense majorité des hommes : l'ensemble des activités qui s'y rapportent est le cadre à l'intérieur duquel se déroule la vie de tous les individus et se joue le devenir de la société tout entière. Les tendances subjectivistes propres à l'aristocratie prolétarienne des pays impérialistes, laquelle amène au sein des masses l'influence de la bourgeoisie, ont souvent fait oublier, y compris aux communistes, ces thèses fondamentales de la conception matérialiste de l'histoire. La conséquence a été et est le pullulement de conceptions, de lignes et d'objectifs politiques arbitraires et donc perdants.

C'est le mouvement pratique, organisé et spontané des masses qui transforme la société. Une théorie ne devient une force capable de transformer la société que si elle s'incarne dans un mouvement pratique, comme orientation pour son action ; une théorie n'apparaît que comme synthèse de l'expérience d'un mouvement pratique. Le parti par conséquent reconnaît et affirme la primauté du mouvement pratique comme source de la connaissance, comme acteur de la transformation de la société et comme juge de dernière instance de la vérité, pour chaque théorie de la révolution. Le parti ne se présente pas devant les masses de manière doctrinaire en proclamant une nouvelle vérité qu'il demande d'accepter ni ne demande de s'unir à lui pour professer une nouvelle théorie. Le parti essaie de tirer de l'expérience commune du mouvement des masses le pourquoi des évènements qui la composent. Donc il ne dit jamais aux masses : arrêtez de lutter, ce que vous faites est inutile, vous devez d'abord vous former une conscience et vous donner une théorie. Au contraire, il essaie de comprendre quel est le vrai motif pour lequel les masses combattent, quelle est la réelle source de leur force et il essaie d'en tirer une ligne pour aller vers la victoire. Les masses doivent s'approprier et mettre en œuvre la ligne pour progresser vers la victoire.(2)

Mille initiatives, mille organismes et rapports organisationnels, mille luttes revendicatives, protestations, rébellions, révoltes, composent le mouvement pratique : le parti doit chercher à en comprendre les raisons fondamentales et d'ensemble, à acquérir cette conscience qui permet, à qui la fait sienne, de travailler de manière systématique pour les développer et les fortifier, pour les libérer des embûches et des limites qu'ils véhiculent du fait de l'influence du vieux monde, des rapports et de la culture de la classe dominante, à les unir en une force victorieuse, capable d'éliminer le vieux monde de la bourgeoisie et de commencer la construction du nouveau monde communiste. Donc cette conscience sur laquelle se base l'unité du parti, qui lui permet de diriger le mouvement des masses jusqu'à la victoire de la révolution socialiste.

Le parti doit être uni sur la ligne politique et sur la conception du monde et sur la méthode du prolétariat, le matérialisme dialectique, lesquels permettent d'élaborer la ligne juste de l'analyse de l'expérience de la lutte concrète qu'il dirige et de la situation concrète elle même.

Sur cette base, il crée et renforce ses propres liens avec les masses, il renforce sa propre organisation et raffermit sa propre unité.

L'unité du parti se consolide grâce à l'application rigoureuse du centralisme démocratique, à la vérification des idées à la lumière de la pratique, à l'unité avec les masses, à la pratique de la critique et de l'autocritique, à la formation des cadres, à la lutte entre les deux lignes, à l'épuration. Le parti communiste est certes le parti de la classe ouvrière, mais la bourgeoisie elle aussi y exerce son influence. La vie du parti est inévitablement influencée par les contradictions de classe (lutte entre les deux lignes), par les contradictions entre le nouveau et l'ancien, par la contradiction entre le vrai et le faux. Cela est un fait objectif : c'est seulement si nous le reconnaissons que nous pouvons le comprendre et y faire face efficacement.

La méthode principale qu'emploie le parti pour assumer son devoir de diriger la classe ouvrière, le reste du prolétariat et des masses populaires, c'est la ligne de masse.(3)

 

2.2. L'Etat de la bourgeoisie impérialiste et le parti communiste

 

Le parti doit combattre chez ses membres toute conception ou tendance à fonder son existence et son action sur les libertés (de pensée, de propagande, d'agitation, d'organisation, de manifestation, de réunion, de grève, de protestation, etc.) qui avec la victoire de la Résistance ont été en quelque mesure introduites dans notre pays, et qui survivent encore en partie à l'élimination des conquêtes arrachées par la classe ouvrière et les masses populaires de la part de la bourgeoisie impérialiste depuis le milieu des années 70. Dans le même temps, il doit aider les masses à tirer de manière correcte le bilan de l'expérience qu'elles font jour après jour des limites dans lesquelles la classe dominante a toujours confiné ces libertés et des restrictions qu'elle est en train d'imposer, du fait de la progression de la crise générale du capitalisme.

Avec le début de la phase impérialiste, la bourgeoisie a cessé de lutter pour la démocratie, fût elle bourgeoise, c'est-à-dire pour tous en paroles, mais limitée aux classes possédantes dans les faits. “ L'impérialisme tend à substituer la démocratie en général par l'oligarchie ”, “ l'impérialisme contredit .... la démocratie politique ”. “ L'impérialisme ne freine pas l'extension du capitalisme et le renforcement des tendances démocratiques au sein des masses, mais il accentue l'antagonisme entre ces aspirations démocratiques et les tendances antidémocratiques des monopoles ”.(4)

Toutes les fois que la classe ouvrière a basé sa lutte sur la démocratie bourgeoise, la bourgeoisie impérialiste lui a rappelé que le pouvoir lui appartenait, en recourant à des massacres et à des répressions massives, à des coups d'Etat, à des provocations et des scissions contre les organisations de la classe ouvrière et a imposé son pouvoir : de l'Espagne à l'Indonésie au Chili. Cela a confirmé ce qu'Engels indiquait en 1895 : la bourgeoisie face à la maturation politique de la classe ouvrière sera la première à violer sa propre légalité.(5) L'accumulation des forces révolutionnaires ne peut se faire dans le cadre des procédures et des libertés inscrites dans les constitutions de la bourgeoisie. Celles ci ne valent que dans la mesure où elles sont utiles à la bourgeoisie pour conserver son pouvoir. Ce ne sont pas des normes communes qui règlent la lutte de toutes les classes, mais des mesures destinées à garder soumises la classe ouvrière et les autres classes exploitées et opprimées. La bourgeoisie pouvait rester démocratique seulement tant que la classe ouvrière était encore loin de pouvoir exercer dans la pratique les droits qui lui étaient reconnus sur le papier. La réalité a démenti les illusions de ceux qui pensaient que l'époque où la bourgeoisie avait joué un rôle progressiste allait continuer, que le fascisme avait été une parenthèse ou une déviation dans le cours de la vie de la société bourgeoise, qu'après le fascisme la bourgeoisie pourrait retourner aux vieilles formes de pouvoir, à la démocratie bourgeoise. Les révisionnistes modernes du monde entier se sont faits les propagandistes de ces illusions et ont conduit les masses dans l'impasse du parlementarisme, de la participation, des réformes de structure et d'autres bavardages qui sont restés comme tels. Ces illusions ont pesé négativement sur la lutte de la classe ouvrière et sur la capacité de direction de son parti ; elles existent encore et continueront à exister encore pendant un certain temps. Seule l'expérience pratique les balaiera sur une grande échelle.

La progression de la crise générale du capitalisme contraint la bourgeoisie à accentuer le caractère répressif, militariste, secret, de son régime, dans ses rapports avec les masses populaires et dans ses rapports même entre les groupes impérialistes. La désinformation, la provocation, le contrôle, l'infiltration, l'intimidation, le chantage, l'élimination et la répression sont des moyens courants de lutte politique de la part de la classe dominante et le deviendront encore plus à l'avenir que pendant les cinquante dernières années.

Avec le début de l'époque impérialiste et encore plus avec la première crise générale du capitalisme, l'Etat de la bourgeoisie impérialiste est devenu un Etat policier et militariste, profondément réactionnaire. Il a cessé d'être l'Etat de la démocratie bourgeoise et est devenu l'Etat de la contre révolution préventive organisée, l'instrument pour la répression et la guerre de la bourgeoisie impérialiste, contre la classe ouvrière et les masses populaires.(6)

L'expérience de la première crise générale du capitalisme a démontré que la lutte entre la bourgeoisie impérialiste et les masses populaires, du fait de la progression de la crise, se transforme inévitablement en guerre civile ou en guerre entre Etats.

Partout où la classe ouvrière n'a pas su se porter à la tête de la mobilisation des masses populaires, la mobilisation de celles ci est devenue une mobilisation réactionnaire, la classe ouvrière a subi la guerre imposée par la bourgeoisie et toutes les masses populaires en ont payé les conséquences.(7)

Le parti doit se construire en tenant compte de ces aspects ainsi que de la faiblesse et de l'instabilité du régime de la bourgeoisie impérialiste, corrodé par l'opposition croissante des masses populaires, par le développement des contradictions entre les groupes impérialistes et par une croissante mobilisation révolutionnaire et réactionnaire des masses.

Sur la base de l'analyse de la situation concrète et des devoirs qu'il doit assumer, pour conduire la classe ouvrière à la conquête du pouvoir, le nouveau parti communiste définit sa nature et ses caractéristiques.

 

2.3. Le parti national et la révolution mondiale

 

Bien que les nations survivent encore et que de nombreux Etats existent toujours, le capitalisme a déjà unifié le monde entier sur le plan économique. Donc le socialisme peut s'affirmer définitivement, seulement comme système mondial. Le retour stable et à durée indéterminée à un monde morcelé en de multiples îlots autosuffisants est un objectif non seulement réactionnaire, mais irréalisable.

Les crises générales du capitalisme sont des crises mondiales et mondiale est aussi la situation révolutionnaire qui en dérive. Toutefois la révolution prolétarienne (révolution socialiste ou révolution de nouvelle démocratie) peut l'emporter dans certains pays et ne pas se développer ou être vaincue dans d'autres. Son succès dépend aussi de facteurs particuliers, spécifiques à chaque pays.

Le premier acte de la révolution socialiste est la destruction de l'Etat existant et la création d'un nouvel Etat. Dans chaque pays, la bourgeoisie impérialiste a aujourd'hui son Etat et c'est celui là que nous devons abattre.

Tout cela confirme aussi bien la nécessité de la formation de partis communistes spécifiques dans chaque pays que la nécessité de leur collaboration internationaliste. Là où il y a des pays plurinationaux, le parti communiste doit en outre et avec force promouvoir la lutte contre l'oppression nationale et le chauvinisme nationaliste, soutenir le droit de chaque nation à disposer d'elle même jusqu'à la sécession et unir les travailleurs et les masses populaires de toutes les nationalités dans la lutte commune contre la bourgeoisie impérialiste et son Etat. Pour vaincre leurs ennemis respectifs, les différents “ détachements nationaux ” de la classe ouvrière doivent apprendre les uns des autres, collaborer entre eux et se soutenir réciproquement. C'est ce que nous avons vu se réaliser pendant les cent cinquante ans du mouvement communiste, sous des formes plus ou moins développées, selon les différentes phases où l'on se trouvait : sous une forme organisée dans la Ligue des communistes (1847-1852), dans la Ie Internationale (1864-1876), dans la IIe Internationale (1889 1914), dans l'Internationale Communiste (1919 1943), dans le Kominform (1947 1956), de manière informelle au cours des autres périodes.

La bourgeoisie impérialiste réalise l'unité économique du monde dans le cadre du rapport de production capitaliste et de rapports bourgeois. Donc cette unité a la forme du marché mondial et de l'exportation de capitaux, de la concurrence, du développement inégal, de l'oppression et de l'exploitation des pays les plus faibles par les plus forts, de la formation d'une aristocratie ouvrière dans certains pays et de l'extermination de la classe ouvrière dans d'autres, du partage du monde entre quelques groupes impérialistes, de la domination des groupes impérialistes les plus faibles par les plus forts, de l'extermination des populations qui ne savent pas résister à l'envahissement des capitalistes, de la féroce domination impérialiste, des guerres mondiales, de la surpopulation mondiale qui condamne des populations entières à l'extinction, de la lutte entre nations pour la survie, “ l'espace vital ”, la “ place au soleil ”.(8)

En face, au fur et à mesure que la révolution prolétarienne avance, l'unité économique du monde trouve graduellement par bonds, avec des pas en avant et d'autres en arrière, sa forme adéquate aussi au niveau de la superstructure, dans la formation des partis communistes dans chaque pays, dans leur collaboration plus ou moins étroite et plus ou moins organisée, dans la création du camp socialiste.

La classe ouvrière de chaque pays apprend auprès de celle des autres pays et fait connaître son expérience à la classe ouvrière des autres pays, le développement de sa lutte dépend de la marche de l'économie mondiale, du système des relations internationales, etc. La classe dominante d'un pays collabore avec celles d'autres pays ou bien s'affronte avec elles. Il s'agit là de données qui font partie du caractère internationaliste du mouvement communiste d'un pays. Un caractère objectif, qui existe indépendamment du niveau de la compréhension qu'en a chaque mouvement communiste national et de l'activité responsable qu'il exerce dans ce domaine, à travers son parti communiste et ses organisations de masse. Le parti communiste doit avoir conscience de ce lien international, le développer et le mettre en avant.

Le parti communiste de chaque pays a le devoir de conduire avec succès la révolution dans son propre pays et ainsi de contribuer au succès de la révolution au niveau mondial.




1. Le mouvement de résistance des masses populaires à l'avancée de la crise de la société bourgeoise et les tâches des Forces subjectives de la révolution socialiste, dans Rapporti Sociali n° 12/13 (1992).


2. “ Nous n'affronterons pas le monde de manière doctrinaire, avec un nouveau principe : ceci est la vérité, à genoux ! A travers les principes du monde, nous illustrerons de nouveaux principes. Nous ne lui dirons pas : “ Abandonne ta lutte, c'est une bêtise ; nous te soufflerons le vrai mot d'ordre de la lutte ”. Nous lui montrerons uniquement la raison pour laquelle il combat, puisque la conscience est une chose qu'il doit s'approprier ”.

Lettre de K. Marx à Arnold Ruge (septembre 1843).


3. Ligne de masse

C'est la principale méthode de travail et de direction du parti communiste et c'est l'application de la théorie marxiste de la connaissance à l'activité politique. Elle consiste à repérer dans chaque situation les tendances positives et négatives existantes dans les masses et à intervenir pour soutenir les tendances positives et combattre les négatives ; à repérer dans chaque situation la gauche, le centre et la droite et à intervenir pour mobiliser et organiser la gauche pour qu'elle attire à elle le centre et isole la droite ; à recueillir les idées dispersées et confuses des masses, à les élaborer grâce au matérialisme dialectique et à la connaissance du mouvement économique de la société, à obtenir une analyse de la situation, à la traduire en lignes, critères, mesures et à les délivrer aux masses afin qu'elles se les approprient et les mettent en application. La théorie de la ligne de masse est l'un des apports du maoïsme à la pensée communiste.

Références : Ligne de masse et théorie marxiste de la connaissance, dans Rapporti Sociali n° 11 (1991) ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 7/8 (1993) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 2 (1992).

La ligne de masse, dans Rapporti Sociali n° 12/13 (1992) ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 7/8 (1993).

De nombreux écrits de Mao Tsé-toung relatifs à la ligne de masse se trouvent dans les volumes 8 et 9 de ses Œuvres (Editions Rapporti Sociali).

 

4. V.I. Lénine, Une caricature du marxisme et à propos de “ l'économisme impérialiste ” (1916), dans œuvres, vol. 23.

 

5. F. Engels, Introduction à “ Les luttes de classes en France de 1848 à 1850 ” (1895), dans Œuvres complètes, vol. 10.


6. Références :

Démocratie et socialisme, dans Rapporti Sociali n° 7 (1990) ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 3/4 (1991) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 2 (1992).

La situation révolutionnaire en développement, dans Rapporti Sociali n° 9/10 (1991) ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 7/8 (1993) ; édition en anglais : dans Social Relations n° 1 (1992).

 

7. Références :

Les contradictions entre Etats impérialistes dans le futur, dans Rapporti Sociali n° 4 (1989).


8. La bourgeoisie impérialiste a soumis et continue de soumettre à une exploitation particulièrement intense la population des pays semi coloniaux où la classe ouvrière a encore de faibles capacités pour s'organiser et contester par la lutte syndicale et politique l'appauvrissement croissant des travailleurs auquel mène le capitalisme. Dans certains pays semi coloniaux, le capitalisme provoque l'extinction de la classe ouvrière, en donnant des salaires systématiquement inférieurs à la valeur de la force de travail, c'est-à-dire à ce qui est nécessaire à sa reproduction (capitalisme “ vole et fuis ”) : la destruction des populations et des ressources naturelles sont le résultat du “ miracle économique ” de divers pays semi-coloniaux. Dans d'autres pays, la bourgeoisie impérialiste élimine directement la population pour s'emparer de la terre, des forêts ou des ressources du sous sol (Indios d'Amazonie, Ogons au Nigeria, etc.).





Chapitre III

Le mouvement communiste en Italie

3.1. Bilan de l'expérience de la lutte des classes en Italie

3.1.1. Les origines du mouvement communiste

3.1.2. Le premier parti communiste italien

3.1.3. Les premières tentatives pour reconstruire le parti communiste

3.1.4. La situation actuelle et la putréfaction du régime démocrate-chrétien

3.1.5. La reconstruction du parti communiste

3.2. Analyse de classe de la société italienne

3.2.1. Bourgeoisie impérialiste

3.2.2. Masses populaires

3.2.2.1. Prolétariat

3.2.2.2 Classes populaires non prolétaires

3.2.3. Conclusions de l'analyse de classe


Le mouvement communiste en Italie

3.1. Bilan de l'expérience de la lutte des classes en Italie

3. 1. 1. Les origines du mouvement communiste

 

Le mode de production capitaliste commença à s'affirmer en Italie à partir de la petite production marchande qui vivait dans l'environnement et aux marges du monde féodal. Déjà au XIe siècle, Amalfi et d'autres communes de la péninsule avaient développé, à un niveau relativement élevé, une économie capitaliste dont la forme principale du capital était le capital commercial. Le développement du mode de production capitaliste se poursuivit en différents endroits de la péninsule au cours des siècles suivants. Sur le terrain politique, ce développement du capitalisme est à l'origine des guerres qui firent rage en Italie du XIe au XVIe siècle ; sur le plan culturel, il est à la base de la remarquable culture de l'époque et de l'influence qu'eut l'Italie, pour la seconde fois de son histoire, en Europe et dans le monde. La raison première des luttes politiques et culturelles de cette période (du XIe au XVIe siècle) est la lutte entre le mode de production capitaliste naissant et le monde féodal, lequel, avec à sa tête la Papauté de Rome, opposait une résistance d'autant plus acharnée qu'il trouvait aide et soutien dans le reste de l'Europe qui était plus arriéré. C'est seulement à la lumière de cette lutte que les divers épisodes de la vie politique et culturelle de l'époque cessent de n'être qu'une succession et une combinaison d'évènements isolés et arbitraires et que l'on aperçoit le lien dialectique qui les unit.(1)

La lutte entre le mode de production capitaliste naissant et le vieux monde féodal connut un tournant au XVIe siècle lorsque le développement des rapports de production bourgeois fut arrêté par les forces féodales guidées par la Papauté (Contre Réforme). A la suite, pendant plusieurs siècles, le développement des forces productives fut lent, avec des périodes de stagnation et de recul et, dans certains cas, de type colonial. A partir de ce moment là, l'Italie subit aussi, et pendant longtemps, la domination étrangère, ouverte ou dissimulée, conséquence directe de l'affrontement non résolu entre une bourgeoisie qui n'avait pas la force de balayer le monde féodal et ce même monde féodal qui ne pouvait retourner au passé. C'est à partir de ce moment que commença la décadence de notre pays qui n'a jamais plus recouvré le rôle qu'il eut par deux fois dans l'histoire européenne et mondiale. Notre pays constitue donc un grand exemple historique qui montre que quand un pays a développé un mode de production supérieur, si la lutte entre les classes qui sont porteuses du vieux et du nouveau mode de production ne se conclut pas par une transformation révolutionnaire de la société, cette lutte se termine par leur ruine mutuelle.

L'unité et l'indépendance de notre pays n'ont été conquises qu'au cours du siècle dernier, entre 1848 et 1870, après plus de trois siècles de blocage du développement bourgeois, à la suite de la Révolution européenne de 1848 qui donna le départ à la marche vers l'unité de l'Italie et de l'Allemagne, les pays qui étaient le siège des deux institutions les plus typiques du monde féodal en Europe : la Papauté et le Saint Empire Romain Germanique. Pendant ce temps, le mode de production capitaliste s'était pleinement développé en Angleterre, en France et ailleurs ; il avait créé l'activité industrielle en tant que secteur économique autonome par rapport à l'agriculture et en avait fait le centre de la production et de la reproduction des conditions générales d'existence ; il avait également conquis dans une large mesure l'agriculture et commençait déjà à passer au stade impérialiste. Il était désormais trop tard pour que la révolution démocratico bourgeoise en Italie puisse se développer comme mobilisation de masse des paysans en vue de détruire les rapports féodaux. Mais il était encore trop tôt pour que la classe ouvrière puisse assumer le rôle dirigeant du mouvement de libération et d'unification nationales, dans une révolution de nouvelle démocratie. L'antagonisme de classe entre prolétariat et bourgeoisie était déjà trop avancé pour que la bourgeoisie osât mener jusqu'à son terme la révolution anti féodale, en mobilisant les paysans pour détruire les rapports féodaux et éliminer les formes de propriété féodales. Mais d'un autre côté, la classe ouvrière n'était pas encore suffisamment développée pour assumer le rôle dirigeant de la révolution. La classe ouvrière fut la force principale de la révolution du 18 mars 1848 à Milan, elle fit les barricades et paya de sa personne, mais ce fut la bourgeoisie qui recueillit les fruits de cette révolution. La bourgeoisie anglaise avait mis à mort son roi, Charles Ier, en 1649. La bourgeoisie française avait fait subir le même sort à son roi, Louis XVI, en 1793. La bourgeoisie italienne elle au contraire s'accorda avec les rois et se contenta d'un compromis avec les forces féodales qui subsistaient (la Papauté, l'église catholique, la monarchie, les grands propriétaires fonciers et les autres institutions survivantes du monde féodal, sectes, ordres, congrégations et sociétés secrètes) et de leur transformation par leur intégration progressive dans le monde capitaliste.

Cette révolution bourgeoise tronquée est la cause de la naissance de la “ question méridionale ” et des caractéristiques spécifiques de la bourgeoisie italienne. Les vieilles formes féodales, avec leurs particularités locales, ont été maintenues et absorbées dans la nouvelle société bourgeoise. Ceci a conservé aussi la diversité sociale des différentes régions, diversité qui a survécu malgré la grande migration qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. C'est là la raison pour laquelle les oppositions entre classes et entre secteurs productifs deviennent facilement des oppositions territoriales et mettent en péril l'unité de l'Etat (mouvements fédéralistes et sécessionnistes). La question de la grande industrie regarde principalement les régions de Lombardie, Piémont et Ligurie ; la question de la petite et moyenne entreprise principalement celles de Vénétie et d'Emilie-Romagne ; la question de la petite production avec sa multitude de petits patrons, de travailleurs indépendants et dépendants, de semi prolétariat et de la fonction publique concerne surtout les régions méridionales ; etc.(2)

Après l'unification du pays, la lutte de la classe ouvrière pour le socialisme s'est déroulée dans le cadre d'un pays impérialiste. Les étapes qui résument cette lutte ont été la fondation du Parti socialiste italien en 1891 et la fondation du premier Parti communiste italien en 1921.

La lutte des classes a été très aiguë dans notre pays, avec une grande participation des masses populaires. Lors de la première crise générale de surproduction de capital (1910-1945) et de la longue situation révolutionnaire qui s'ensuivit, il y eut d'abord un mouvement révolutionnaire diffus dans les masses, pendant et après la Première Guerre mondiale (les deux années rouges, 1919-1920). Mais celui ci manquait d'une direction, le PSI ne cherchant même pas à l'assumer. La bourgeoisie impérialiste en vint à bout en recourant elle-même à la mobilisation réactionnaire des masses et en créant, la première au monde, un régime fasciste.

Le fascisme, régime terroriste de la bourgeoisie impérialiste, a favorisé la mise en œuvre des tendances négatives de la bourgeoisie italienne, en niant ses conquêtes positives.

1. Le fascisme a donné (avec le Concordat et les Traités du Latran signés le 11 février 1929) une forme achevée au compromis avec la Papauté, en faisant du Vatican le groupe impérialiste le plus puissant d'Italie, un groupe qui n'est probablement inférieur à aucun des nombreux groupes politico-religieux financiers qui se sont constitués dans le monde dans la phase impérialiste du capitalisme. Il commença son existence, muni de la riche expérience en organisation et des relations diplomatiques héritées du vieil Etat pontifical, des donations financières et immobilières de l'Etat italien, des prérogatives que lui conférait l'indépendance de son Etat et des immunités, pour ses activités en Italie ; il était riche également de ses relations privilégiées avec une grande partie de la population italienne, solidement encadrée dans les structures des curies, des paroisses, des associations, des écoles, des hôpitaux et des œuvres pieuses, et de ses relations et ramifications internationales. En combinant la force financière et l'influence morale, le Vatican a depuis lors tenu solidement en main la bourgeoisie italienne, en la soutenant dans sa lutte contre la classe ouvrière, le prolétariat et les masses populaires. Depuis lors, le Vatican est devenu le centre d'un rassemblement de forces économiques, financières, politiques, culturelles et morales qui en ont fait le rempart le plus solide de toutes les forces réactionnaires et le chef de file de la réaction, de l'arriération, de l'exploitation, de la misère et de l'illégalité au pouvoir dans le pays ; un centre qui gouverne le pays sans avoir la responsabilité, l'impopularité et les autres inconvénients d'un groupe d'oppresseurs et d'exploiteurs qui gouverne directement. C'est pour cela que ceux qui veulent ouvrir une voie de progrès au pays doivent en Italie éliminer le Vatican.

2. Le fascisme a détruit l'œuvre accomplie par la bourgeoisie au cours du siècle précédent, pour la construction de son Etat et la conquête d'un rôle indépendant parmi les Etats bourgeois. Il a d'abord mené l'Italie à l'assujettissement envers l'Allemagne puis, au moment de sa chute, envers les Etats-Unis. Depuis lors, la bourgeoisie impérialiste italienne fait des affaires, en louvoyant dans les espaces libres laissés par les affrontements entre les groupes impérialistes des Etats-Unis et ceux des autres grandes puissances. En Italie, la liberté d'action des groupes impérialistes étrangers et de leurs réseaux respectifs de renseignement et d'action se combinent avec l'action autonome des groupes impérialistes italiens et avec celle des simples lambeaux de leur Etat. Vatican, Etats-Unis, groupes impérialistes italiens sont, dans l'ordre, les forces qui dirigent l'Etat italien.

En outre le fascisme a introduit une grande partie des innovations structurelles sur lesquelles a vécu également le régime démocrate-chrétien : banque centrale, industrie d'Etat, grands travaux publics, structures pour la recherche, consortiums agraires, organismes de prévoyance, etc. C'est-à-dire les innovations et les instruments qui concourent à la création d'un système de capitalisme monopoliste d'Etat.

 

3.1.2. Le premier parti communiste italien

 

Le Parti communiste italien, créé par l'Internationale Communiste, a eu en Antonio Gramsci (1881 1937) son premier et unique grand dirigeant qui a essayé d'en faire le parti révolutionnaire de la classe ouvrière. Dans la lutte contre le régime fasciste, que le PCI dirigea dans le cadre de l'Internationale Communiste, le parti permit aux masses populaires et à la classe ouvrière d'atteindre à un niveau de puissance qu'elles n'avaient jamais eu auparavant, niveau dont le point culminant fut la guerre partisane (Résistance) 1943 1945.(3) Toutefois le PCI ne réussit pas à développer réellement une ligne spécifique pour la révolution socialiste dans notre pays et échoua donc dans la tentative d'amener la classe ouvrière au pouvoir. Pourquoi ?

A partir de sa fondation, le parti recueillit en son sein la partie la plus avancée de la classe ouvrière italienne. Il ne réussit cependant pas sa bolchévisation, en tant que transformation d'un parti, qui réunissait déjà la meilleure partie de la classe ouvrière en un parti révolutionnaire. En quoi consiste le caractère révolutionnaire du parti communiste ? Avant tout, dans la théorie révolutionnaire qui le guide, c'est-à-dire dans la conception matérialiste dialectique du monde et dans la méthode matérialiste dialectique de connaissance et d'action, de ses membres et de ses organisations ; en second lieu, dans son statut d'état major de la classe ouvrière qui organise ses activités, définit ses organisations et leur fonctionnement, la sélection, la formation et les relations de ses membres et de ses dirigeants, en fonction de l'objectif de la conquête du pouvoir par la classe ouvrière.

L'objectif de bolchéviser le parti avait été clairement posé par l'Internationale Communiste dès les années 20 ; le PCI lui même avait déclaré que se bolchéviser était une tâche essentielle du parti.(4)

Les Thèses de Lyon du Parti communiste italien avaient clairement indiqué “ qu'il n'existe pas en Italie de possibilité de révolution qui ne soit la révolution socialiste ”.(5) Mais dans la pratique le parti ne réussit pas à combiner la lutte pour la révolution socialiste et celle contre le fascisme et tomba dans la déviation de droite qui consistait à se poser en tant qu'aile gauche de la coalition de toutes les forces unies en vue d'abattre le fascisme.(6)

Les limites du Parti communiste italien dans sa compréhension des lois de la révolution socialiste en Italie se manifestèrent à plusieurs occasions : lorsqu'il fut surpris par le virage répressif du régime fasciste en 1926 (emprisonnement de la direction du parti) ; lorsqu'il fut surpris par les évènements des 25 juillet et 8 septembre 1943 ; (6b) dans le fait de ne s'être pas réellement préparé à la guerre qui pourtant était la suite logique de la mobilisation réactionnaire des masses et de la crise générale ; dans le fait qu'il conduisit la guerre partisane plus comme une campagne militaire que comme instrument pour la création d'un nouveau pouvoir populaire.

A cause des limites et des erreurs de son parti, la classe ouvrière ne conquit pas le pouvoir, quoique la bourgeoisie se fût mise avec le fascisme dans une situation très difficile qui lui ôta, depuis lors, toute velléité d'indépendance politique. Le pouvoir resta dans les mains de la bourgeoisie impérialiste qui créa son régime politique s'appuyant sur le Vatican et l'église catholique, le tout sous la supervision des Etats-Unis : le régime de la Démocratie Chrétienne qui a gouverné le pays depuis ce moment là et qui le gouverne encore aujourd'hui.

Ce régime se consolida grâce à la longue période (1945 1975) de reprise et de développement de l'accumulation de capital et d'expansion de l'appareil productif qu'eut le capitalisme dans le monde. Les masses populaires et la classe ouvrière réussirent au cours de ces années à arracher, avec des luttes purement revendicatives, de grandes améliorations sur le terrain économique, politique et culturel. Le PCI devint l'interprète organique de cette phase de rapport de la classe ouvrière et des masses populaires de notre pays avec la bourgeoisie impérialiste.

De ce fait, au cours de ces années, le PCI fut à la fois le parti de la classe ouvrière italienne, dans le sens où pratiquement tous les ouvriers actifs dans l'organisation de leur propre classe faisaient partie du PCI, et l'un des partis du courant révisionniste moderne, dirigé par le PCUS. La période 1945 1975 fut, dans notre pays aussi, la période du “ capitalisme à visage humain ” qui était d'autant plus développé qu'en Italie le mouvement communiste avait été fort : ce qui confirme que les réformes sont le sous produit, le legs des révolutions manquées.

Au VIIIe congrès (décembre 1956), la droite du PCI, sous le couvert du succès remporté par le groupe révisionniste de Khrouchtchev au XXe congrès du Parti communiste de l'Union Soviétique (février 1956), liquida ce qui restait des bases du programme communiste. Jusque-là, la déviation de droite, selon laquelle le parti communiste était l'aile gauche d'un rassemblement progressiste dirigé par la bourgeoisie qui luttait pour moderniser le pays, éliminer les vestiges féodaux et étendre aux masses les droits démocratiques, s'était présentée à l'intérieur du parti comme une ligne tactique, provisoire, à adopter en attendant de meilleurs jours. A partir de ce moment là, elle fut intronisée comme ligne stratégique, en parfaite concordance avec la conception révisionniste moderne selon laquelle le degré de puissance atteint par la classe ouvrière rendait désormais inutile la révolution socialiste, et possible un passage graduel et pacifique au socialisme. La voie pacifique, démocratique, parlementaire au socialisme, en s'appuyant sur des réformes de structure et sur l'élargissement continuel des droits démocratiques des masses, fut proclamée voie italienne vers le socialisme et même proposée au plan international comme modèle (eurocommunisme).


3.1.3. Les premières tentatives pour reconstruire le parti communiste

 

Dans notre pays, la lutte contre le révisionnisme moderne reprit et la lutte contre la déviation de droite qui avait accompagné toute la vie du parti continua. Après le VIIIe congrès, cette lutte spontanée, instinctive et généralisée reprit de la vigueur. Elle connut un saut de qualité dans la deuxième moitié des années 60, dans le cadre de la lutte lancée au niveau international, par le Parti du travail d'Albanie et surtout par le Parti communiste chinois.(7) C'est alors que naquit le Mouvement marxiste léniniste, puis, en 1966, le Parti communiste d'Italie (Nouvelle Unité) qui fut dissous au début des années 90 pour confluer dans Rifondazione comunista. La raison de la faiblesse du Parti communiste d'Italie et de tout le mouvement marxiste léniniste fut la même qui avait conduit la gauche du PCI à la défaite face à la droite : l'insuffisante autonomie idéologique et théorique par rapport à la bourgeoisie et l'absence de stratégie pour la conquête du pouvoir qui en découlait. Le mouvement marxiste léniniste fut, d'une certaine manière, constamment emprunt de dogmatisme : la preuve en est qu'il ne reconnut jamais qu'il existe une troisième étape supérieure de la pensée communiste, le maoïsme, et qu'il ne comprit jamais les erreurs et les limites de la gauche du PCI. D'autre part, ce même mouvement marxiste léniniste se confondit avec les différentes déviations de “ gauche ” (bordiguistes, anarcho syndicalistes, etc.) qui étaient une vieille maladie du mouvement communiste italien, auxquelles le PCI n'avait jamais réellement réglé leur compte.

A la fin des années 60 et au début des années 70, en Italie comme dans d'autres pays, il y eut une grande période de luttes (68 et l'Automne chaud). La lutte pour les réformes à l'intérieur du capitalisme atteignit en même temps son point le plus élevé et ses limites : pour aller plus loin, elle devait se transformer en lutte pour la conquête du pouvoir et l'instauration du socialisme. La lutte contre le révisionnisme moderne connut un grand développement sur le terrain politique dans les années 70, lorsque les luttes revendicatives de la classe ouvrière et des masses populaires générèrent un mouvement de lutte armée, personnifié principalement par les Brigades rouges. Il recueillait et donnait une expression politique à la nécessité de conquérir le pouvoir et de transformer la société, sentiment que les luttes revendicatives elles-mêmes insufflaient dans la classe ouvrière et les masses populaires. D'où le soutien, l'adhésion et la faveur des masses populaires envers les Brigades rouges, comme en témoignent leur enracinement dans des entreprises importantes (FIAT, Alfa Roméo, etc.), mais plus encore les mesures que la bourgeoisie dut adopter pour contrecarrer leur influence et les isoler des masses.

Avec leur initiative pratique, les Brigades rouges rompirent avec la conception de la forme de la révolution socialiste qui avait prédominé dans les partis communistes des pays impérialistes, au cours de la longue situation révolutionnaire 1910 1945. A la différence du Parti communiste d'Italie (Nouvelle Unité), les Brigades rouges commencèrent à tirer les leçons des erreurs et des limites qui avaient empêché les partis communistes des pays impérialistes de porter victorieusement à son terme la situation révolutionnaire générée par la première crise générale du capitalisme. D'où, la richesse des enseignements que l'on peut tirer de leur activité politique.

Elles ne réussirent toutefois pas à se libérer de l'influence de la culture bourgeoise de gauche (en particulier, dans la version que l'Ecole de Francfort en avait donné) que le révisionnisme moderne avait fait considérer comme culture courante et à peu près incontestée. En conséquence :

elles ne réussirent pas à corriger les erreurs d'analyse de la période, erreurs qui trouvaient leur origine dans cette culture. En ce qui concerne les rapports entre les masses populaires et la bourgeoisie impérialiste, elles prirent la phase culminante de la lutte des masses pour arracher des conquêtes dans le cadre de la société bourgeoise pour le début de la révolution. En ce qui concerne les rapports entre groupes et Etats impérialistes, elles prirent l'atténuation des contradictions, conséquence de la période 1945 1975 de reprise et de développement du capitalisme, pour la disparition définitive de leur antagonisme.

elles ne réussirent pas à s'approprier correctement la méthode de la ligne de masse, pour rester à l'avant garde du mouvement des masses dans la nouvelle phase que celui ci abordait à la suite du début de la nouvelle crise générale, vers la moitié des années 70.

A la suite de ces erreurs, leur lien avec les masses cessa de se fortifier, commença même à s'affaiblir et les Brigades rouges se répandirent en imprécations contre l'arriération des masses, favorisant ainsi l'attaque de la bourgeoisie dont la tactique consistait principalement à exploiter leurs erreurs et leurs limites pour les isoler des masses. C'est à cause de ces avancées non réalisées, de cette autocritique non effectuée que leur lien avec les masses populaires, au lieu de se développer, s'affaiblit et les Brigades rouges furent écrasées par l'offensive de la bourgeoisie, à laquelle les révisionnistes modernes participèrent comme à une action vitale pour eux.(8)

Le Parti communiste d'Italie et les Brigades rouges constituent les deux plus importantes tentatives de reconstruction du parti communiste. Les deux ont tenté de donner une réponse à cette nécessité de la classe ouvrière et des masses populaires de notre pays. Mais, ni l'un ni l'autre n'ont atteint leur objectif. Pour recueillir ce qu'ils ont produit de positif et tirer les enseignements de leur expérience, il est indispensable de comprendre la raison de leur échec. L'histoire du mouvement communiste est riche de victoires et de défaites. Les unes et les autres nous montrent que la contradiction entre théorie et pratique se manifeste dans les contradictions entre théorie révolutionnaire et construction de l'organisation révolutionnaire, entre parti révolutionnaire et direction du mouvement des masses et dans d'autres encore. Quel est le juste rapport entre les deux termes de chacune de ces contradictions ? L'histoire du mouvement communiste nous enseigne :

1. l'unité des deux termes : l'un ne peut avancer dans son développement au delà d'un certain point que si l'autre se développe, lui aussi, dans la mesure appropriée ;

2. que dans la lutte de la classe ouvrière pour le pouvoir, en général la priorité revient au premier terme bien qu'en absolu, c'est-à-dire en considérant les choses de manière plus large, la priorité revient au second. En fait en termes généraux la théorie du mouvement communiste est le reflet dans notre intellect, l'élaboration de l'expérience pratique de la lutte de la classe ouvrière et des masses populaires. Marx et Engels ont produit une théorie révolutionnaire et, grâce à celle ci, le mouvement communiste a créé les Internationales et les partis, socialistes d'abord, communistes ensuite. Lénine a résumé la lutte qu'il conduisit au cours des premières années du XXe siècle, en disant : “ Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire ”. En 1940, Mao Tsé-toung a fait le bilan de la révolution chinoise en disant : “ Pendant presque vingt ans, nous avons fait la révolution sans avoir une conception claire et juste de la révolution, nous agissions de manière aveugle : c'est de là que sont venues nos défaites ”.

Dans chaque organisme et dans chaque parti communiste, la gauche reflète la position de la classe ouvrière et la droite celle de la bourgeoisie. La bourgeoisie est au pouvoir depuis des siècles et a beaucoup hérité des précédentes classes exploiteuses. La classe ouvrière ne lutte pour le pouvoir que depuis cent cinquante ans et ne l'a exercé que pour de brèves périodes et seulement dans des pays où le capitalisme était relativement peu développé. Donc, de nos jours, la bourgeoisie a encore une expérience de pouvoir incomparablement plus vaste que la classe ouvrière. Sur le terrain de la superstructure, la bourgeoisie a un système complet de conceptions, de lignes et de méthodes ; sa conception du monde s'est affermie en habitudes et en préjugés, elle a acquis la force, l'évidence et la facilité du lieu commun. Il s'ensuit qu'au sein des partis communistes la droite a la vie plus facile que la gauche. La droite s'appuie sur ce qui existe déjà, c'est évident, c'est facile, c'est habituel, “ on a toujours fait ainsi ”, “ tout le monde pense de la sorte ”. La gauche doit élaborer, découvrir, s'avancer dans l'inconnu, risquer de commettre des erreurs et corriger la direction jusqu'à trouver la voie qui mène à la victoire. La droite n'a pas besoin d'une théorie révolutionnaire ; la gauche ne peut pas progresser sans une théorie révolutionnaire et doit la créer. La droite peut se prévaloir des erreurs de la gauche et de la confusion de la contradiction entre théorie et pratique, avec les contradictions entre théorie juste et théorie fausse, entre neuf et vieux. La droite fait obstacle à la création d'une théorie révolutionnaire, la gauche la met en avant et sans une théorie révolutionnaire elle ne peut diriger. Les erreurs du parti, dans la compréhension de la situation, aident la droite, sont nuisibles à la gauche.

La gauche du PCI ne réussit pas à élaborer une théorie de la révolution socialiste dans notre pays, au cours de la première crise générale du capitalisme, bien que le parti se proposât de guider la révolution socialiste.(9) C'est pour cela que la droite réussit à prévaloir dans le parti. Mao nous a appris que si un parti n'applique pas une ligne juste, il en applique une erronée, que s'il n'applique pas une politique consciemment, il en applique une aveuglément.

Le Parti communiste d'Italie et les Brigades rouges ne comprirent pas que pour aller de l'avant, il fallait faire un bilan de l'expérience de la première vague de la révolution prolétarienne et de la construction du socialisme qui avait atteint son degré le plus haut avec le maoïsme ; ils ne comprirent pas que le révisionnisme moderne n'était pas seulement le reniement de la révolution comme moyen pour instaurer le socialisme, mais il concernait toute la conception du monde et la méthode de direction et de travail des communistes ; enfin, ils ne comprirent pas que le capitalisme, dans notre pays également, arrivait au point le plus avancé d'une période de développement et que la seconde crise générale du capitalisme s'annonçait à peine. Pour ces raisons, leurs tentatives pour reconstruire le parti communiste échouèrent.

 

3.1.4. La situation actuelle et la putréfaction du régime démocrate-chrétien

 

Ce fut seulement au cours des années 70 que le système capitaliste mondial passa de la période de reprise et de développement de l'accumulation du capital, qui débuta après la fin de la Seconde Guerre mondiale, à la seconde crise générale de surproduction absolue de capital. Dans notre pays également, cela empêcha la classe ouvrière et les masses populaires de continuer à arracher, grâce à des luttes revendicatives, des conquêtes progressives durables et à grande échelle. L'accord patronat-syndicats pour le point unique de contingence (1975), qui augmenta les salaires les plus faibles et diminua les différences salariales, fut la dernière conquête de la série de celles qui avaient ponctué le capitalisme à visage humain. La classe dominante commença à effacer graduellement, une à une, les conquêtes qui avaient été arrachées auparavant. Cette évolution s'est poursuivie jusqu'en 1992. Depuis lors, avec la crise du régime démocrate-chrétien et le début de la phase de sa putréfaction, ce processus d'élimination s'est considérablement accéléré.

En conséquence, commença également la crise irréversible des révisionnistes modernes : la nouvelle phase du mouvement économique de la société ne permettait plus de combiner sujétion politique à la bourgeoisie impérialiste et améliorations économiques pour les masses. Le PCI fut dissous en 1991. Contrairement à ce que proclament les nostalgiques de la pratique révisionniste qui habillait la collaboration avec la bourgeoisie de principes sacrés et d'une phraséologie communiste (de Cossutta à Rossanda, d'Ingrao à Bertinotti), Occhetto, qui a dissous le PCI en 1991, fut l'exécuteur testamentaire de la faillite du projet de conciliation entre les classes et de subordination de la classe ouvrière à la bourgeoisie impérialiste, mené d'abord par Togliatti et ensuite par Longo et Berlinguer.

Au cours de ses cinquante années de vie, le régime démocrate-chrétien a développé une particularité de la société italienne. Celle ci consiste en ce fait. En Italie, les caractéristiques modernes et d'avant garde de la bourgeoisie impérialiste se sont vigoureusement développées : il s'agit des activités (financières et politiques) qui se déroulent en dehors et contre la loi en vigueur, de la violence d'Etat et privée, des complots et des intrigues devenus des instruments courants de l'activité économique, commerciale et financière des groupes impérialistes. Ceci est arrivé dans chaque pays impérialiste (et de là, ces activités sont exportées dans les pays dépendants). La particularité italienne est que chez nous ces activités modernes et d'avant-garde se sont combinées avec les vieilles sociétés secrètes, avec les vieilles associations criminelles, avec les sectes, avec les églises, avec les ordres religieux et de chevalerie, en particulier avec les organisations de l'église catholique (congrégations ecclésiastiques et laïques, couvents, diocèses, paroisses, œuvres pieuses, confréries et la plus importante la Papauté, transformée en Vatican par le Concordat concédé par le fascisme en 1929 et renouvelé par le gouvernement Craxi en 1984). La synthèse de cette particularité est l'existence d'un gouvernement de fait, le Vatican, qui ne coïncide pas avec le gouvernement officiel.

Tous ces héritages de la vieille société féodale avaient survécu jusqu'au début du siècle dernier. La bourgeoisie qui imposa son pouvoir au cours des guerres napoléoniennes, puis du Risorgimento, les conserva et les associa au nouveau régime. Tant que la nouvelle classe conserva une certaine force (c'est-à-dire tant que la classe ouvrière resta relativement faible), ils eurent un rôle politique limité. A partir du début du siècle, ils devinrent de plus en plus actifs, prirent de nouvelles formes et se renforcèrent (régime de Giolitti, Pacte Gentiloni) au fur et à mesure que la classe ouvrière devenait plus forte. La bourgeoisie impérialiste les fit collaborer avec les autorités officielles et avec l'administration publique, afin de maintenir l'ordre et de gérer la société. Ils se combinèrent donc avec les associations privées et secrètes de la bourgeoisie même.(9b)

Le fascisme fut la dernière tentative de la bourgeoisie d'absorber dans l'administration publique et de gérer dans le cadre d'un régime public, nécessairement terroriste et hors légalité, les différentes formes et les divers aspects de la répression (de la bienfaisance à l'intimidation et à l'élimination des communistes et d'autres opposants). Le fascisme se conclut catastrophiquement pour la bourgeoisie qui l'avait installé, en faisant faillite de la manière la plus éclatante qui soit, avec pour résultats une classe ouvrière forte, son Etat et ses forces armées dissous, le pays occupé. Elle ne se sauva que grâce aux limites du PCI, à l'occupation américaine et au Vatican.

Le caractère moderne du régime démocrate-chrétien consista en ceci : la bourgeoisie prit acte qu'il est impossible de mener la répression de la classe ouvrière et des masses populaires dans le cadre de l'administration publique et d'une activité codifiée en lois et développa sur une grande échelle les formes les plus diverses de répression illégale : privées et criminelles, visibles et occultes. Le régime démocrate-chrétien combina magistralement, avec l'appui déterminant des révisionnistes modernes, la création de syndicats jaunes avec le squadrisme fasciste et avec l'intimidation et le guet apens mafieux. En cela, elle eut comme professeur la bourgeoisie impérialiste des Etats-Unis. Les vieilles associations féodales (si l'on n'en cite qu'une, la Mafia sicilienne) se développèrent vigoureusement et prirent des formes très modernes, devinrent les habits actuels, d'avant garde de la bourgeoisie impérialiste, dans sa marche triomphale vers le gouffre. Liggio alla à l'école d'Agnelli, le dépassa et créa la nouvelle multinationale financière, mondiale et globale. Après le fascisme, l'Italie fit cadeau au monde entier d'un autre nom : Mafia.(9c)

Le régime démocrate-chrétien a montré sur une grande échelle quelle est la capacité de destruction physique et morale atteinte par le capitalisme, sur les hommes et sur l'environnement, sur le patrimoine artistique et sur l'héritage historique. La période de grand développement économique mondial qui a coïncidé avec la première phase du régime (1945 1975) a pleinement démontré ce caractère. La ruine matérielle et morale provoquée par cinquante ans de régime démocrate-chrétien n'a pas de précédent dans l'histoire moderne italienne.

Le régime démocrate-chrétien est entré en crise quand, à cause de la crise générale, il devint impossible pour la bourgeoisie impérialiste de continuer à répondre aux aspirations des masses, quand celles ci s'exprimaient avec force, par la politique du clientélisme et par l'utilisation de l'administration publique et du secteur économique d'Etat et public en général. Il est entré en crise quand l'IRI ne fut plus en mesure, à cause de la crise générale, d'absorber et de maintenir en vie les entreprises privées en faillite et ferma elle aussi les siennes.(9d) A cette cause s'ajouta un autre élément : à cause de la crise générale, les oppositions entre les groupes de la bourgeoisie impérialiste, italiens et étrangers, s'intensifièrent lorsque les groupes impérialistes allemands lancèrent à nouveau, sur une grande échelle, leur offensive pour se créer un “ espace vital ” en Europe, pour s'en servir dans la compétition internationale. L'Union européenne est en effet la tentative des groupes impérialistes allemands de coaliser sous leur direction tous les capitalistes européens et leurs pays respectifs, en vue d'une nouvelle répartition du monde, contre la domination des groupes impérialistes des Etats-Unis et pour mieux assurer le maintien de la domination de la bourgeoisie impérialiste sur les masses populaires européennes, malgré le développement de la crise générale.

Le régime démocrate-chrétien est en crise, mais la bourgeoisie impérialiste n'a pas de régime de rechange. D'où la lente et douloureuse putréfaction du régime démocrate-chrétien qui, comme un cadavre, empeste le pays depuis 1992.

Le régime démocrate-chrétien avait jusqu'en 1992 proclamé qu'il était en mesure de résoudre le problème du travail et, en général, de la vie des masses. Dans cette optique, il avait accepté “ le défi du communisme ”, du moins celui mis en avant par les révisionnistes modernes. Le renoncement pratiqué et déclaré, par l'administration publique, à partir de 1992, à assurer un travail à tous et à résoudre les problèmes de subsistance des masses populaires, est la déclaration de la faillite de la bourgeoisie impérialiste face à l'impasse dans laquelle elle a conduit le pays : la nouvelle crise générale. C'est l'équivalent de la fuite du roi en 1943 face à l'impasse dans laquelle il s'était fourvoyé avec le fascisme.

L'abdication déclarée de l'administration publique de la bourgeoisie impérialiste, de son Etat, “ à créer du travail ” et en général à résoudre les problèmes de la vie des masses, à peine masquée par la réintroduction de la trop célèbre “ liste des pauvres ” à qui elle promet quelque aumône, est d'autant plus grave

parce qu'elle se produit dans un contexte économique où il est impossible que l'écrasante majorité de la population puisse résoudre individuellement ces problèmes. Le caractère collectif atteint par les forces productives ôte, aujourd'hui encore plus qu'il y a cinquante ans, la possibilité aux simples individus de résoudre sur un plan individuel les problèmes qu'ils rencontrent. La bourgeoisie qui rejette, en tant qu'assistanat, la charge de s'occuper avec les pouvoirs publics de la solution des problèmes de la vie des masses, les condamne à mort en les désignant comme étant de trop, parce que l'initiative privée des capitalistes n'y pourvoit pas à cause de la crise générale ;

parce que cette abdication survient alors que, dans toute l'Europe, la bourgeoisie impérialiste adopte la même attitude, contrainte qu'elle est par la concurrence avec les groupes impérialistes des Etats-Unis qui, dans la lutte engendrée par la crise générale, en plus de bouleverser la société américaine elle même, jettent tout le poids de l'hégémonie mondiale dont ils ont hérité. Ils jettent tout le poids de leur rôle de fournisseurs de monnaie fiduciaire pour le monde entier, tout le poids du réseau de leurs intérêts qui, comme une pieuvre, écrase et vide presque tous les pays, bien que, dans ce dessein, ils doivent ressortir toujours plus souvent la politique de la canonnière qui marqua la fin de l'empire britannique.

 

3.1.5. La reconstruction du parti communiste

 

La classe ouvrière avec son nouveau parti communiste relève le défi : les masses populaires peuvent trouver leur voie et résoudre tous les problèmes de leur vie et progresser bien au-delà ; la classe ouvrière peut les diriger dans cette entreprise, de manière à ce que, par leur expérience pratique, elles apprennent à s'organiser et à résoudre leurs problèmes immédiats et à prendre en main leur vie. L'obstacle principal à ce que les masses puissent résoudre leurs problèmes est justement la direction exercée par la bourgeoisie impérialiste. Éliminer celle ci et instaurer la direction de la classe ouvrière est la tâche historique qui se pose au parti communiste, pour les prochaines années.

La crise politique et culturelle de la bourgeoisie impérialiste pousse les masses à la mobilisation. La défense des conquêtes arrachées au cours des trente années de capitalisme à visage humain, et la révolte contre le régime actuel jusqu'à son élimination, sont les deux composantes (défense et attaque) de la résistance des masses à l'avancée de la crise.

L'administration publique de la bourgeoisie impérialiste se retire, renonce à la tâche de créer du travail et en général de pourvoir à la solution des problèmes de la vie des masses populaires. Contre ce repli de la bourgeoisie impérialiste dicté par la crise générale (les déséquilibres financiers entre les parties qui la composent, la concurrence et la lutte au couteau entre groupes impérialistes, etc.), le parti communiste doit guider la mobilisation des masses dans tous les domaines, à tous niveaux et par tous les moyens.

Le parti doit diriger et susciter la mobilisation des masses pour défendre toutes les conquêtes que la bourgeoisie impérialiste tente d'éliminer ; il doit appuyer tous les groupes (grands ou petits) de travailleurs qui défendent une conquête (quelle qu'elle soit) contre la bourgeoisie impérialiste qui veut l'éliminer : les droits de grève, le poste de travail, la sécurité sur le lieu de travail, les retraites,  la sauvegarde de l'environnement, le logement, l'instruction, la santé, les services. Dans les luttes de défense, les masses apprennent par expérience directe que chaque sacrifice que la bourgeoisie réussit à imposer en appelle d'autres ; que pour vaincre il faut élargir la lutte et la transformer en un problème d'ordre public, en un problème politique ; que les difficultés que l'on rencontre dans sa propre entreprise, dans sa propre institution, ne peuvent être résolues qu'au niveau politique ; que la propriété et l'initiative privées sur lesquelles se fonde le capitalisme sont en contradiction avec la réalité et jettent les masses dans des difficultés inextricables et les soumettent à des souffrances croissantes.

Le parti doit diriger et promouvoir la mobilisation des masses en vue de pourvoir directement à la solution des problèmes de leur vie, à se rassembler et à construire leurs propres institutions et à les défendre, à développer la production en vue de satisfaire leurs besoins, à imprimer également un virage révolutionnaire aux initiatives appelées, de nos jours, du “ tiers secteur ”,(9e) au “ no profit ”, au bénévolat, aux Centres sociaux, etc., en contrant les tendances bourgeoises à en faire des ghettos, à en faire des entreprises pour exploiter le travail précaire, sous payé et au noir, à en faire un instrument pour la corruption et la formation de nouveaux dirigeants bourgeois, à en faire une soupape de défoulement du désespoir.

Le parti doit diriger et promouvoir la mobilisation des masses pour prendre et se faire donner par la bourgeoisie impérialiste les ressources nécessaires à la solution des problèmes qu'elles rencontrent dans leur vie (argent, bâtiments, moyens de production, moyens de transport, etc.), ressources que la bourgeoisie impérialiste gâche sur une grande échelle.

Le parti doit tirer et généraliser les enseignements des luttes de défense, apprendre et généraliser les lois selon lesquelles elles se déroulent. Une victoire sur une grande échelle et durable est impossible, vu la crise, mais dans chaque cas particulier il est possible de gagner, d'empêcher, de retarder ou réduire l'attaque de la bourgeoisie impérialiste. Dans chaque lutte, le parti doit favoriser l'organisation des masses, reconnaître la gauche, la renforcer et l'organiser afin qu'elle apprenne à conquérir le centre et à isoler la droite.

Tout cela est étroitement lié à la lutte pour le pouvoir. Seule la lutte pour le pouvoir peut conférer continuité, apporter l'expansion et assurer le succès à cette lutte des masses populaires pour la défense de ses conquêtes et pour la survie, pour mettre fin à la mise sur la touche, par la bourgeoisie impérialiste, d'une partie de plus en plus importante des masses, pour développer leurs forces et satisfaire leurs besoins.

Dans chaque lutte de défense, le parti doit rassembler les forces en vue de l'attaque. Si l'on ne développe pas l'attaque, il est impossible de développer la défense sur une grande échelle et augmenter les possibilités de victoire. Lorsque d'attaque est absente, la défense, elle aussi, est freinée.

Rassembler les forces pour l'attaque signifie comprendre et faire apparaître les raisons des victoires comme des défaites, généraliser les méthodes qui mènent à la victoire et combattre celles qui mènent aux défaites, élever par tous les moyens la combativité des masses et leur confiance en elles mêmes, guider la partie la plus combative en vue de réaliser une plus grande mobilisation des autres, recruter pour les organisations de masse et pour le parti, renforcer l'organisation du parti, favoriser le rassemblement et l'organisation des masses, les réunir en un front dirigé par le parti et employer les forces disponibles aux tâches tactiques de l'attaque, pour acquérir de l'expérience et développer une ligne victorieuse de rassemblement et d'accumulation des forces révolutionnaires.

Tous ceux qui sont disposés à lutter contre le régime actuel doivent trouver dans le parti communiste la direction la plus sûre et la plus avisée, quelles que soient les raisons déclarées de leur lutte. La classe ouvrière doit devenir le centre de la mobilisation des masses, le guide de leur résistance aux effets de la crise générale du capitalisme.(10)

Le nouveau parti communiste reprend dans ses mains la thèse énoncée par le premier parti communiste lors de son congrès de Lyon (janvier 1926) : l'Italie est un pays impérialiste et il n'existe aucune possibilité d'une révolution autre que la révolution socialiste. Il n'y a pas d'autre voie pour avancer pour la classe ouvrière, pour le prolétariat, pour les masses populaires que la révolution socialiste.

Les révisionnistes modernes, de Togliatti à Berlinguer, avaient déclaré que la révolution socialiste n'était plus nécessaire à la classe ouvrière et aux masses populaires de notre pays, que les masses populaires de notre pays pouvaient résoudre leurs principaux problèmes en arrachant réforme sur réforme jusqu'à réussir à créer une société socialiste, que le système capitaliste n'aboutissait plus à des crises et à des guerres. La réalité a démontré que leurs thèses ne tiennent pas debout, qu'elles n'ont servi qu'à désagréger et corrompre le vieux parti et à l'amener à la dissolution.

Les conquêtes que les masses populaires ont arrachées avec leur sueur et leur sang au cours de la période 1945 1975 et que les révisionnistes avaient promis d'accroître jusqu'à parvenir à créer une société socialiste sont éliminées sous nos yeux ; les crimes de la bourgeoisie impérialiste se multiplient contre les masses populaires de notre pays, contre les travailleurs immigrés, contre les pays semi coloniaux et contre les pays socialistes : de la Somalie à l'Albanie. Seule l'élimination de la bourgeoisie impérialiste permettra aux masses populaires d'employer leur énergie à satisfaire leurs besoins et à résoudre leurs problèmes. Seule la classe ouvrière peut éliminer la bourgeoisie impérialiste du pouvoir et prendre la direction des masses populaires et de la société tout entière et les conduire pour la réalisation de leurs objectifs.

La ligne générale du nouveau parti communiste italien est donc :

S'unir étroitement et sans réserves à la résistance que les masses opposent et opposeront à l'avancée de la crise générale du capitalisme, comprendre et appliquer les lois selon lesquelles cette résistance se développe, l'appuyer, la promouvoir, l'organiser et faire prévaloir en son sein la direction de la classe ouvrière, jusqu'à la transformer en lutte pour le socialisme, en adoptant, comme méthode principale de travail et de direction, la ligne de masse.

Le devoir principal et de longue haleine du nouveau parti est de trouver, dans l'analyse concrète des rapports économiques, politiques et culturels de notre pays et de ses liens internationaux, la voie pour le rassemblement et l'accumulation des forces révolutionnaires.

La pratique de la ligne générale du parti, l'analyse de l'expérience faite en partant de la conception matérialiste dialectique du monde et par la méthode du matérialisme dialectique (marxisme   léninisme   maoïsme), permettront au parti de découvrir la voie pour être en mesure de rassembler et accumuler les forces révolutionnaires, jusqu'à ce que le rapport de force entre bourgeoisie impérialiste et classe ouvrière soit inversé et que la classe ouvrière puisse prendre le pouvoir (voie de la révolution socialiste dans notre pays).

 

3.2. Analyse de classe de la société italienne

 

Sur le terrain économique, la crise générale en cours divise et divisera toujours plus la population en deux camps nettement distincts et opposés :

d'une part, ceux qui n'arrivent à vivre que s'ils arrivent à travailler : ceux là constituent le camp des masses populaires ;

de l'autre, le camp de la bourgeoisie impérialiste, constitué par ceux qui jouissent de tous les avantages sans travailler ou qui, s'ils travaillent, ne le font pas pour vivre mais pour augmenter leur richesse.(11)

Le travail mené par le parti pour rassembler et accumuler les forces révolutionnaires a pour objectif de faire coïncider le plus possible l'opposition sur le terrain politique avec l'opposition créée par la crise générale sur le terrain économique. Plus l'affrontement politique s'écarte de l'affrontement économique, plus “ la politique est sale ”, parce que la tromperie, la corruption, l'intimidation, le chantage, l'abrutissement, la fatigue, l'ignorance, la routine, l'inertie, l'isolement, le clientélisme, la dépendance des gens et le préjudice ont un rôle plus important dans la vie politique. Quand l'affrontement politique recouvre pratiquement l'affrontement économique, la lutte politique est le reflet de la lutte entre intérêts vraiment opposés que le déroulement de la crise générale rend antagonistes et c'est la fin de “ la désaffection des masses pour la politique ” ; celles ci jettent alors d'autant plus généreusement leur énergie dans la lutte politique.(12)

La classe ouvrière offre à tous ceux qui appartiennent au camp des masses populaires une solution de vie et de travail, l'unique pour certains et la meilleure pour les autres, adaptée aux conditions concrètes de la société moderne, correspondant aux possibilités créées par les forces productives du moment, lorsqu'elles sont employées au bien être matériel et spirituel de tous et dans le cadre d'un système social où le “ libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ”.

Quelle est la consistance des deux camps et quels sont les rapports à l'intérieur de chacun d'eux ?

 

3.2.1. Bourgeoisie impérialiste

 

Le capital financier unifie d'une certaine manière tous les riches, même si cela ne va pas jusqu'au point que, pour les objectifs de la lutte, le parti ne doive pas distinguer entre eux des strates et des catégories : entrepreneurs, dirigeants d'entreprise, financiers, rentiers (gens qui vivent de rentes), grands fonctionnaires, etc.

Les hauts fonctionnaires et dirigeants de l'administration publique ou d'entreprise privée, les grands professionnels, les artistes qui ont du succès, les administrateurs de patrimoines ou d'organismes d'une certaine importance, les prélats de haut rang, les hommes politiques célèbres, s'ils ne possèdent pas déjà un patrimoine personnel par héritage ou par leur niveau social, se le construisent en peu de temps et entrent dans la catégorie des rentiers ou dans celle des capitalistes et des financiers de divers secteurs de l'économie capitaliste (sociétés financières, banques, assurances, industrie, commerce, agriculture, services, etc.).(13)

Sans commettre de grandes erreurs nous pouvons dire qu'appartient à ce camp tout individu propriétaire d'un patrimoine productif qui n'est pas inférieur à 1 million €, sur lequel donc il perçoit ou peut percevoir 50.000 € de revenu annuel net ou bien qui exerce des tâches et des activités qui lui procurent des revenus annuels nets qui ne sont pas inférieurs à 50.000 € ou qui arrive à cette somme en combinant revenu du travail et revenu du capital.

Notre pays est un pays impérialiste et, qui plus est, centre du groupe impérialiste du Vatican et de l'église catholique avec ses congrégations et ses ordres. Un peu plus de 10 % de la population appartient à ce camp, en comptant également les familles des titulaires du patrimoine ou de l'activité, donc environ 6 millions de personnes.

Cela, pour des raisons objectives, c'est le camp des ennemis de la révolution socialiste. Bien entendu il peut y avoir des cas d'individus qui “ trahissent ” leur propre classe et qui passent du côté des masses populaires.

 

3.2.2. Masses populaires

 

Dans les pays impérialistes, tout patrimoine, toute entreprise et toute activité peuvent être transformées en patrimoine financier qui produit une rente. Donc les masses populaires comprennent l’ensemble de la population sauf la bourgeoise impérialiste. Les masses populaires son cette partie de la population qui doit travailler pour vivre, qui donc vit, au moins en partie, grâce à son propre travail et ne peut vivre seulement de l'exploitation du travail des autres. Les masses populaires sont le camp le plus vaste sur lequel la classe ouvrière peut aspirer à étendre sa direction, au fur et à mesure du déroulement de la crise générale, bien que ce camp comprenne des classes qui sont actuellement ennemies de la classe ouvrière.

En comptant également les retraités, les invalides et les autres membres des familles, globalement, en Italie, les masses populaires comprennent 51 millions de personnes.(14)

 

3.2.2.1. Prolétariat

 

Travailleurs dont le revenu vient, au moins pour la partie principale, de la vente de leur force de travail. En Italie, ils sont environ 15 millions. Avec le reste de leurs familles et les retraités, cela fait 36 millions.

 

1. Classe ouvrière

Les prolétaires embauchés par les capitalistes pour valoriser leur capital en produisant des marchandises (biens ou services).

Il faut que celui qui les embauche soit un capitaliste (de l'industrie, de l'agriculture, des services, de la banque, des finances, etc.) et qu'il le fasse non pas pour qu'ils prêtent leurs services à des institutions ou à des organismes “ sans but lucratif ”, mais pour qu'ils travaillent dans une entreprise dont le but principal est la valorisation du capital.

Parmi les ouvriers, il existe des divisions objectives politiquement importantes, comme travailleur sans qualification et travailleur qualifié, ouvrier et employé, la possession de revenus autres que ceux du travail, la dimension de l'entreprise, le secteur auquel appartient l'entreprise, ouvriers des villes et ouvriers des zones rurales, sexe, nationalité, etc.

Ne sont pas des ouvriers, ces employés qui travaillent dans des entreprises capitalistes, dont le travail est, au moins pour une partie importante, un travail de direction, d'organisation, de préparation et de contrôle du travail d'autrui, pour le compte du capitaliste (pour donner un indice sommaire et approximatif mais simple, nous pouvons considérer qu'appartiennent à cette catégorie tous les subordonnés qui reçoivent des salaires ou des appointements annuels nets supérieurs à 25.000 €). Les ouvriers, ainsi répertoriés, en Italie sont environ 7 millions (dont presque un million travaillent dans des grandes entreprises, de plus de 500 personnes). En comptant leurs familles et les retraités, cela fait 17 millions.

Cela, c'est la classe ouvrière qui dirigera la révolution socialiste. Le parti communiste est son parti.

 

2. Autres classes prolétaires

Les membres des classes indiquées ci dessous sont les alliés les plus proches et les plus solidaires de la classe ouvrière. Au cours de leur vie, beaucoup de travailleurs passent de l'une de ces classes à la classe ouvrière et vice versa. Cela renforce les liens de ces classes avec la classe ouvrière (et apporte dans la classe ouvrière les qualités et les défauts de ces classes).

En Italie, ils sont environ 8 millions. En comptant leurs familles et les retraités, cela fait 19 millions. Ils se divisent dans les trois grandes classes suivantes :

les salariés (on en exclut les dirigeants) de l'administration publique centrale et locale et des organismes qui dépendent de l'Etat ;

les travailleurs employés dans des entreprises non capitalistes (entreprises familiales, d'artisanat et d'autres que les propriétaires créent et gèrent non pour valoriser un capital, mais pour en obtenir un revenu) ;

les travailleurs qui sont attachés aux services personnels (serveurs, chauffeurs, jardiniers, etc.).

 

3.2.2.2. Classes populaires non prolétaires

 

La crise générale pose et posera toujours plus à ces classes la question suivante : accepter la direction de la classe ouvrière ou rejoindre la mobilisation réactionnaire ? Ce sont des classes plutôt diverses entre elles et hétérogènes à l'intérieur d'elles mêmes, ayant des liens avec le prolétariat et avec la bourgeoisie impérialiste. Quelle attitude pratique auront elles dans le futur affrontement ? Cela sera décidé principalement par la lutte politique entre classe ouvrière et bourgeoisie impérialiste. Ce sont des classes qui tendent à suivre le plus fort. Ce qui est sûr, dès maintenant, c'est qu'elles ne pourront pas continuer à vivre dans le futur comme par le passé.

En Italie, elles représentent environ 6 millions de personnes. En comptant leurs familles et les retraités, cela fait 15 millions. Elles comprennent les sept classes suivantes :

les travailleurs indépendants qui n'utilisent pas, habituellement, le travail d'autrui ;

les propriétaires d'entreprise individuelle ou familiale dont le revenu provient en grande partie de leur propre travail et seulement pour une faible partie de l'exploitation du travail d'autrui ;

les petits professionnels, les membres de coopératives de production et d'entreprises proches ;

les travailleurs dépendants qui dans les entreprises font un travail de cadres de niveau inférieur et qui donc participent, en partie, aux tâches du capitaliste (indice approximatif : revenu annuel net compris entre 25.000 et 50.000 €) ;

les épargnants et les petits propriétaires (avec des revenus, autres que ceux du travail, inférieurs à 25.000 € nets par an) ;

les personnes qui, entre revenus du travail et revenus du capital, encaissent entre 25.000 et 50.000 € nets par an ;

les personnes qui “ arrivent à joindre les deux bouts en quelque sorte ” (sous prolétaires, illégaux, prostituées, etc.).

 

3.2.3. Conclusions de l'analyse de classe

 

Cette analyse de classe est approximative, non seulement dans les chiffres (les statistiques de l'Etat ne permettent pas de faire beaucoup plus), mais également pour ce qui concerne les catégories. Le travail d'enquête du parti permettra de vérifier, d'affiner, de corriger cette analyse.

Parmi ses critères de travail, le parti compte également celui qui consiste à définir, constamment et à chaque fois, de la meilleure façon possible, la classe d'origine de chacun de ses membres et la classe à laquelle appartient chaque membre d'une organisation de masse, chaque collaborateur, les groupes dans lesquels il effectue son travail. Cette pratique aidera à la fois à mieux réaliser le travail spécifique, à la fois à compléter et à améliorer l'analyse de classe, sur laquelle se base tout le travail du parti et à mieux comprendre le lien entre la condition objective de classe et l'organisation politique et les lois selon lesquelles la première se transforme en la seconde.




1. “ L'histoire de toute société jusqu'à nos jours, est l'histoire de la lutte des classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot, oppresseurs et opprimés se sont trouvés en constante opposition ; ils ont mené une lutte sans répit, tantôt déguisée, tantôt ouverte, qui chaque fois finissait soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la ruine des diverses classes en lutte ”.

K. Marx F. Engels, Manifeste du Parti communiste (1848), chap. I, dans Œuvres complètes, vol. 6.


2. “ Les rapports entre industrie et agriculture ... ont en Italie, une base territoriale. Au Nord ce sont la production et la population industrielles qui prévalent, au Sud et dans les îles, ce sont la production et les populations agricoles. En conséquence, tous les contrastes, inhérents à la structure sociale du pays, renferment en eux un élément qui touche à l'unité de l'Etat et la met en péril ”.

Thèses de Lyon (1926), chap. IV, thèse 8.


3. CARC, Le niveau le plus élevé jamais atteint dans notre pays par la classe ouvrière dans sa lutte pour le pouvoir (1995) ; édition en français (1998).


4. “ La transformation des partis communistes, au sein desquels se retrouve l'avant garde de la classe ouvrière, en partis bolcheviques, doit être considérée comme la tâche fondamentale de l'Internationale Communiste ”.

Thèses de Lyon (1926), chap. IV, thèse 1.


5. “ Le capitalisme est l'élément prédominant dans la société italienne et la principale force qui en détermine le développement. Cette donnée fondamentale implique qu'il n'existe en Italie aucune possibilité d'une révolution autre que la révolution socialiste ”.

Thèses de Lyon (1926), chap. IV, thèse 4.


6. “ Bien que le parti prenne naissance d'une lutte contre les dégénérescences de droite et centristes dans le mouvement ouvrier, le danger de déviations de droite est présent au sein du Parti communiste d'Italie. ...Le danger de la naissance d'une tendance de droite est lié à la situation générale du pays. La pression que le fascisme exerce tend à créer l'opinion que, étant donné que le prolétariat ne peut pas renverser rapidement le régime, la meilleure tactique serait celle qui, si elle ne conduit pas à un vrai bloc bourgeoisie prolétariat pour l'élimination constitutionnelle du fascisme, débouche quand même sur la passivité de l'avant garde révolutionnaire, sur une non-intervention du parti communiste dans la lutte politique immédiate, dans le but de permettre à la bourgeoisie de se servir du prolétariat comme masse de manœuvre électorale contre le fascisme. Ce programme prévoit que le parti communiste doit être “ l'aile gauche ” d'une opposition constituée par toutes les forces qui opèrent en vue d'abattre le régime fasciste. Cette tendance est l'expression d'un profond pessimisme envers les capacités révolutionnaires des travailleurs ”.

Thèses de Lyon (1926), chap. IV, thèse 26.


6b. En Novembre 1926 avec un coup de main le gouvernement fasciste et la monarchie ont dissous et mis hors la loi toutes les organisations politiques mal vues parle régime fasciste et ils ont fait arrêter tous les dirigeants du parti communiste sur lesquels ils ont pu mettre la main. Parmi les arrêtés, il y avait trois des cinq membres de l'Office Politique, dix des vingt et un membres du Comité Central présents en Italie et douze des quinze députés du parti au Parlement. Parmi eux, ils ont arrêté Antonio Gramsci qui, bien que secrétaire national du parti, était député et suivait avec assiduité les travaux parlementaires.

A l'été 1943, le régime fasciste était désormais à l'agonie et la guerre était perdue. La bourgeoisie italienne décida de sauver tout ce qui était possible en abandonnant Mussolini et le parti fasciste. Le 25 juillet, le roi démissionna le chef de gouvernement et fit arrêter Benito Mussolini, il confia la formation d'un nouveau gouvernement au général Pietro Badoglio.

Le gouvernement Badoglio conclut en secret (8 septembre 1943) un armistice avec les Anglo-Américains et s'enfuit de Rome avec le roi en abandonnant, sans laisser d'ordres précis, les forces armées et l'administration publique, il se réfugia en Italie du Sud déjà occupée par les Anglo-Américains. Les troupes nazies occupèrent le reste d'Italie et les fascistes constituèrent un Etat à eux (la République de Salo). Dans l'Italie occupée par les nazis, à partir de ce moment se développa la Résistance contre les fascistes et les nazis.


7. “ Bien qu'à notre avis la ligne actuelle du Parti communiste italien sur la question de la révolution socialiste soit erronée, nous n'avons jamais essayé de nous immiscer, car naturellement il s'agit d'un problème sur lequel seuls les camarades italiens doivent décider. Mais à présent le camarade Togliatti proclame que cette théorie des “ réformes de structure ” est une “ ligne commune à tout le mouvement communiste international ” et déclare unilatéralement que la transition pacifique est “ devenue un principe de la stratégie mondiale du mouvement ouvrier et du mouvement communiste ”.

Cette question concerne non seulement la théorie marxiste léniniste fondamentale de la révolution prolétarienne et de la dictature du prolétariat, mais également le problème essentiel de l'émancipation du prolétariat et du peuple dans tous les pays capitalistes. Alors, en tant que membres du mouvement communiste international et en tant que marxistes léninistes, nous ne pouvons pas ne pas exprimer notre opinion à ce sujet ”.

Les divergences entre le camarade Togliatti et nous (1962), dans Œuvres de Mao Tsé-toung, vol. 19.

A nouveau sur les divergences entre le camarade Togliatti et nous (1963), dans Œuvres de Mao Tsé-toung, vol. 19.


8. CARC, F. Engels / 10, 100, 1000 CARC pour la reconstruction du parti communiste (1994).


9. “ Le capitalisme est l'élément prédominant dans la société italienne et la principale force qui en détermine le développement. Cette donnée fondamentale implique qu'il n'existe en Italie aucune possibilité d'une révolution autre que la révolution socialiste ”.

Thèses de Lyon (1926), chap. IV, thèse 4.


9b. Giovanni Giolitti (1842-1928) domina la vie politique italienne de 1892 à 1922. Il essaya de donner au gouvernement un grand consensus électoral en sollicitant l'appui des socialistes réformistes et des cléricaux. Il acheva sa carrière en favorisant la montée du fascisme.

G. Giolitti en 1913 conclut un accord avec le Vatican, qui était représenté par le comte Vincenzo Ottorino Gentiloni (1865-1916), président de l'Union électorale catholique : en échange de divers privilèges, le Vatican garantit l'appui électoral des catholiques aux candidats du gouvernement aux élections en 1913 (Pacte Gentiloni).


9c. Luciano Liggio fut le chef de la Mafia sicilienne dans les années 60, la période où elle se transforma d'organisation criminelle limitée à la Sicile occidentale en une holding financière, d'abord nationale puis internationale. La famille Agnelli est depuis le début du XXe siècle la plus puissante famille italienne d'industriels et financiers, propriétaire du groupe FIAT.


9d. IRI, Institut pour la Reconstruction Industrielle. Institution d'Etat fondée par le régime fasciste en 1933 pour financer des entreprises industrielles en faillite. Le régime démocrate-chrétien l'a reçu en héritage et l'a beaucoup développé. Dans les années 60 l'IRI devint le plus grand monopole financier italien. Il fut dissous dans les années 90 à travers la privatisation des sociétés qui faisaient partie du groupe.


9e. Le “ tiers secteur ” comprend les activités économiques qui ne sont pas gérées ni par l'administration publique ni par des entreprises privées, mais elles sont gérées par des associations sans but lucratif.


10. “ La révolution en Europe ne peut être autre chose que l'explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement — sans cette participation, la lutte de masse n'est pas possible, aucune révolution n'est possible — et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais, objectivement, ils s'attaqueront au capital, et l'avant garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d'une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l'unir et l'orienter, conquérir le pouvoir, s'emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes) et réaliser d'autres mesures dictatoriales, dont l'ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme, laquelle ne “ s'épurera ” pas d'emblée, tant s'en faut, des scories petites bourgeoises ”.

V.I. Lénine, Bilan d'une discussion sur le droit des nations à disposer d'elles-mêmes (1916), dans Œuvres, vol. 22.


11. Références pour l'analyse de classe de la société italienne dans la revue Rapporti Sociali :

n° 3 (1989), L'analyse des classes qui composent la société bourgeoise ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 5/6 (1992).

n° 5/6 (1990), Pour une enquête collective sur les modifications dans le processus de production et de reproduction des conditions matérielles de l'existence ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 9 (1993).

n° 12/13 (1992), Le camp de la révolution socialiste : classe ouvrière, prolétariat, masses populaires.

n° 14/15 (1994), Pour l'analyse de classe.

n° 20 (1998), La composition de classe de la société italienne.

 

12. “ Le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ”. Cela signifie que l'organisation de la société est telle que chaque individu, en développant librement ses capacités, contribue à ce que tous les autres développent eux aussi leurs capacités. Le communisme est un système social pour lequel le libre développement d'un individu détermine également celui des autres et le particulier est libre dans la mesure où tous le sont. Quelques exemples : un individu respire un air plus pur, dans la mesure où l'air que tous respirent est plus pur ; dans une société où un individu produit pour l'échange avec les autres, le particulier ne peut faire l'échange que si les autres le font ; dans une société où les biens de consommation sont distribués également entre tous, le particulier n'augmente la quantité de biens de consommation dont il dispose, que dans la mesure où la quantité dont dispose chaque membre de la société, augmente.

Dans le système capitaliste au contraire, de par sa nature, la libre initiative économique du capitaliste implique, pour pouvoir s'épanouir, que plusieurs individus ne puissent le faire et qu'ils se présentent à lui pour lui vendre leur force de travail. La liberté du riche d'être oisif implique que les autres doivent travailler pour lui. Le capitaliste n'est libre de licencier et d'embaucher que si l'ouvrier est esclave du besoin.

Référence : K. Marx F. Engels, Manifeste du Parti communiste (1848), chap. II, dans Œuvres complètes, vol. 6.


13. Un patrimoine, quelle que soit sa nature, est productif s'il donne ou peut donner un revenu correspondant à celui que procure un patrimoine financier de la même valeur. Cela exclut de nos considérations, par exemple, la maison “ d'une valeur inestimable ” que possède un individu par héritage, à un endroit donné, mais qui est pour lui un bien de consommation et non un patrimoine productif. Dans notre analyse, le patrimoine est important parce qu'il indique les personnes qui vivent ou qui peuvent “ bien vivre ” même sans travailler, qui peuvent vivre du travail des autres, qui sont donc effectivement libres de décider quoi faire dans leur vie et ne sont pas obligées de vendre leur force de travail pour vivre.

L'on considère en gros qu'un individu qui a un revenu annuel net de 50.000 €, quelle qu'en soit la provenance (donc même si à l'origine il y avait une prestation personnelle, comme, par exemple, dans le cas d'un footballeur, d'un professionnel, etc.), peut en quelques années accumuler un patrimoine qui lui permettra de ne plus avoir cette activité ou une autre “ pour bien vivre ”. D'autre part, un individu qui perçoit un revenu annuel net de 50.000 € a des relations sociales qui lui permettent d'accumuler un patrimoine mobilier ou immobilier qui le fait entrer rapidement dans la bourgeoisie impérialiste.


14. Dans les autres membres des familles, on inclut les mineurs (environ 15 % de la population a moins de seize ans), les étudiants, ceux qui vivent sous le même toit sans recevoir un revenu personnel pour le travail qu'ils accomplissent (par exemple, les femmes à la maison) ou qui n'en font aucun : en Italie, selon des sources officielles, au moins 3 millions de personnes, en plus des chômeurs officiellement recensés, voudraient travailler. Les retraités sont classés en fonction de la classe à laquelle ils appartenaient quand ils travaillaient.



Chapitre IV

Programme pour la phase socialiste

4.1. La dictature du prolétariat

4.2. La structure de la société

4.3. La superstructure de la société


Programme pour la phase socialiste

 

La classe ouvrière, au cours de la lutte contre la bourgeoisie impérialiste pour le pouvoir, prendra toutes les mesures possibles pour promouvoir la plus grande mobilisation anticapitaliste et le plus d'organisation possibles des masses populaires dans le cadre du front anticapitaliste. Elle prendra toutes les mesures qui favorisent le plus grand déploiement d’énergie des masses populaires dans la lutte pour résoudre les problèmes quotidiens de leur vie et pour éliminer la domination de la bourgeoisie impérialiste. Elle prendra toutes les mesures qui permettent une plus grande éducation des masses, à travers l’expérience, pour résoudre par elles-mêmes leurs problèmes et pour se gouverner.(1)

Après la conquête du pouvoir, la classe ouvrière emploiera le pouvoir conquis pour procéder aux transformations qui permettront le déploiement maximal de l’initiative des masses populaires et pour l’orienter à transformer les rapports de production, le reste des rapports sociaux et les conceptions dérivant des anciens rapports. La manière la plus rapide, la plus efficace, la moins douloureuse par laquelle les masses peuvent apprendre à se gouverner et à gouverner tout le pays est de commencer à gouverner. La classe ouvrière et son parti communiste doivent soutenir et promouvoir la mobilisation des masses, les organiser et les diriger vers cet objectif.(2)

Aussi difficile que soit l’apprentissage des masses et autant d’erreurs qu’elles puissent commettre, il n’y a pas d’autre manière pour elles de prendre en main leur destin, car la domination bourgeoise les tient éloignées des “ affaires sérieuses ”, des “ affaires délicates ” qui décident de leur vie. La bourgeoisie cherche par tous les moyens à les abrutir et à les corrompre. La classe ouvrière ne peut compter que sur elle-même pour procéder à sa propre émancipation et mettre fin à toute forme d’exploitation de l’homme par l’homme, à la division en classes d’exploiteurs et d’exploités, à l’existence de l’Etat. L’histoire des pays socialistes a démontré que les masses organisées et dirigées par la classe ouvrière apprennent vite et gèrent leurs affaires mieux que n’importe quelle bande de fonctionnaires bourgeois.

Voici les principales mesures pour lesquelles le parti se bat afin de les mettre à exécution immédiatement à partir du moment de la conquête du pouvoir de la classe ouvrière. Ce ne sont pas des aspirations arbitraires et accidentelles, ce sont des transformations objectivement nécessaires et c’est la tendance positive de la société actuelle, ce sont les moyens pour commencer à résoudre les contradictions actuelles qui la déchirent.(3)

 

4.1. La dictature du prolétariat

 

1. A tout niveau (central, régional, provincial, communal, de zone, d’unité de production, d’entreprise, d’école, d’institution, etc.), tout le pouvoir (législatif, exécutif, judiciaire, économique, militaire, de police, culturel, d’éducation, etc.) appartient à un Conseil unique (assemblée, chambre) composé de délégués élus et révocables à tout moment et sans exception par ceux qui les ont élus. Chaque Conseil nommera et révoquera ses propres organes de travail.

2. Les collèges électoraux sont les unités de travail, les entreprises, les écoles, les institutions, etc. Là où elles sont trop petites pour élire un délégué, elles sont regroupées sur une base territoriale. Ont le droit de vote tous ceux qui font un travail socialement utile, reconnu comme tel par la collectivité, indépendamment de l’âge, du sexe, de la nationalité, de la religion, de la langue, etc.

3. Auto-gouvernement à tout niveau (central, régional, provincial, communal, de zone, d’unité de production, d’entreprise, d’école, d’institution, etc.). Elimination de toute autorité locale nommée d’en haut.

4. Organisation générale des masses et prise en charge directe par les organisations de masse des tâches d’organisation et de gestion d'un nombre croissant d'aspects de la vie locale : économie, culture, santé, éducation, administration de la justice, ordre public, défense du territoire, lutte contre la contre-révolution, milice territoriale, politique, administration de la justice, etc.

5. Election et révocabilité à tout niveau des juges, des fonctionnaires de l’administration publique, des dirigeants des forces armées et de la police, des dirigeants de toute institution, des enseignants et de toute personne chargée de fonctions publiques.

6. Les fonctions de police et des forces armées sont effectuées par toute la population qui jouit des droits politiques. Des corps spéciaux et professionnels seront constitués seulement pour combattre la réaction et la contre-révolution et pour se défendre contre les agressions. Ils interviennent en appui des masses et rendent compte aux masses de leur action.

7. Chaque personne chargée d'une fonction publique est rétribuée pour elle. Les salaires des délégués de chaque ordre et grade, comme celui des fonctionnaires publics, ne sont pas supérieurs à celui d’un ouvrier du niveau supérieur. Toutes les attributions de locaux, de moyens de transport et autres fournitures connexes à l’exercice de la fonction des délégués sont publiques et liées à la fonction et ne peuvent devenir d’aucune façon leur propriété personnelle. Les délégués ne jouissent d’aucune immunité : tout citoyen peut les mettre en accusation devant leurs électeurs ou devant le Conseil qui les a nommés délégués.

8. Dissolution de chaque organe de l’Etat actuel, de son administration publique à tout niveau (gouvernement, conseils locaux, conseils municipaux, structures scolaires, sanitaires, de prévoyance, d’assistance, etc.), de ses forces armées, de ses corps de police de toutes sortes, de ses associations d’arme (ex. Association nationale des carabiniers, Association nationale des officiers de la marine, etc.), des ordres de chevalerie (ex. Souverain Ordre de Malte, Ordre du Saint-Sépulcre, etc.) et des congrégations, des associations de la classe dominante actuelle, de ses associations professionnelles et de toutes ses formes de regroupement.

Abolition des titres de noblesse et des prérogatives, des immunités et des privilèges y afférents. Abolition de toutes les institutions et de tous les privilèges féodaux qui existent encore (Vatican, églises, revenus ecclésiastiques, associations charitables, franc-maçonnerie, ordres, etc.). Annulation du Concordat et des traités avec lesquels pour le compte de la bourgeoisie impérialiste le fascisme a constitué le Vatican et que le régime démocrate-chrétien a rénové.

Aux personnes qui travaillent dans les organismes dissous est assuré le nécessaire pour vivre et elles sont employées dans des travaux appropriés à leurs aptitudes et aux besoins de la société.

9. Abolition de tous les droits politiques et civils pour tous les membres de l’ancienne classe dominante. Répression de toute tentative de la bourgeoisie de restaurer son pouvoir et ses privilèges, d’user de son autorité morale et de ses moyens pour influencer les masses et la vie sociale.

10. Séparation absolue de l’Etat et de l’administration publique des églises. Egalité des droits pour tous les cultes. Liberté de pratiquer chaque culte et religion. Liberté de n’en pratiquer aucun et de faire de la propagande pour l’athéisme.

11. Elimination de toutes les bases étrangères et de la présence des forces armées et des corps de police et d’espions d’Etats étrangers. Annulation de tous les traités signés par l’ancien régime, y compris ceux qui créent le nouveau “ espace vital ” des groupes impérialistes allemands (UE, etc.). Expulsion de tous les représentants officiels et des agents d’Etats étrangers de toutes sortes qui ne respectent pas les dispositions des nouvelles autorités, qui cherchent par n’importe quel moyen à influencer les masses et la vie sociale ou dont la présence n’est plus nécessaire. Interdiction à tous les citoyens italiens d’entretenir des relations avec des Etats ou des administrations publiques étrangères sans les rendre publiques.

Collaboration avec les mouvements révolutionnaires et progressistes du monde entier.

 

4.2. La structure de la société

 

1. Destruction des réseaux des relations financières qui, assemblant l’épargne de millions de personnes avec le capital financier de la bourgeoisie impérialiste, étouffent de fait l’activité économique réelle. Annulation des prêts, des hypothèques et des dettes envers les banques, l’Etat et la bourgeoisie impérialiste. Annulation des intérêts sur les dettes contractées parmi les membres des masses populaires. Annulation des dettes et crédits contractés avec des pays étrangers. Annulation des propriétés financières de la bourgeoisie impérialiste. Transformation des patrimoines financiers de la moyenne bourgeoisie et des travailleurs en épargne qui ne produit pas d’intérêts, que les titulaires peuvent utiliser comme revenu complémentaire ou différé, à pouvoir d’achat constant. Protection de l’épargne des travailleurs, des pensions de retraite et de tous les autres moyens de subsistance et des garanties acquises par les travailleurs.

Changement de la monnaie et remise de son émission et de sa gestion à une banque unique. Réduction des fonctions de l’argent à celles de moyen d’échange et de mesure de la consommation individuelle. Nationalisation de tout le patrimoine artistique, des richesses immobilières et mobilières, de la terre, du sous-sol et des eaux (sources, puits, étangs, etc.).

2. Elimination sans indemnités de la propriété des grands capitalistes de l’industrie, de l’agriculture, du commerce, des transports, de la recherche, etc. Constitution dans chaque unité productive expropriée d’une direction qui unit l’initiative des travailleurs de l’unité avec la direction générale de la classe ouvrière dans le pays, le particulier avec le général. Gestion des entreprises selon un plan national et des plans locaux qui assignent les tâches à accomplir et les ressources et définissent la destination des produits.

3. Protection de la propriété individuelle des travailleurs autonomes, soutien à l’application des technologies les plus avancées, les plus sûres, les plus propres, les moins polluantes et les plus productives. Commandes et fournitures planifiées pour les entreprises individuelles et assurance des débouchés.

Transformation graduelle et volontaire des entreprises économiques familiales et individuelles et des autres à caractère encore insuffisamment collectif en entreprises coopératives.

4. Planification nationale de l’emploi des ressources, de l’entretien et de la création des ressources naturelles, de la production de chaque unité productive, de la répartition des produits et des échanges avec les autres pays. Echanges économiques avec tous les pays sur la base de l’intérêt réciproque et du respect de l’indépendance nationale.

Mobilisation des masses contre la pollution de l’environnement, le gaspillage d’énergie et des ressources matérielles et pour améliorer la qualité hygiénique, écologique et fonctionnelle des produits.

5. Chacun doit effectuer un travail socialement utile, excepté celui qui est reconnu inapte au travail en raison de l’âge, de la maladie ou de l’invalidité. Le travail domestique doit être traité comme un travail socialement utile et rendu le plus collectif possible (cantines, laveries, réparations domestiques, etc.) pour combattre l’isolement et la marginalisation des femmes.

Chacun reçoit à titre individuel un revenu, selon la mesure définie proportionnellement à la quantité et à la qualité du travail effectué, estimé par les collectifs de travail et par les conférences des travailleurs au niveau local, régional et national. Aux personnes qui pour des motifs valables n’effectuent pas un travail socialement utile (enfants, étudiants, personnes âgées, invalides, etc.) est attribué un revenu qui doit constituer la base matérielle pour émanciper les femmes des hommes, les enfants et les jeunes des parents, etc.

Sur cette base, l’élimination de toute activité criminelle, spéculation, corruption, complot, etc. sera une tâche simple par la population elle-même.

6. Limitation de la journée de travail obligatoire, mettant en acte l’obligation générale du travail. Aujourd’hui plus de la moitié de la capacité de travail de la population est gaspillée : inutilisée, utilisée dans des activités socialement inutiles ou sous-employée.

Interdiction du travail supplémentaire et du travail de nuit excepté dans les cas où cela est techniquement indispensable. Limitation du nombre des années pendant lesquelles une personne pourra être employée dans des travaux nocifs. Rotation dans les travaux nocifs, fatigants et pénibles. Interdiction des relations de travail non déclarées.

Valorisation dans chaque secteur du travail volontaire, en développant sur une grande échelle ce que les masses ont déjà commencé à faire dans la société bourgeoise. Distinguer le travail volontaire du travail obligatoire auxquels tous doivent donner leur contribution.

Tendre, au fur et à mesure que la situation concrète le permet et que la production croît, à distribuer “ à chacun selon ses besoins ”.

Tendre à transformer toutes les activités en travail volontaire, libre expression de la créativité et de l’énergie physique et spirituelle de chaque individu dans l’organisation sociale. Conséquente réduction du travail obligatoire jusqu’à son élimination.

7. Interdiction de l’emploi des femmes dans des conditions dangereuses pour l’organisme féminin. Congés maternité et congés payés pour soins des enfants. Institution dans chaque entreprise, dans chaque complexe d’entreprises et dans chaque complexe locatif de crèches, d’écoles maternelles et de tout ce qui est nécessaire à la vie et aux relations sociales des enfants et des adultes.

8. Le maintien, les soins et l’instruction des enfants ne doivent pas peser économiquement sur la famille. A chaque enfant, la société attribue un revenu. Les parents doivent être assistés durant la période où les enfants sont dépendants.

9. Assurance à la charge de la société pour tous les cas d’inaptitude temporaire ou permanente au travail.

10. Institution d’inspecteurs du travail élus et révocables par les travailleurs, avec l’autorité d’intervenir et de prendre des mesures nécessaires à l’hygiène, à la sécurité du travail et à la prévention de la pollution.

11. Créations de bureaux de placement chargés de distribuer la main-d’œuvre rationnellement dans tous les travaux nécessaires et d’assurer le plein emploi de toute la population. La capacité de travail est la ressource la plus précieuse et doit être constamment améliorée et valorisée. En ce qui concerne les programmes scolaires, la participation à la production doit être prévue et les anciens doivent pouvoir donner volontairement toute la contribution que leurs forces leur permettent.

12. Mesures qui facilitent la formation professionnelle des travailleurs et la collaboration dans les entreprises avec l’objectif de réduire la division entre le travail manuel et le travail intellectuel, le travail d’exécution et le travail de direction, le travail d’organisation, de planification, de contrôle. Conférences des collectifs de travail. Echanges d’expériences avec les collectifs des autres entreprises.

13. Mesures qui facilitent la coordination entre ville et campagne, échanges, séjours, etc. Industrialisation et urbanisation des campagnes, extension des villes dans les campagnes, pour rompre l’isolement, l’exode rural et la surpopulation des zones urbaines.(4)

14. Mesures pour assurer une vie digne aux personnes âgées pour leur offrir la possibilité de mettre leur expérience au service de la société dans les formes et dans la mesure où leurs forces le leur permettent. Promouvoir l’utilisation de ce qu’ils peuvent donner de façon qu’ils soient et se sentent utiles et heureux du prestige et de l’affection qui leur sont dus.

 

4.3 La superstructure de la société

 

1. La maternité et les soins donnés aux enfants seront considérés comme activité socialement utile, non comme une question privée. Education universelle à la maternité, à la paternité et aux soins physiques, moraux et intellectuels des nouvelles générations comme tâche et devoir de la société tout entière. Protection matérielle et morale des femmes enceintes, de l’accouchement à la période qui le suit immédiatement pour que la grossesse, l’accouchement, les soins apportés aux enfants et la récupération physique et morale de la personne elle-même soient conduits dans les meilleures conditions.

2. Les soins, l’éducation et la formation physique, morale et intellectuelle des enfants et des adolescents sont une mission de la société. Associations de parents, unité de travail, administration publique et organisations de masse doivent s’en occuper activement. Développer au maximum les relations entre les générations, rompre la dépendance personnelle sur le plan matériel et psychologique des adolescents et des jeunes par rapport à leur propre famille.

3. Adopter des mesures pour promouvoir la participation des jeunes générations à toutes les fonctions sociales auxquelles ils peuvent participer, dans la mesure de leurs forces, avec pour objectif principal leur formation et non leur participation à la production. Favoriser de toutes les manières l’expérience, la connaissance et les relations formatrices.

4. Instruction générale polytechnique (par la connaissance théorique et pratique des principales branches de la production, de l’activité sociale et des activités culturelles) gratuite et obligatoire pour tous jusqu’à seize ans. Lien étroit entre l’instruction et le travail social productif. Favoriser avec des mesures appropriées l’instruction à chaque niveau et à tout âge.

Passage de l’instruction publique aux organes de l’auto-gouvernement local, suppression de chaque intervention du pouvoir central dans l’élaboration des programmes scolaires et dans le choix du personnel enseignant. Election des enseignants par la population locale et révocabilité par la population des enseignants indésirables. Répartition de vivres, de logement, et de matériel scolaire aux élèves et aux étudiants par l’administration publique.

5. Education sexuelle universelle et soins pour la santé et pour le bien-être sexuel de chaque individu comme devoir de la société. Mobilisation des masses pour lutter contre l’exploitation et la violence faites aux femmes et aux enfants, contre l’asservissement et la soumission des femmes aux hommes.

6. Service sanitaire national. Chaque citoyen a le droit aux soins et à la meilleure assistance sanitaire que la science peut mettre à disposition. Récupération publique et valorisation de toutes les pratiques anciennes et modernes, italiennes et étrangères, qui démontrent leur validité pour améliorer la santé et le bien-être. Instruction sanitaire universelle et lutte contre la propriété privée de la médecine par les médecins. Mobilisation des masses pour améliorer les conditions physiques et mentales.

7. Réorganisation générale des services (école, santé, culture, loisirs, cantines, etc.) les mettant au service de la promotion du bien-être des classes opprimées de la société actuelle. Mobilisation des masses pour gérer directement les services à tous les niveaux, réduisant au minimum indispensable la direction centrale. Lutte pour transformer le sport, la culture et les activités créatives et récréatives d’activités professionnelles en activités librement pratiquées par les masses.

8. Les réseaux de services (téléphone, poste, radio, Internet, chemins de fer, services urbains, autoroutes, routes, services sanitaires, écoles, musées, etc.) doivent être en principe disponibles et libres d’accès de manière à contribuer le plus possible au bien-être, au repos, au divertissement, à l’élévation culturelle et au développement des relations sociales. Des limitations ne sont acceptables que si elles sont indispensables, car personne ne doit être exclu.

9. Nationalisation du patrimoine immobilier urbain et libre possession de l’habitation pour chaque famille ou noyau autonome, protection de la propriété des travailleurs sur leur propre habitation. Mobilisation des masses pour la manutention et l’amélioration de la salubrité des habitations. Instruction des masses sur l’usage en sécurité des réseaux domestiques (électricité, gaz, etc.). Raccordement de toutes les habitations aux réseaux de services. Libre disponibilité de l’espace et du patrimoine immobilier pour les activités sociales au niveau des communautés locales.

10. Absolue liberté de langue et de culture pour les minorités nationales et linguistiques. Mesures pour développer la culture traditionnelle et assurer la vie des minorités dans tous ses aspects.

11. Développement d’une culture qui aide les masses populaires à comprendre leurs propres problèmes matériels et spirituels, et à y trouver des solutions appropriées. Liberté de religion, de pensée et de propagande. Chaque groupe organisé aura droit d’user des moyens matériels nécessaires à sa propre vie spirituelle (presse, radio, TV, réseaux informatiques, locaux, autre matériel).

Toutes les connaissances et le patrimoine scientifique doivent être employés au service des masses, pour améliorer les conditions matérielles, morales et culturelles de chaque individu. Abolition de la propriété des découvertes et des œuvres artistiques, des droits d’auteur, des brevets, etc.

Mobilisation des intellectuels pour qu’ils utilisent le patrimoine social, dont ils sont les dépositaires, pour aider les masses à se comprendre elles-mêmes, à mieux comprendre leurs propres conditions matérielles, leurs propres sentiments, leurs propres états d’âme, leurs propres relations et à les diriger le mieux possible.





1. Sur le programme de la révolution socialiste :

K. Marx-F. Engels, Manifeste du Parti communiste (1848), chap. II, dans Œuvres complètes, vol. 6.

K. Marx, Pour la critique du programme de Gotha (1875).

V.I. Lénine, A propos du projet de révision du programme (1917), dans Œuvres, vol. 24.

 

2. Que veut dire mobiliser les masses sur un objectif ?

En général et à grands traits cela signifie :

1. faire des recherches et étudier le problème (quelle est la situation dans les masses et quelles sont leurs opinions par rapport à ce problème ?)

2. découvrir des situations favorables, conduire des expériences type, corriger les erreurs et obtenir des résultats ;

3. repérer la gauche, le centre et la droite et définir les objectifs, les lignes et les méthodes ;

4. Mobiliser et organiser la gauche (appel, organisation, direction) pour développer son travail envers le centre et la droite ;

5. suivre le travail, recueillir les expériences, faire le bilan et définir à nouveau la gauche, le centre et la droite, les objectifs, les lignes et les méthodes.


3. “ Il n'y a, il ne peut y avoir dans la social-démocratie aucun mot d’ordre “ négatif ”, qui ne servirait qu'à “ exacerber la conscience du prolétariat contre l’impérialisme ”, sans montrer en même temps par une réponse positive comment la social-démocratie résoudra la question correspondante lorsqu'elle sera elle-même au pouvoir. Un mot d’ordre “ négatif ”, non rattaché à une solution positive déterminée, n’“ exacerbe ” pas, mais émousse la conscience, car un tel mot d'ordre est du néant, un cri dans le vide, une déclamation sans substance. ”

V.I. Lénine, Une caricature du marxisme et à propos de “ l’économisme impérialiste  ” (1916), dans Œuvres, vol. 23.


4. F. Engels, La question du logement (1872-1887).



Chapitre V

Les principales objections à notre Manifeste programme

    1. A ceux qui ne croient pas que les masses se rangeront à nouveau derrière le drapeau du communisme

    2. Aux Forces subjectives de la révolution socialiste et aux travailleurs avancés que l'indifférence des masses à leurs appels rend timides ...

    3. Aux sceptiques et à ceux qui s'opposent à l'existence du parti communiste, nous répondons ...

    4. Aux sceptiques et à ceux qui donnent une évaluation négative de l'expérience de la construction du socialisme ...

    5. A ceux qui nous objectent que les pays socialistes n'ont pas réussi à survivre

    6. A ceux qui nous opposent que, si chacun avait selon ses besoins, il n'y aurait aucune créativité ni initiative ...

    7. A ceux qui nous objectent que ni l'oppression que les femmes subissent de nos jours, ni l'oppression des nationalités et des races, [...], ni les nombreuses autres contradictions qui divisent les masses populaires ne seront pas résolues automatiquement avec le socialisme, nous répondons ...

    8. Est il possible que la révolution socialiste triomphe dans un seul pays ?

    9. Aux sceptiques et à ceux qui nient que la révolution socialiste puisse triompher en Italie, nous indiquons ...


Les principales objections à notre Manifeste programme

 

Beaucoup d'objections seront sans aucun doute faites à notre Manifeste programme. Voyons les principales.



1. A ceux qui ne croient pas que les masses se rangeront à nouveau derrière le drapeau du communisme et sous la direction du parti communiste, nous répondons qu'il est erroné de penser que le futur sera comme le présent. C'est ce qui n'est qu'en germe dans le présent qui sera grand demain. Ce qui n'est que possible aujourd'hui sera la réalité de demain. La bourgeoisie impérialiste n'offre aux masses populaires aucune perspective de progrès, elle ne leur donne même pas la possibilité de continuer à vivre dans les conditions actuelles. La bourgeoisie elle même doit bouleverser l'ordre existant et est en train de le faire, contraignant les masses à se mobiliser pour trouver de nouvelles solutions pour leur vie. C'est cela, et non les sermons et les idées, qui amène et amènera les masses à sortir du mode de vie habituel et faire des choses que pendant des années elles n'ont pas faites (en négatif aussi les épisodes les plus répugnants des faits divers de tous les jours le confirment).

La tendance véritable du capitalisme (contrairement à ce qu'en disent les représentants de la culture bourgeoise de gauche, les keynésiens, les ouvriéristes, etc.) n'est pas de donner des revenus dans le but “ d'élargir le marché ”, d'apporter des aides de par le monde, “ les droits de l'homme et la démocratie ”, mais de diviser et opposer les masses, d'augmenter la misère, l'oppression, l'exploitation, l'abrutissement et l'asservissement. La bourgeoisie l'a démontré y compris dans les années de reprise et de développement (1945 1975) dans les pays où elle ne sentait pas dans son cou le souffle du mouvement communiste et le démontre à présent “ partout ” : dans tous les endroits où cette tendance n'est pas combattue par la lutte des masses populaires, que seule la classe ouvrière avec son parti, peut développer sur une grande échelle et diriger avec succès.(1)

Dans le déroulement de la crise générale et en l'absence d'un mouvement révolutionnaire fort, cette tendance de la bourgeoisie se réalise sur une grande échelle et de manière particulièrement forte, odieuse et répulsive. Donc cela devient un facteur de la mobilisation (révolutionnaire ou réactionnaire) des masses populaires.



2. Aux Forces subjectives de la révolution socialiste et aux travailleurs avancés que l'indifférence des masses à leurs appels rend timides, instables, parfois en proie au découragement et à la désillusion ou à la tentation d'abandonner la lutte pour le socialisme, nous disons que ce sont leurs erreurs de conception et de méthode, que c'est leur déviation de la conception et de la méthode que l'expérience du mouvement communiste a démontrées comme étant justes, nécessaires et efficaces, que ce sont leurs limites qui rendent les masses sourdes à leurs appels. Parfois l'opportunisme de certaines “ avant gardes ” qui refusent d'assumer personnellement le rôle et la responsabilité inhérents à leurs appels et dont les masses ont besoin pour déployer leur activisme tient lieu de repoussoir envers ces mêmes masses. Les mêmes sont repoussées par l'opportunisme qui amène certaines “ avant gardes ” à demander aux masses de tenir des rôles que celles ci ne peuvent jouer directement aujourd'hui. Font partie de ce camp, de nos jours, ceux qui voudraient que les masses mènent des luttes revendicatives sur une grande échelle sans le parti communiste ; ceux qui prétendent à “ la reconnaissance des masses ” envers leur parti avant même de l'avoir constitué et qu'il leur ait démontré qu'il mérite leur confiance ; ceux qui propagent dans les masses l'idée de la nécessité de la reconstruction du parti, sans s'impliquer directement dans cette reconstruction.



3. Aux sceptiques et à ceux qui s'opposent à l'existence du parti communiste, nous répondons, en nous appuyant sur l'expérience des cent cinquante ans du mouvement communiste, que les victoires comme les défaites de la classe ouvrière démontrent que le parti communiste est indispensable. D'une part la classe ouvrière n'a jamais conquis le pouvoir là où elle n'avait pas un parti construit expressément pour cet objectif. Elle ne l'a conquis que là où elle avait un tel parti. La démolition des pays socialistes et du camp socialiste a commencé quand la droite a pris la direction des partis communistes.

D'autre part, la victoire des déviations dans le parti n'est pas inévitable. Le mouvement communiste est en train d'apprendre à lutter efficacement contre les déviations au sein du parti, il s'est déjà constitué une expérience sur le terrain de la prévention et de la lutte contre ces déviations : la compréhension du réflexe inévitable de la lutte entre les deux classes à l'intérieur du parti communiste, la lutte entre les deux lignes dans le parti, la tendance objective des masses populaires au communisme, la ligne de masse. C'est l'apport du maoïsme à la théorie du parti.(2)



4. Aux sceptiques et à ceux qui donnent une évaluation négative de l'expérience de la construction du socialisme (transition du capitalisme au communisme) dans les pays socialistes, nous montrons les grands résultats obtenus par le mouvement communiste durant la première vague de la révolution prolétarienne (la première crise générale du capitalisme) : un camp socialiste qui allait de l'Europe (Elbe   Adriatique) au Pacifique Sud, avec un tiers de la population du monde d'alors. Nous montrons les grandes conquêtes économiques, politiques, culturelles réalisées en peu de temps dans ces pays par des masses populaires qui comptaient parmi les plus opprimées et les plus arriérées de la planète. Les masses même les plus arriérées, une fois libérées de l'oppression de la bourgeoisie et des autres classes exploiteuses, apprennent rapidement, sur la base de leur propre expérience, à régler pacifiquement et de manière avancée les rapports entre elles et trouvent des solutions progressives aux contradictions internes du peuple. Marx faisait déjà noter que l'homme tire toutes ses connaissances, toutes ses perceptions, etc. du monde sensible et de l'expérience acquise dans ce monde sensible ; donc ce qui importe, c'est d'organiser le monde empirique de manière à ce que l'homme y fasse l'expérience — et prenne l'habitude — de ce qui est vraiment humain, afin que l'homme fasse l'expérience de lui-même comme homme. Si l'homme n'est pas libre, dans le sens de ne pas avoir le pouvoir de développer, enrichir et faire valoir sa vraie individualité, il faut non pas punir le délit de la personne, mais détruire, comme étant anti sociaux, les foyers sociaux du délit et donner à chacun l'espace social dont il a besoin pour lui permettre d'extérioriser les principaux aspects de sa vie. Si l'homme est formé par les circonstances, il est nécessaire de former humainement les circonstances.(3) Le propos de changer massivement les individus avant de changer la société, c'est-à-dire avant d'éliminer l'oppression qui les fait tels qu'ils sont, est une fantaisie qui ne convient qu'à ceux qui veulent ôter de la force à la lutte pour l'élimination de l'oppression : en réalité, la société actuelle produit les forces qui la changeront et de ce changement et de son déroulement sortira également, graduellement, la transformation massive des sentiments, des habitudes et de la conscience individuelle des gens.



5. A ceux qui nous objectent que les pays socialistes n'ont pas réussi à survivre, alors que les pays capitalistes bien que foncièrement mauvais y sont parvenus, nous indiquons les raisons pour lesquelles ont commencé, à partir d'un certain moment, le déclin des pays socialistes, leur rapprochement avec les pays capitalistes, leur nouvel asservissement (financier, commercial, technologique, culturel, politique) au système impérialiste mondial. Ce qui se passe aujourd'hui dans les pays socialistes, de l'exploitation féroce de femmes, d'enfants et de travailleurs, aux délits les plus horribles, aux massacres nationalistes, démontre que les conquêtes d'hier n'étaient pas le fruit du “ caractère naturel ” des peuples qui en étaient protagonistes, ni des caractéristiques naturelles des pays, ni de l'héritage historique de ces peuples, mais étaient le fruit du système et uniquement du système social socialiste. La Commune de Paris (1871), bien que vaincue, a été une marche qui a permis à la classe ouvrière et aux masses populaires du monde entier, qui avaient besoin de s'échapper de l'étau de la première crise générale du capitalisme, d'accomplir un pas en avant plus important peu de décennies plus tard. Les premiers pays socialistes, bien que vaincus, seront eux aussi une marche qui permettra aux travailleurs, aux femmes, aux enfants, aux jeunes, aux personnes âgées, aux membres des races et des nationalités opprimées, écrasées aujourd'hui, au delà des limites connues par notre génération du “ triomphe ” du capitalisme, d'accomplir un nouveau bond en avant, au cours de la seconde vague de la révolution prolétarienne qui est en train de monter, dans le monde entier. Nous devons combattre la conception historique selon laquelle “ si les révisionnistes modernes l'ont emporté dans les pays socialistes après 1956 (ou après 1976), cela signifie qu'il y avait quelque chose d'avarié dès le départ ” (ou bien même, disent les plus “ courageux ” — les bordiguistes, les trotskistes et d'autres compères à eux de la culture bourgeoise de gauche — “ déjà, dès le départ, les pays socialistes étaient pourris ”). Dans ce “ raisonnement ”, dans cette “ démonstration ”, dans cette conception, il y a l'incompréhension de la dialectique et un esprit réactionnaire.

Incompréhension de la dialectique : une chose que l'on est en train de faire n'est telle que parce qu'elle n'est pas encore faite. Elle est et elle n'est pas. Elle est encore celle d'avant, mais ce n'est déjà plus la même. Elle n'est pas encore ce qu'elle sera, mais elle l'est tout de même, dans une certaine mesure. La possibilité d'arrêt ou de régression fait foncièrement partie de ce processus. Non pas comme une maladie, une tare, une erreur, mais comme un aspect profondément lié à la chose même, au mouvement de la chose. A la chose qui est et qui n'est pas encore, qui n'est plus mais qui est encore, ils opposent au contraire la chose qui est. Si c'était pourri demain, cela signifie que ça l'est également aujourd'hui et que ça l'était déjà hier. Ce raisonnement ne vaut même pas pour les fruits : l'on imagine sans peine ce qu'il représente vis-à-vis d'un phénomène bien plus complexe, tel qu'une société !

Esprit réactionnaire : cette conception ne condamne pas seulement les pays socialistes, mais également la révolution qui les a créés (et ici, cela rejoint toute l'ordure social démocrate et bourgeoise qui était contre la Révolution d'Octobre, qui disait qu'il ne fallait pas la faire et qui la combattit avec acharnement et sans retenue, d'une manière infâme et criminelle). Mais, si l'on est cohérent, de la même façon, il faut condamner également ce qui a amené à la révolution d'Octobre : le mouvement communiste. Et puis il faut condamner ce qui a engendré le mouvement communiste et la naissance du prolétariat : la révolution bourgeoise, la Révolution française de 1789. Ce raisonnement, la bourgeoisie l'a déjà fait ! Que de se retrouver en si mauvaise compagnie fasse réfléchir les négateurs de l'expérience des pays socialistes !



6. A ceux qui nous opposent que, si chacun avait selon ses besoins, il n'y aurait aucune créativité ni initiative dans la production et dans la vie sociale, nous démontrons que la réalité même de la société bourgeoise, est la négation de leur affirmation.(4)

Des millions de simples travailleurs salariés accomplissent avec passion et initiative leur travail, malgré la faiblesse du salaire et les conditions d'asservissement, de mortification de la créativité et de précarité dans lesquelles les patrons les obligent à travailler. Des millions de femmes s'occupent avec passion et dévouement de leurs enfants, de leurs familles et de leurs maisons, bien que, dans la société bourgeoise, leur activité ne soit même pas considérée comme un travail. Des milliers d'artistes, de scientifiques, de chercheurs ont déployé et déploient de grands efforts pour parvenir à de grandes réalisations et sont souvent méconnus. Des millions de personnes accomplissent un travail volontaire non rétribué, souvent dans des conditions très difficiles, un travail que la classe dominante utilise contre les travailleurs qui luttent pour un salaire, mais que, en même temps, elle relègue aux marges de la “ véritable économie ”, corrompt, exploite et rend odieux aux masses, avec les entreprises du “ tiers secteur ”, du “ no profit ” et des Organisations non gouvernementales (ONG) organisées, financées et manipulées par les gouvernements impérialistes. La bourgeoisie réussit à parer, grâce au travail volontaire, bien des déficiences parmi les plus aiguës et les plus bouleversantes de sa société.

Non seulement : observons combien d'efforts et de crimes doit accomplir la classe dominante pour contraindre les jeunes à s'adapter à ne travailler que pour de l'argent, reniant ainsi les meilleures aspirations de leur vie. Combien de désillusions et de frustrations, quel gâchis d'énergies physiques, intellectuelles et morales !

Considérons l'histoire du passé : pendant combien de temps les hommes ont ils travaillé et construit les bases de la civilisation dont nous récoltons les fruits, sans êtres mus par un intérêt individuel ?

Considérons le présent : des millions de travailleurs ont donné et donnent leur force, leur sueur et leur sang dans la lutte pour le socialisme et dans les luttes anti impérialistes de libération nationale.

Considérons enfin notre futur, le socialisme : des centaines de millions d'hommes et de femmes ont démontré ce dont sont capables les masses sans être muées par l'intérêt individuel ; libérées des freins et des obstacles imposés par la loi de la valeur et par l'exploitation capitaliste, les masses populaires ont développé leurs propres forces productives et ont multiplié la richesse matérielle et spirituelle de la société et des individus ; et ce bien qu'ils aient constamment dû se défendre contre des agressions, des sabotages et des blocages économiques ourdis par la bourgeoisie impérialiste qui restait encore la classe dominante au niveau mondial. Les masses populaires des pays socialistes ont montré, pendant un laps de temps relativement court et malgré toutes les traces de la société bourgeoise qu'elles conservaient, de quoi serait capable “ une société où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ”, au contraire de la société bourgeoise, où la libre initiative de quelques-uns a comme condition nécessaire l'asservissement et l'abrutissement de l'immense majorité de la population.

Que reste t il de l'objection qui nous est faite, sinon que la bourgeoisie projette son ombre avide sur nos esprits ? C'est le bourgeois qui ne fait rien si ce n'est par intérêt personnel et pour de l'argent et qui pour eux est capable de tous les crimes. Parfois la bourgeoisie réussit à faire considérer comme naturelles sa mentalité et ses conceptions ; ces dernières impliquent des rapports sociaux qui sont en train de détruire les conditions de la vie et qui étranglent des millions d'êtres humains dans le monde entier. Alors, oseriez vous aller leur parler de ce système auquel ils seraient censés participer par intérêt individuel ?



7. A ceux qui nous objectent que ni l'oppression que les femmes subissent de nos jours, ni l'oppression des nationalités et des races, ni la sujétion des jeunes aux adultes, ni les nombreuses autres contradictions qui divisent les masses populaires ne seront pas résolues automatiquement avec le socialisme, nous répondons que c'est parfaitement exact. Il sera nécessaire de mener une lutte spécifique sur chacun de ces fronts. Nous la mènerons : pourrons nous vaincre ? Nous faisons observer que la bourgeoisie du fait de l'évolution objective des choses est devenue le point de rencontre de toutes les vexations et de toutes les violences de tous les oppresseurs. Il suffit de voir les conditions des femmes et des enfants dans la société actuelle, de voir le sort que les groupes impérialistes leur réservent dans les pays les plus civilisés que la bourgeoisie a réussi à créer. En outre, la classe ouvrière ne réussira à se sortir de la situation d'oppression, d'exploitation et de précarité qui l'accable, si elle ne transforme pas également la condition de tous les autres opprimés, si elle ne met pas fin à tout type d'oppression. Si nous n'enlevons pas le pouvoir à la bourgeoisie, toute tentative et tout effort de résoudre les autres contradictions seront vains, parce que la classe dominante, ses rapports et la défense de sa domination y font obstacle.

Pour conclure, nous dirons que les contradictions au sein du peuple ne peuvent être réellement résolues que si l'on vient à bout de la contradiction principale, celle qui oppose les masses populaires à la bourgeoisie impérialiste. Ce n'est qu'avec le socialisme qu'est extirpée la racine des conditions pratiques de vie qui entraînent misère, abrutissement, égoïsme et violence et qu'il est donc possible de combattre également, efficacement et avec succès, les manifestations de ces rapports au sein des masses populaires. L'expérience, même brève, des pays socialistes, a fourni mille éléments à l'appui de cette affirmation.



8. Est il possible que la révolution socialiste triomphe dans un seul pays ?

Non seulement c'est possible, mais cela s'est déjà produit et il est probable que dans le futur également la révolution (socialiste ou de nouvelle démocratie) ne triomphe pas simultanément dans tous les pays. Malgré l'unité créée par la bourgeoisie dans le monde, le développement matériel et spirituel des pays est très différent, la construction et la force du mouvement communiste et des partis communistes sont très diverses. Et la crise générale du capitalisme accentue encore plus ces dissemblances.

Qu'est ce qui peut empêcher la bourgeoisie impérialiste d'étouffer dès le début la révolution qui se développera dans un ou plusieurs pays, en utilisant la force et l'arrogance de ses armes et de sa richesse ? Le fait que la situation révolutionnaire est universelle. Dans tous les pays, les régimes de la bourgeoisie impérialiste sont instables, aux prises avec toutes sortes de convulsions. Les masses populaires sont en effervescence dans tous les pays. Le système des relations internationales entre Etats, institutions et groupes impérialistes est toujours plus agité par des oppositions et des luttes. Les groupes impérialistes luttent les uns contre les autres. Les foyers de révolution sont de plus en plus nombreux. La bourgeoisie impérialiste et en particulier celle des Etats-Unis a beaucoup d'ennemis dans le monde et ces derniers seront nos alliés si nous démontrons que nous sommes capables de nous imposer et de tenir tête à la réaction. Si nous sommes forts, nous aurons beaucoup d'alliés.

C'est cela qui a empêché la bourgeoisie impérialiste de concentrer avec succès ses forces contre la première république soviétique. C'est cela qui empêchera la bourgeoisie d'étouffer dans l'œuf les prochaines révolutions. Le Vietnam a été une grande leçon, bien que le peuple vietnamien ait mené avec succès sa lutte à une époque où le système impérialiste était relativement stable. La force des masses populaires dirigées par la classe ouvrière, l'effervescence révolutionnaire qui grandit dans tous les pays, les contradictions et les guerres entre groupes et Etats impérialistes, la solidarité internationaliste des masses populaires : voilà dans l'ordre, les facteurs qui permettent la victoire de la révolution socialiste dans un pays ou dans un groupe de pays, malgré la force et l'arrogance de la bourgeoisie impérialiste.



9. Aux sceptiques et à ceux qui nient que la révolution socialiste puisse triompher en Italie, nous indiquons les raisons qui ont fait que le premier PCI a permis de grandes avancées, qui ont fait qu'il a amené la classe ouvrière à son niveau le plus élevé et qui ont permis de grandes conquêtes ; et nous indiquons aussi les raisons qui ont fait que le premier PCI n'a pas remporté (et ne pouvait remporter, vu les erreurs qu'il a commises et les limites dont il n'a pu se défaire) la victoire.

Les Forces subjectives de la révolution socialiste qui se donnent comme référence l'aile gauche du premier PCI (que certains identifient en Secchia, d'autres en Gramsci), refusent en substance de reconnaître le maoïsme comme la troisième étape supérieure de la pensée communiste. Notre Manifeste programme comprend un bilan des expériences du mouvement communiste en Italie. Il indique en particulier ce que les communistes, les ouvriers et les masses populaires ont accompli de positif et que nous faisons nôtre. En second lieu, nous essayons de comprendre et nous comprendrons toujours mieux les erreurs du premier PCI (analyses, lignes, méthodes erronées qui déviaient de ce que le mouvement communiste avait déjà acquis avec le marxisme-léninisme : le bolchevisme) et ses limites (analyses, lignes, méthodes erronées qui auraient nécessité ce développement du patrimoine du mouvement communiste, tel qu'il fut accompli dans le maoïsme).

Ce n'est qu'en agissant de la sorte que nous serons les dignes successeurs de ceux qui nous ont précédés dans la lutte pour instaurer le socialisme dans notre pays.




1. “ (Il faut) esquisser ensuite la tendance prépondérante du capitalisme : ... la croissance de la misère, de l'oppression, de l'esclavage, de la dégradation, de l'exploitation. ... Ces derniers temps, les critiques groupés autour de Bernstein se sont particulièrement acharnés contre ce point, en reprenant les vieilles objections des libéraux bourgeois et des social politiciens contre la “ théorie de la paupérisation ” (énoncée par Marx). A notre avis, la polémique engagée à ce propos a prouvé amplement l'inconsistance totale de ce genre de “ critique ”. Bernstein a lui-même reconnu la justesse de ces paroles de Marx, en tant que caractéristique de la tendance du capitalisme, laquelle devient une réalité en l'absence de la lutte de classe du prolétariat contre cette tendance, en l'absence de lois — conquises par la classe ouvrière — sur la protection de cette dernière ”.

V.I. Lénine, Projet de programme pour notre parti (1899), dans Œuvres, vol. 4.



2. CARC, Sur le maoïsme, troisième étape de la pensée communiste (1993).



3. K. Marx F. Engels, La Sainte Famille (1844), chap. VI, partie 3, section f, dans Œuvres complètes, vol. 4.


4. “ Certains sont venus objecter que si on abolissait la propriété privée, toute activité cesserait et que ce serait le règne de la fainéantise universelle. Si cela était, il y a beau temps que la société bourgeoise aurait succombé à la fainéantise, car ceux qui y travaillent ne profitent pas et ceux qui y profitent ne travaillent pas. Toute cette critique se ramène à une tautologie : là où il n'y a plus de capital, il n'y a plus de travail salarié ”.

K. Marx F. Engels, Manifeste du Parti communiste (1848), dans Œuvres complètes, vol. 6.






Commissione Preparatoria

del congresso di fondazione

del (nuovo)Partito comunista italiano

e.mail : <lavocedelnpci@yahoo.com


 


Projet de Manifeste programme du nouveau parti communiste italien 

A nos lecteurs

 

En cette phase, la reconstruction d'authentiques partis communistes est l'objectif fondamental et discriminant des communistes en Italie comme d'ailleurs en France, en Allemagne et dans d'autres pays impérialistes européens : et il le sera jusqu'à ce que l'objectif ne soit atteint.

La renaissance du mouvement communiste doit être certainement un processus international. Le révisionnisme moderne a frappé sur tout le mouvement communiste international : cela a été un mouvement universel. Le révisionnisme moderne a pris la direction du mouvement communiste et il l'a gardée jusqu'à causer la destruction de la plupart des grands résultats que le mouvement communiste avait obtenus. Ce qui a rendu possible ce succès du révisionnisme moderne, ce sont les limites de l'ancien mouvement communiste (si on entend pour tel l'ensemble des partis communistes, avec leurs propres conceptions et leurs structures et leur système de relations, c'est-à-dire le mouvement organisé et conscient). Il s'agit donc de limites universelles, communes à tout le mouvement communiste international. La renaissance du mouvement communiste comporte le dépassement de ces limites-là : par conséquent, c'est aussi un processus international, universel. Une voie purement nationale de renaissance n'existe pas. La renaissance du mouvement communiste dans un pays comporte le dépassement des limites qui appartenaient à l'ancien mouvement communiste dans son ensemble. Par conséquent, les communistes, qui ouvrent le chemin de la renaissance du mouvement communiste de leur pays, ouvrent en même temps le chemin de la renaissance du mouvement communiste dans le monde entier. Il est donc très utile et très important de faire connaître aux communistes d'un pays le travail pour la reconstruction qui se développe dans d'autres pays, surtout parmi les pays qui ont une composition de classe similaire et qui en plus sont liés par des relations économiques, politiques et culturelles assez serrées (UE, OTAN, etc.). Les communistes de chaque pays ont beaucoup à apprendre des expériences des communistes d'autres pays et, à notre avis, il faut qu'ils fassent connaître leurs propres expériences aux communistes des autres pays et, malgré les difficultés actuelles, qu'ils cherchent à connaître leurs critiques et leurs conseils.

Dans cet esprit, nous nous permettons d'attirer l'attention des camarades des autres pays sur le Projet de Manifeste Programme (PMP) publié en octobre 1998 par le Secrétariat National des CARC et adopté aussi par la Commission Préparatoire (CP) du congrès de fondation du (nouveau)Parti communiste italien. La discussion de ce projet est toujours en cours parmi les FSRS italiennes et c'est un des instruments à travers lesquels se développe la préparation du congrès de fondation. Une partie du débat autour du PMP est publiée dans la revue de la CP, La Voce.

Une partie de ce PMP concerne le bilan du mouvement communiste international et donc les communistes du monde entier ont le droit de parole. Nous apprécions toute contribution et nous considérons comme un instrument pour une unité internationaliste supérieure chaque critique et chaque proposition exprimées par des communistes d'autres pays à ce propos.

Nous avons beaucoup apprécié la collaboration des camarades qui nous ont aidés à traduire et à rédiger ce texte en français.


Commissione Preparatoria del congresso di fondazione

del (nuovo)Partito comunista italiano

Ier mai 2001


Ristampa e diffusione a cura del CCCPCI

(Comitato Contro la Criminalizzazione della lotta per la ricostruzione di un Partito Comunista in Italia).

/

Edition et diffusion faites par le CCCPCI

(Comité Contre les Criminalisations de la lutte pour la reconstruction d’un Parti Communiste en Italie).


CCCPCI c/o Librairie Le Point du Jour

58, rue Gay Lussac

75005 Paris

e.mail libert.cp@voila.fr





Le CCCPCI cherche des collaborateurs pour l’édition de textes en français et autres langues européennes. Pour nous contacter s’adresser à :

CCCPCI

c/o Librairie Le Point du Jour

58, rue Gay Lussac


Edizioni Rapporti Sociali, via Tanaro 7, 20128 Milan, Italie. Téléfax 02 26 30 64 54


sito web : www.carc.it

e-mail : resistenza@carc.it