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C'est vrai : il y a un futur à conquérir ! 

de Tonia N. - Article de La Voce n. 34,  mars 2010

 

Le 16° congrès de la CGIL peut être un pas important vers un gouvernement d'urgence, le Gouvernement de Bloc Populaire. Le sera-t-il ? Cela dépend dans une large mesure de nous communistes.

 

Le moment où il se déroule rend singulièrement important le 16e Congrès de la CGIL. Il en fait un évènement politique qui peut peser de manière décisive sur le cours des choses.

 

La présentation de deux Motions opposées révèle le bouleversement que la crise a mis en marche dans le principal syndicat de régime : celui qui par sa nature est la cible que la mobilisation réactionnaire pour prévaloir doit absolument démolir.

Le fait que la mobilisation réactionnaire pour prévaloir doit l'éliminer, a créé dans la CGIL les conditions pour que la gauche syndicale, entendue ici comme l'aile gauche des dirigeants de la CGIL, est conduite, au moins par son propre opportunisme, à être plus sensible à l'état d'esprit et aux intérêts des travailleurs.

Le même fait affaiblit l'aile droite : celle-ci est obsédée par le cauchemar de finir comme Bertinotti & Co (exclus du Parlement par les élections politiques d’Avril 2008 - NDLR). Sous l'effet de la crise les lignes de démarcation dans la société se simplifient et se redéfinissent. La gauche bourgeoise a toujours moins d'espace. Les syndicats de régime ne peuvent plus jouer le rôle qu'ils ont joué dans le passé, parce que le théâtre a changé.

La crise pousse les travailleurs et en général les masses populaires soit à gauche soit à droite. Plus les syndicats de régime cèdent aux prétentions de la bourgeoisie, moindre est leur influence parmi les travailleurs, qui vont à gauche (pour l'instant encore principalement de résistance et de protestation) ou à droite (mobilisation réactionnaire). Moindre est leur influence parmi les travailleurs, moins ils sont utiles à la bourgeoisie ; moins la bourgeoisie a besoin d'eux, moindre est leur part dans le régime. Le succès de la mobilisation réactionnaire passe à travers l'élimination de la CGIL. La gauche syndicale (pas seulement les Rinaldini, les Cremaschi, mais même Podda, Moccia, etc) doit choisir parmi 3 voies alternative. Se mettre à la tête des ouvriers et des autres travailleurs qui résistent et protestent ? Se laisser renvoyer à la vie privée comme Bertinotti et son groupe ? Passer décidément avec la mobilisation réactionnaire en cherchant à se tailler une part ?

 

Même pour les dirigeants de la gauche syndicale, la première alternative contraste avec l'essentiel de leur passé.

Celui-ci est fait principalement de concertation et de compatibilité avec les patrons, de démagogie et de trahisons envers les travailleurs. La droite syndicale le leur rappelle : hier nous avons marché ensemble, vous avez été nos complices ! Mais d'une part par opportunisme et d'une autre part par conviction, la gauche syndicale dans les derniers mois n'a pas fait les nouveaux pas à droite, que dans la nouvelle situation il lui fallait faire pour suivre la dérive vers la droite (le syndicat structure qui fournit des services à ses inscrits). En faisant ainsi elle a, sinon dirigé, du moins fortement conditionné la droite syndicale. Epifani et complices n'ont pas pu adhérer à l'Accord du 22 janvier 2009 (entre le gouvernement Berlusconi, la Confindustria [le MEDEF italien], les syndicats de régime CISL, UIL, UGT - NDLR), ont dû adhérer à des mobilisations de rue qu'ils auraient volontiers évitées, se sont détachés toujours plus de Bonanni et d'Angeletti et du reste de la vieille garde des syndicats de régime. La décision d'une fraction de la gauche syndicale (Nicola Nicolosi et Travail et Société n'ont pas adhéré) de présenter au Congrès sa motion, la Motion 2, a été un autre pas dans la direction que la gauche syndicale a suivie dans les derniers mois : chercher à chevaucher la résistance et la protestation des travailleurs.

 

Sur le parcours accompli par la gauche syndicale a fortement influé aussi le mouvement des étudiants et des immigrés. Mais a surtout influé le rôle joué par les syndicats de base et les syndicats alternatifs : un autre acteur de l'affrontement en cours. Un acteur qui a le même problème que la gauche syndicale et toute la CGIL.

La crise produit ses effets et la décision devient toujours plus urgente : ou se lier plus à fond aux ouvriers et aux autres travailleurs qui résistent et protestent ou être renversé par la mobilisation réactionnaire. La ligne "il faut plus de luttes" (avancée par la Motion 2 de la gauche CGIL - NDLR) est la ligne des syndicats alternatifs. Les partisans de la Motion 1 objectent : "Les luttes sans résultats ne résistent pas". C'est vrai : c'est seulement en jouant le rôle d'initiateurs d'un gouvernement d'urgence et précisément du Gouvernement de Bloc Populaire, que la gauche syndicale et les syndicats alternatifs, et avec eux toute la CGIL, ne seront pas renversés par la mobilisation réactionnaire, comme déjà illustré dans Déplacements dans le monde syndical de Riccardo A. et dans d'autres articles de La Voce n°32. Notre "méthode des leviers" est l'emploi, conscient et visé à nos objectif, du "système des leviers" qui existe dans la réalité.

 

Se lier mieux et plus à fond avec les ouvriers et avec les autres travailleurs qui résistent et protestent veut dire prendre la route de la solution politique de la crise. Cette route mène au gouvernement d'urgence, au Gouvernement de Bloc Populaire, une étape vers l'instauration du socialisme. Une route qui pour nous communistes est claire, une route que nous poursuivons avec méthode et que nous devons apprendre à poursuivre mieux, une route sur laquelle nous devons canaliser phase après phase plus de forces, même des forces incertaines dont nous ne savons pas combien de route elles feront, des forces qui prennent notre route par calcul, par opportunisme ou pire.

Mais qu'il nous sert à nous, de toute façon, qu'aujourd'hui elles la prennent, parce que grâce à elles nous renforcerons notre lien direct avec les ouvriers et nous ferons des pas en avant qui sans elles seraient plus difficiles, et peut-être même trop lents et donc impossibles : la compétition en cours avec la mobilisation réactionnaire ne nous laisse pas de temps illimité pour prévaloir sur elle.

Il y a des camarades (l'organisation Prolétaires Communistes) qui crient que le combat est déjà fini, que les fascistes ont déjà vaincu, que nous sommes déjà au fascisme moderne ! Ce n'est pas vrai, c'est du défaitisme ; mais le danger existe.

Si grâce à la gauche syndicale et grâce aux syndicats alternatifs nous réussissons à faire constituer un gouvernement d'urgence pour faire face à la crise, nous aurons fait un morceau important de notre route. Si même la droite syndicale par calcul s'associe, tant mieux. La même chose vaut aussi pour des fractions de la bourgeoisie et du clergé. Nous ne faisons pas d'actes de foi dans aucun d'eux.

 

Le principe qui doit nous guider aujourd'hui est : unité et indépendance, fermes dans la stratégie et flexibles dans la tactique. Ne pas se mettre aux ordres ni à la remorque de la gauche syndicale, ne refuser à personne de suivre notre route, rassembler toutes les forces disponibles pour renforcer notre courant et battre la mobilisation réactionnaire.

La constitution du Gouvernement de Bloc Populaire serait notre victoire sur la mobilisation réactionnaire. De toute façon le GBP n'est pas notre gouvernement : il est le gouvernement des organismes et des personnages qui ont déjà aujourd'hui du soutien et de l'autorité parmi les masses populaires, et qui aujourd'hui se mettent à la tête des travailleurs qui résistent et protestent contre la crise et qui ne veulent pas payer la crise, jusqu'au point de constituer un gouvernement d'urgence avec le soutien de ces travailleurs. Nous travaillons pour la constitution d'un tel gouvernement. Sa constitution ouvrirait une nouvelle phase de la lutte pour instaurer le socialisme. La Motion 2 n'est pas importante principalement pour ce qui y est écrit : la longue domination cléricale a créé en nous la diffuse habitude des beaux mots et des bonnes intentions auxquels ne correspondent pas les comportements de ceux qui les proclament, les écrivent et les proposent.

 

La Motion 2 est importante principalement parce qu'avec elle, en ayant osé la proposer, la gauche de la CGIL a élevé le tir dans sa distinction avec la droite de la CGIL : elle a déplacé l'axe à gauche. Elle a fait faire un saut en avant à un processus qui nous offre, à nous communistes, une occasion précieuse qui va au-delà des intentions et de la personnalité des initiateurs de la Motion 2 et dont les développements ne dépendent principalement pas non plus des résultats immédiats des votes (qu'ils soient réels ou truqués) récoltés dans les assemblées des congressistes des deux Motions : de fait la gauche syndicale peut diriger toujours plus la CGIL et au-delà de la CGIL, même si le décompte des votes des congressistes est contre elle.

 

Pour s'en rendre compte et pour intervenir de façon à en tirer le maximum aux fins de la révolution socialiste, il faut assimiler la conception communiste du monde.

 

Ne peuvent pas s'en rendre compte ceux qui, bien que sincèrement enthousiastes à la révolution (à la manière des anarchistes d'un temps), sont encore imprégnés d'une conception cléricale et moralisatrice ou d'une conception individualiste, donc bourgeoise, du monde.

 

Ceux-ci trouveront dans la conduite passée et présente des initiateurs et des partisans de la Motion 2 (comme de ceux de la Motion 1 et de toute la CGIL) mille bonnes raisons pour dire qu'ils sont des mauvais sujets, que hier ils ont pratiqué en mille cas et sous milles aspects la ligne de concertation et de compatibilité qu'ils disent aujourd'hui refuser, qu'ils se sont à plusieurs reprises rendus responsables de collusions avec les patrons et avec les autorités (même avec la police : les adultes se rappellent la chasse aux Brigades Rouges que la police et les dirigeants CGIL menèrent ensemble) et ont plus d'une fois violé des principes élémentaires de démocratie et de solidarité dans la confrontation avec des groupes de travailleurs et en particulier les syndicats alternatifs. Donc ils ne voudront pas faire un morceau de route avec des tels mauvais sujets et avec des syndicats de régime. Pour nous par contre, il est important que la route que les mauvais sujets creusent soit la nôtre.

 

Ne peuvent s'en rendre compte non plus, ceux qui chaque pieuses poussées parlent avec emphase des masses, mais ne conçoivent pas que l'histoire moderne et la solution de ses problèmes consistent dans le passage en masse des travailleurs de la condition d'individus, qui en définitive sont unis sur large échelle (c'est-à-dire au-delà des liens du sang, de clan ou de voisinage) seulement par la subordination à un même patron (qu'il soit prêtre ou prince) ou au même système unitaire d'exploitation (le marché capitaliste), à la condition de personnes d'égale dignité liées les unes aux autres et à l'ensemble de leurs relations, jusqu'à constituer l'universelle association qui sera la nouvelle humanité, la societé communiste. Pour ceux-ci chaque pas particulier et concret est arriéré, donc ils se retiennent d'en profiter, ou insuffisant, donc ils se retiennent de le faire. Encore moins ils le promeuvent et se battent pour qu'il se réalise.

 

Le raisonnement qui suit est principalement adressé aux communistes pour qu'il soit leur guide dans leur activité. Cependant quelques arguments pourront convaincre aussi des travailleurs avancés et des démocrates sincères qui cherchent une sortie face à la situation atroce et dégénérante dans laquelle la bourgeoisie et le clergé nous ont conduits. La compréhension des choses est un facteur de transformation, le monde change et chacun de nous changera. Ce qui fait la différence est la direction dans laquelle on se change et si on dirige consciemment la transformation. Même dans ce contexte notre méthode est, à chaque niveau, mobiliser la gauche pour rallier le centre et isoler la droite.

 

Que caractérise l'instant où il se déroule le 16e Congrès de CGIL et pourquoi celui-ci peut assumer tant d'importance ?

 

La société bourgeoise est arrivée à l'effondrement pour la deuxième fois dans son histoire, à une distance d'environ 100 ans depuis qu'elle s'est effondrée la première fois, au début du siècle passé, mais cette fois sur une échelle mondiale. Dans notre pays, la République Pontificale, avec le grand et infâme rôle qu'elle joue dans le système mondial de l'oppression capitaliste, en est à l'effondrement. La combinaison de gouvernement que, par la bande Berlusconi, la République Pontificale a fait avec les Organisations Criminelles, confère à son effondrement une aura qui serait tragicomique s'il ne se produisait pas parmi les souffrances atroces des travailleurs, des immigrés, des femmes, des jeunes et des personnes âgées des masses populaires. Quel sera le proche futur ?

 

Si le gros des ouvriers avancés de notre pays passe de la résistance et de la protestation à la constitution du Gouvernement de Bloc Populaire, le prochain futur est l'instauration du socialisme.

 

Pour ceci, le Congrès de la CGIL est important. Une grande partie des ouvriers avancés, qui dans les entreprises capitalistes animent ou de quelque manière sont au centre des luttes que les ouvriers mènent dans cette période face à la crise, sont inscrits à la CGIL, malgré toute la ruine produite par les révisionistes et la gauche bourgeoise qui ont dirigé la CGIL dans les dernières décennies. Nous laissons de côté un instant les retraités, les travailleurs du public et les travailleurs des entreprises artisanales et des coopératives et considérons seulement les ouvriers des entreprises capitalistes qui sont politiquement décisifs. Sur les 7 millions d'ouvriers qui travaillent dans les entreprises capitalistes, ils sont certainement plus d'un million et demi inscrits à la CGIL. Plus de la moitié de ceux-ci sont compris dans les environ 3 millions d'ouvriers qui travaillent en entreprises capitalistes de plus de 100 salariés. L'action de ces 3 millions et donc leur orientation en faveur de la constitution d'un gouvernement d'urgence pour faire face à la crise, d'un Gouvernement Bloc Populaire, déterminerait le futur de l'entière classe ouvrière et donc de toutes les masses populaires de notre pays. Si les masses populaires prennent la route du Gouvernement de Bloc Populaire (et par lui de l'instauration du socialisme : nous avons déjà illustré plusieurs fois que la constitution du GBP ouvrirait la route à l'instauration du socialisme), aucune force ne pourra leur barrer avec succès le chemin. Et l'évolution de notre pays aurait un rôle probablement décisif dans la détermination des événements du futur prochain dans le reste de l'Europe, étant donné la crise à laquelle le reste de l'Europe doit aussi faire face.

 

Tel est l'enchaînement possible des choses. Notre Parti doit travailler parce que cela devient le cours réel des choses. Le bouleversement en cours dans le groupe dirigeant de la CGIL, en particulier la conduite de la gauche syndicale et du groupe dirigeant de la FIOM (ouvriers de la métallurgie), peut se combiner avec le développement politique en cours parmi les ouvriers avancés qui dirigent la résistance et la protestation, en particulier avec le développement en cours parmi les ouvriers avancés inscrit à la CGIL (globalement aujourd'hui deux ou trois cents mille, c'est-à-dire une grande partie des ouvriers avancés). Le développement en cours dans le groupe dirigeant et le développement en cours parmi les ouvriers avancés se conditionnent réciproquement. Nous communistes pouvons agir sur tous les deux : les deux jambes.

 

Réussirons-nous à orienter les ouvriers avancés vers la constitution du GBP ? Réussirons-nous à amener les chefs de la gauche syndicale à devenir les initiateurs d'un gouvernement d'urgence ?

 

Le Congrès de la CGIL et la présentation de la Motion 2 créent des conditions favorables. C'est une route que nous devons parcourir.

 

Nous sommes dans une situation générale de plus grand marasme, de souffrances inouïes et de désorientation. Les circonstances rendent cependant urgent pour des millions de travailleurs et autres membres des masses populaires de s'orienter et prendre une direction. Par l'histoire qu'ils ont sur les épaules et les conditions dans lesquelles ils sont placés, les ouvriers ne peuvent pas s'orienter en masse et s'élever à une œuvre politique autonome de la bourgeoisie et du clergé si il n'y a pas parmi eux une organisation influente et liée par son histoire à la masse, qui joue le rôle de centre d'orientation et direction.

 

Par sa nature l'usine capitaliste est un organisme unitaire et le marché capitaliste lie les usines capitalistes l'une à l'autre à former un système unitaire. Dans les usines il y a deux possible unités. L'une est le patron et sa hiérarchie de commandement, avec son plan de production, sa vision des affaires et ses relations sociales : la crise affaiblit cette unité, quand elle ne l'annule pas. L'autre est l'organisation politique ou syndicale des ouvriers, avec sa vie associative et la vision du monde qui en guide l'action. Étant données les conditions que je viens d'exposer, l'organisation syndicale qui existe aujourd'hui peut se transformer et devenir le point de départ d'un nouveau cours, à partir de la constitution d'un gouvernement d'émergence. Le bouleversement en cours dans son groupe dirigeant peut conduire la CGIL à jouer ce rôle.

 

Certains objecteront que CGIL est profondément corrompue et en collusion avec le régime et que la gauche syndicale ne fait substantiellement pas exception. Nous avons vu la CGIL collaborer avec les tortionnaires de régime et avec les services US pour briser les Brigades Rouges. Mais nous avons vu aussi des révolutionnaires devenir des policiers et des ministres. Rien n'exclut que des personnages liés avec le régime, en certaines circonstances, jouent un rôle révolutionnaire, si les communistes jouent bien leur rôle. Dans la Russie d'il y a environ un siècle, Zubatov était un policier et Gapone un prêtre informateur de la police. Di Pietro qui vote en faveur de la guerre en Afghanistan, Rinaldini et ses semblables peuvent travailler pour nous. Cela dépend de nous.

 

Je sens déjà de doctes objections se lever de toutes parts : "Il ne s'est jamais produit que les syndicats jouent un tel rôle. Les syndicats s'occupent seulement de problèmes économiques. C'est au Parti de s'occuper de la lutte politique". Tout ceci est vrai. Mais il ne s'est jamais produit non plus, que la classe ouvrier se trouve dans une situation comme celle-là, dans laquelle par contre nous nous trouvons : avec une crise générale du capitalisme en cours et entrée dans sa phase terminale, avec le mouvement communiste conscient et organisé qui ne s'est pas encore relevé de la crise consécutive à l'épuisement d'une vague de la révolution prolétarienne qui était arrivée jusqu'à constituer des pays socialistes comprenants 1/3 de l'humanité, avec une classe ouvrière qui a incorporé l'héritage de la première vague de la révolution prolétarienne, avec un mouvement communiste riche de l'expérience synthétisée dans le marxisme-léninisme-maoïsme. La combinaison de ces quatre facteurs rend possible la voie que nous indiquons. Notre doctrine n'est pas un manuel de recettes pour l'usage, mais un guide pour l'action.

 

À notre faveur joue le fait qu'une CGIL dirigée par la droite ne ferait pas l'histoire, comme elle ne la fit pas il y à cent ans. Une CGIL dirigée de la gauche peut être un facteur déterminant de l'histoire. Une CGIL dirigée par la droite n'aurait pas d'espace, se confondrait avec les autres syndicats de régime (CISL, UIL) et serait balayée par la mobilisation réactionnaire. Déjà aujourd'hui, les sommeils de beaucoup de dirigeants de la CGIL sont troublés par le fantôme de Bertinotti et leurs réflexions par la peur de connaître la même fin ou pire. Même une CGIL dirigée par la gauche syndicale, de plus de luttes mais sans résultats, serait balayée par la mobilisation réactionnaire.

Pour ne pas l'être elle sera forcée d'aller au-delà des revendications, elle devra tendre vers des objectifs politiques, de gouvernement. La plupart des dirigeants de la CGIL, et en particulier de la gauche, ne sont pas des aspirants au suicide et auraient quelques difficultés à passer dans le camp de la mobilisation réactionnaire. Tous éléments, qui poussent les dirigeants de la CGIL vers la constitution d'un gouvernement d'urgence que nous soutenons.

 

Quel est-elle l'orientation de ces quelques centaines de milliers d'ouvriers qui animent la résistance et la protestation dans les entreprises capitalistes ?

 

Aujourd'hui personne ne peut sérieusement dire quelle est leur orientation. Aucun sondage ne peut le révéler, pour la simple raison qu'aujourd'hui les idées de chaque individu, au-delà d'être souvent contradictoires comme ses sentiments et ses comportements, sont sujettes à des soudaines transformations. Il n'y a certes pas peu de journalistes à la Marco Revelli qui disent sans pudeur : "La masse des ouvriers pense que…".

Au même moment les mêmes intellectuels jurent que l'époque des idéologies est finie. Mais qu'est-ce que cette "époque des idéologies" sinon l'époque où, sur des questions importantes, les larges masses avaient des opinions et des comportements organiques et profondément enracinées, qui se sont formés au cours d'expériences profondes, dont ils ne s'arrachent pas facilement ? Si cette époque est finie, des personnes même seulement un peu sérieuses ne devraient pas parler d'"orientation des masses".

 

En effet, c'est seulement si elle est organisée qu'il est possible d'établir ce que sont l'orientation et la volonté d'une large couche de quelques centaines de milliers ou de quelques millions de personnes. Sauf des cas entièrement particuliers, c'est seulement si elle est organisée qu'une large couche a une orientation, des opinions, des objectifs, des volontés homogènes, organiques et raisonnablement stables, telles en somme qu'il est sérieux d'en parler parce qu'effectivement, ils font de cette large couche un sujet autonome, un protagoniste de la vie et de la lutte politique.

Sans ligne dirigée vers l'instauration du socialisme, donc sans conception communiste du monde et sans Parti qui l'incarne et l'emploie comme guide pour l'action, la classe ouvrière et les masses populaires, par la condition dans laquelle elles sont placées dans la société bourgeoise, sont une masse de manoeuvre pour les projets de la bourgeoisie, du clergé et de leurs histrions du moment, qui hier étaient les révisionnistes et la gauche bourgeoise, aujourd'hui s'appellent Berlusconi et Bossi et demain auraient les noms qui émergeraient des "tentatives de fascisme".

 

En Italie, il n'existe aujourd'hui rien de semblable à une large couche d'ouvriers organisés et sa formation est vraiment l'objet de la bataille politique en cours. Renaissance du mouvement communiste, pour nous, veut vraiment dire former une semblable large couche organisée, dans le Parti communiste et dans les organisations de masse rassemblées autour de Parti. Lorsque nous y serons arrivés, l'instauration du socialisme sera un objectif immédiat, sera à l'ordre du jour. Parce que nous ne sommes, aujourd'hui, pas encore à ce point, l'instauration du socialisme n'est pas à l'ordre du jour, tandis que l'est la constitution d'un GBP duquel feraient partie des personnages comme les actuels dirigeants de la gauche syndicale et même des individus du passé et du présent encore pires.

 

Marasme veut dire qu'il y a une grande confusion d'idées, de sentiments et d'orientations. La longue expérience vécue sous la direction hypocrite des révisionnistes et l'action idéologique de la bourgeoisie et du clergé ont détruit dans les masses populaires et même parmi les ouvriers les convictions et les idées qui s'étaient formées au cours de la première vague de la révolution prolétarienne et, encore plus en profondeur, ont détruit même la confiance d'être capables de connaître la vérité et de transformer le monde, en somme que les idées et les sentiments servent à quelque chose. En combien de temps une large couche d'ouvriers passera du marasme actuel à une organisation et à un système d'idées et de sentiments qui guident son activité politique, cela reste à voir.

 

Donc, nous ne pouvons pas aujourd'hui parler sérieusement de l'orientation de la large couche d'ouvriers qui anime la lutte des ouvriers. Cette orientation est à créer et ceci fait partie de notre travail, de la renaissance du mouvement communiste.

 

Quant à l'orientation des initiateurs de la Motion 2, ils sont quelques uns des chefs influents de l'aile la plus combative et revendicative de la CGIL, porteuse de l'idée d'un syndicat de lutte. Cette aile qui, ou par caractère ou par conviction ou par opportunisme veut que le syndicat en finisse avec la concertation (de l'activité syndicale avec les patrons et leurs Autorités) et avec la compatibilité (des revendications syndicales avec les plans industriels et avec la politique économique élaborée par la Confindustria (MEDEF italien - NDLR) et son gouvernement - "la Confindustria n'est jamais dans l'opposition" proclamait Gianni Agnelli).

Concertation et compatibilité qui sont les lignes directrices de la CGIL depuis la Convention de l'EUR (1978).

 

Et encore ! C'est seulement jusqu'à un certain point que les initiateurs de la Motion 2 sont représentatifs de cette aile. Gianni Rinaldini commentant les exploits généreux et victorieux des ouvriers de l'INNSE en défense de leur poste de travail, face à un Ichino qui les déclarait un "rite fatigué" au sein d'un "schéma usé", les justifie en disant que par contre ils "savaient bien que l'entreprise pouvait être compétitive". Vu que l'immense majorité des entreprises que les patrons ces mois-ci ferment ou redimensionnent sont par contre, dans le marché global capitaliste, moins compétitives que leurs concurrents, il n'est même pas certain que Rinaldini & Cie soient décidés à se mettre à la tête des ouvriers qui défendent leur poste de travail même si leurs entreprises ne sont pas compétitives.

 

En effets la gauche syndicale ainsi qu'elle est aujourd'hui, si elle persiste à se limiter à des revendications et à faire le "syndicat de lutte" contre le "syndicat structure qui fournit des services" (à l'allemande ou à la suédoise - NDLR), dans quelques opérations ferait le jeu des patrons plus rusés.

Lorsque Marchionne veut détruire le bloc syndical et politique des ouvriers FIAT qui depuis longtemps conditionnent le développement de notre pays, et donc réduit la production d'automobiles, met au chômage technique (70% du salaire) les ouvriers et ferme Termini Imerese et d'autres usines, celui qui se limite à proclamer des grèves de protestation, même si il a les meilleures intentions du monde, de fait aide Marchionne, et gaspille dans une initiative sans résultats l'indignation des ouvriers et disperse leurs énergies et leur capacité à devenir la classe dirigeante des masses populaires.

En général il constituerait la troupe la plus combative au service de la droite syndicale et de son programme ruineux ("les batailles sans résultats ne résistent pas") d'amortisseurs sociaux et d'autres mesures (fisc, etc) et la mobilisation réactionnaire les balaierait toutes les deux.

 

Une des caractéristiques spécifiques de la crise en cours est qu'elle n'admet pas de solutions purement économiques, qu'elle trouve solution seulement dans le bouleversement des systèmes politiques des pays individuellement et du système politique international.

 

Face à une crise qui signifie la réduction de postes de travail, des revenus et des droits pour les ouvriers et pour le reste des masses populaires, et dont on ne voit pas la fin, seul un gouvernement qui prenne les mesures nécessaires pour que chaque entreprise ait des objectifs productifs bien définis et les ressources pour les réaliser, et pour que chaque travailleur ait un poste de travail digne (en bref les six mesures que le Parti a formulé pour le Gouvernement de Bloc Populaire), peut avec succès faire face à la mobilisation réactionnaire, qui assure travail et revenu à une partie des travailleurs à condition qu'ils se mobilisent contre les immigrés, les chômeurs, les travailleurs d'entreprises pas compétitives, les marginaux, etc etc.

Au cours d'une semblable crise, une grève et chaque autre initiative de lutte n'a de sens que pour mobiliser les ouvriers pour la constitution d'un gouvernement d'urgence.

 

Le 12 Mars (grève générale en Italie - NDLR) ceci doit être partout le mot d'ordre.

 

Avec une ligne et un parcours de ce genre la gauche syndicale prendra au moins de fait la direction de la CGIL et obligera la droite syndicale à s'accouder à la gauche, à en accepter la direction si elle ne veut pas être marginalisée, et si elle ne passe pas dans le camp de la mobilisation réactionnaire.

 

Dans tout le Congrès les partisans de la motion de gauche n'ont pas la vie facile, alors qu'ils vont proposer un syndicat de lutte à des travailleurs que la gauche bourgeoise et les syndicats de régime ont depuis quelques décennies (l'EUR date de 1978) habitués à s'adapter au moins pire et à se résigner à ce à quoi le "rivage politique" pouvait les arranger, en termes de préretraites, de caisse d'intégration (chômage temporaire à 70% du salaire - NDLR), de mobilité, replacement, d'attributions de maisons populaires, etc.

 

A des travailleurs qui ne voient pas et auquel la gauche même ne montre pas d'autre perspective que des luttes que l'expérience montre comme ne donnant que des résultats précaires ou même nuls. Pour ceci il y a besoin de nous.

 

Aller proposer comme ticket gagnant la lutte à un moment où les patrons veulent fermer, délocaliser ou faire échouer les entreprises simplement parce qu'ils ne vendent pas, c'est lancer l'appel à des comportements à la Don Quichotte. Que la crise actuelle appelle des solutions politiques, admet seulement des solutions politiques est toujours plus une donnée de l'expérience commune. C'est seulement en proposant des solutions de gouvernement que la gauche peut conquérir le centre.

 

La lutte de la gauche de la CGIL réunie autour de la Motion 2, est utile et importante, mais si elle se limite et reste sur le terrain syndical, revendicatif, elle est perdante, n'a pas d'avenir parce qu'elle est arriérée. Un syndicat aujourd'hui pour être à la hauteur des événements doit poser comme synthèse de toutes les luttes revendicatives la solution politique que les conditions rendent possible et nécessaire : la constitution d'un gouvernement d'urgence qui prenne les mesures exposées dans les six mesures.

 

Sans faire ceci, elle décourage, dévalorise les luttes revendicatives qu'elle promeut. Et elle se suicide.

Ce n'est pas une question de collusion consciente, voulue ou négociée avec la bourgeoisie ou avec ses Autorités. C'est la situation objective que cela comporte.

 

Pour nous communistes, il s'agit de mobiliser la gauche en agissant avec la ligne de masse et la méthode des leviers et de mener, en exploitant l'occasion offerte à nous par la présentation de la Motion 2, une campagne faite de batailles et d'opérations liées entre elles (synergie) et dont chacune s'appuie sur les résultats obtenus par la précédente et crée les conditions pour la suivante (enchaînement), marchant sur les deux jambes.

L'objectif de la campagne est d'amener même la gauche de la CGIL à embrasser la ligne de construire un gouvernement d'urgence pour faire face à la crise, le GBP.

 

Oui, il y a un futur à conquérir ! C'est le socialisme, en passant par le Gouvernement de Bloc Populaire.

 

C'est seulement avec le Gouvernement de Bloc Populaire et avec l'instauration du socialisme dont la constitution du GBP contribuera à créer les conditions, que les ouvriers et le reste des masses populaires peuvent conquérir travail, démocratie et droits. Plus encore : le Pouvoir !